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  • « Diego Maradona » : L’enfant terrible du foot a enfin son biopic

     

     

    Lorsqu’il arrive à Naples en 1984, il est accueilli par 75.000 personnes, comme un dieu vivant. La ville la plus pauvre d’Europe vient de s’acheter le joueur le plus cher du monde : Diego Maradona. Avec le Napoli, l’Argentin va enflammer les stades, mais l’ancien gamin des bidonvilles reste un colosse aux pieds d’argile.

     

    Dans ses films, le réalisateur britannique Asif Kapadia parvient toujours à nous présenter des personnages iconiques sous des angles inédits ou méconnus. Avec « Senna » en 2010, il déroulait ainsi le fil du mal profond qui rongeait de l’intérieur le pilote de F1, jusqu’à l’accident qui lui coûta la vie en 1994. « Amy », Oscar 2016, nous dévoilait les pulsions autodestructrices et cette célébrité « asphyxiante » qui ont conduit au décès de la chanteuse.

    Génie, mais quant à lui bien vivant, même s’il est passé à plusieurs reprises très près du gouffre, Diego Maradona et son histoire hors du commun constituait donc un sujet parfait pour Asif Kapadia. S’appuyant sur des images inédites et le témoignage apaisé du footballeur argentin, le réalisateur se concentre surtout sur ses sept saisons passées en Italie, à Naples, de 1984 à 1991 ; cette ville aussi fiévreuse que lui, où il est devenu une star planétaire et où il finit par se perdre dans les excès…

     

    « Maradona est quelqu’un de plutôt vulnérable. D’un côté, il est typiquement latin, très macho et très sûr de lui. Mais quand vous regardez son visage et ses yeux, c’est comme un enfant, il est perdu », rapporte le réalisateur du documentaire consacré au joueur, Asif Kapadia.

     

    Ce dernier a donc dû convaincre l’ancien footballeur de témoigner et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été facile… Car Maradona, c’est la grandeur d’un mythe, mais aussi sa décadence. Entre addiction à la cocaïne et fricotage avec la mafia, ce prodige a fini par ternir son image à tout jamais.

     

    Pourquoi Maradona ?

    J’ai un peu grandi avec lui. J’avais envie d’en savoir plus sur ce génie toujours au bord du chaos. J’ai voulu parler de la bataille intérieure que Diego menait avec Maradona, ce personnage devenu son plus dangereux adversaire. Et puis je suis fan de football. Je joue le mardi soir. Sur un terrain, je ne suis pas Maradona, je suis plutôt inutile, souvent à terre. Mais je suis tellement d’accord avec lui quand il dit que le foot est le seul moment où il oubliait tout. On ne pense pas au travail, aux soucis. Et lui qui vivait en permanence sous la pression publique et médiatique en avait beaucoup.

     

    Combien de fois l’avez-vous rencontré ?

    Cinq ou six fois. La première, en septembre 2016. Il vivait à Dubai, à Palm Jumeirah, l’île artificielle en forme de palmier géant. J’étais avec une équipe de tournage. Pendant quatre jours, j’ai reçu le même message : « Diego ne se sent pas très bien aujourd’hui, peut-être demain ». Dubai coûte cher, on payait une équipe à ne rien faire, j’ai dit que je devais rentrer. Et ça s’est débloqué… Il n’avait pas l’air au fond du trou. Il m’a serré la main, on a fait une photo et il m’a dit : « Ok, nous allons faire un grand film, au revoir ». Ça a duré à peine cinq minutes. C’est toujours comme ça avec lui la première fois.

     

    « Naples a été le cycle le plus important pour Maradona. Ces années-là, il était le meilleur joueur du monde et il a gagné ses principaux titres. » 

     

    Et ensuite ?

    Les autres rencontres, jusqu’à trois heures, étaient plus sympas. Il était dans son canapé, une photo de Mère Teresa sur un mur, de tous ses enfants sur un autre. Sa copine venait écouter de temps en temps. Il était meilleur quand elle n’était pas là… Lors de notre première discussion, je lui ai demandé de me parler de Claudia, la mère de ses enfants, avec laquelle il était en guerre totale à l’époque. « Ne prononcez même pas son nom, s’il vous plaît ! ». Il y a beaucoup de douleurs accumulées dans cette famille, avec toutes ces histoires d’enfants [cinq reconnus en Argentine et Italie, d’autres putatifs à Cuba]. Ses filles m’ont beaucoup aidé, dont Dalma qui disait : « C’est génial que vous puissiez parler de mon père de son vivant. Peut-être qu’il comprendra mieux sa vie ».

     

    Pourquoi vous être concentré sur sa période napolitaine ?

    Je me suis rendu compte que le même cycle se répétait partout : il arrive en héros, tout va bien et tout le monde l’adore, puis il commence à faire n’importe quoi, ça dégénère, les gens le détestent et il part ailleurs, où ça recommence. Il a quitté Barcelone en disgrâce après avoir déclenché une bagarre en finale de la Coupe d’Espagne sous les yeux de Juan Carlos. Naples a été le cycle le plus important. Ces années-là, il était le meilleur joueur du monde et il a gagné ses principaux titres. Ses problèmes, notamment avec la drogue, sont nés dans cette ville.

     

    Vous présentez des images incroyables et jamais vues. D’où viennent-elles ?

    Le tout premier agent de Diego, Jorge Cyterszpiler, pressentait qu’il allait devenir une star. Il avait eu l’idée géniale d’embaucher deux cameramen pour le suivre partout, sur le terrain et en dehors. Il pensait en faire un film. Ça a commencé en 1981, avant même son transfert à Barcelone. Mais le film dont il rêvait n’a jamais eu lieu. Maradona a changé d’agent. On a retrouvé des cassettes un peu partout, à Buenos Aires et à Naples. C’est dingue : ils ont commencé le film en 1981 et je l’ai terminé en 2019 !

     

    « Diego est célèbre, bruyant et surtout talentueux, ce qui n’est pas toujours le cas des gens qui occupent l’espace… » 

     

    Où étiez-vous lors de sa fameuse « main de Dieu », pendant le match Argentine-Angleterre de la Coupe du Monde 1986 ?

    Devant ma télé, à Londres, où mon frère se mariait. Naturellement je soutenais l’Angleterre. Quand Diego marque son fantastique second but en dribblant quasiment toute notre équipe, c’est parce qu’elle était encore sous le choc du premier, quatre minutes plus tôt. Cette main… Je ne peux pas le détester à cause de ça. Tous les joueurs du monde peuvent tricher si c’est l’occasion d’obtenir une faute, un penalty, un but. Et le spectateur fait moins la fine bouche si son équipe en bénéficie. Il faut aussi se souvenir qu’à l’époque, les attaquants rapides comme Diego se faisaient découper par les défenseurs. Alors ils tentaient des choses… En visionnant les archives, je me suis rendu compte qu’il a utilisé sa main trois ou quatre autres fois dans sa carrière !

     

    Quel genre de dieu est-il ? Icare qui s’est trop brûlé les ailes ?

    Il y a de ça, oui. Mais je crois surtout que c’est un dieu très humain. Doué de qualités hors norme, mais aussi vulnérable, imparfait, immature. Tout ce qu’il a traversé est incroyable. C’est un survivant.

     

    Il y a votre film, une pièce en France, une série en préparation pour Amazon. Comment expliquer cette fascination pour Maradona ?

    Diego est célèbre, bruyant et surtout talentueux, ce qui n’est pas toujours le cas des gens qui occupent l’espace… Il a tout gagné dans le sport le plus populaire du monde. Et puis c’est un personnage à part entière, avec une dramaturgie inscrite dans son parcours de petit gars sorti de la pauvreté grâce au foot. La plupart des joueurs n’existent plus quand ils arrêtent. Lui se réinvente, dérape, grossit, se range jusqu’à la prochaine fois.

     

    « Maradona, il est mort tellement de fois déjà, et il est toujours revenu. Donc personne n’y croira vraiment quand ça arrivera ! »

     

    Un tel homme peut-il avoir une mort normale ?

    Quand j’ai dit à Naples que j’avais fait des films sur Ayrton Senna et Amy Winehouse, un type m’a regardé, sincèrement horrifié : « Vous allez porter malheur et tuer Diego ! ». J’ai dû lui expliquer qu’ils avaient disparu avant que je m’intéresse à eux. Maradona, il est mort tellement de fois déjà, et il est toujours revenu. Donc personne n’y croira vraiment quand ça arrivera !

     

    Quel sera votre prochain héros ?

    Je vais m’offrir un break côté biographies. J’ai fait aussi de la fiction, et notamment deux épisodes de « Mindhunter », une série de David Fincher. Je ne vais pas abandonner le documentaire mais j’ai besoin de faire autre chose, davantage consacré à l’état du monde.

     

    Propos recueillis par Stéphane Joby pour le JDD

     

     

    Rebelle. Héros. Tricheur. Dieu… Découvrez la bande-annonce de « Diego Maradona » par le réalisateur oscarisé de « Amy », en sélection officielle au Festival de Cannes. Le 31 juillet au cinéma.

     

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    Synopsis : Le 5 juillet 1984, Diego Maradona est engagé par le club SSC Napoli pour un montant inédit qui établit un nouveau record du monde : pendant sept ans, le « gamin en or » accomplit des miracles. Il faut dire que le footballeur le plus mythique de la planète trouve vite ses marques dans une ville où l’on dit que même le diable a besoin de gardes du corps…

    Si Maradona semble avoir la grâce sur le terrain, il a moins de chance dans sa vie personnelle. Et quand la magie s’est dissipée, il est presque devenu captif de la ville… « Diego Maradona », réalisé à partir de 500 heures d’images inédites issues des archives personnelles du footballeur, est le récit déjanté et inoubliable d’un homme au talent exceptionnel, mêlant gloire, désespoir, trahison, corruption et rédemption.

     

     

     

  • Chroniques de la Coupe du Monde : Le match entre la RFA et la RDA le 22 juin 1974

     

     

    Le 22 juin 1974, nous assistions à une opposition unique, inédite et historique entre les deux Allemagne, la RFA et la RDA. Un match sans enjeu, certes, puisque les deux équipes étaient déjà qualifiées pour le second tour de la Coupe du Monde 74 organisée en Allemagne, justement, mais une rencontre lourde de symbole…

     

    Avez-vous déjà vu un match de Coupe du Monde de la FIFA entre Brésiliens et Brésiliens, entre Français et Français ou entre Italiens et Italiens ? Certainement pas et c’est bien ce qui fait de ce duel du 22 juin 1974 une rencontre au caractère unique. Lors du premier tour de l’édition 1974 de l’épreuve suprême en Allemagne, la République Fédérale d’Allemagne (RFA) et la République Démocratique Allemande (RDA) se sont affrontées au Volksparkstadion de Hambourg.

    Ce match a été la seule rencontre entre les équipes nationales des deux états nés de la division de l’Allemagne à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Mais ce jour-là, rares sont ceux qui se doutent que ces 90 minutes occuperont une place à part dans l’histoire du football mondial et pas seulement en raison du caractère particulier de ce duel entre Allemands.

    Au Volksparkstadion de Hambourg, 60 000 spectateurs, dont 1 500 citoyens est-allemands, suivent le match, qui sera la première et la dernière rencontre entre les équipes d’Allemagne de l’Est et d’Allemagne de l’Ouest sur un terrain de football. Les rôles sont clairement attribués : d’un côté se trouve la RDA, nouvelle venue dans la course au titre mondial, et de l’autre la RFA, championne du monde de 1954 et championne d’Europe en titre.

     

     

    L’ambiance pendant le match est explosive, comme en témoigne l’anecdote suivante : pour ne pas heurter les sensibilités politiques, les joueurs n’osent pas procéder au traditionnel échange de maillots sur le terrain après le coup de sifflet final. C’est seulement une fois dans les vestiaires que Paul Breitner (RFA) va trouver l’auteur du but de la victoire, Jürgen Sparwasser (RDA), pour lui proposer de procéder au fameux échange. Ces deux maillots tomberont dans l’oubli pendant 28 ans, jusqu’à ce que les deux joueurs les mettent à disposition pour une vente aux enchères en faveur d’une œuvre de charité.

    Les agents de la Stasi, la police politique est-allemande, accompagnent même les joueurs de l’équipe nationale de RDA jusque dans le couloir, avant leur entrée sur la pelouse, afin de contrôler que les joueurs est-allemands ne puissent pas communiquer d’une quelconque manière avec les joueurs ouest-allemands.

     

     

    Quant aux supporters est-allemands, ils ont pris un train sans arrêt entre leur pays et Hamburg, de l’autre côté du Mur, encadrés eux aussi par les agents de la Stasi, afin d’éviter qu’ils puissent profiter de l’occasion pour passer à l’Ouest.

    Les deux équipes sont certes déjà qualifiées pour le deuxième tour, mais ce duel fratricide a pour enjeu la première place du groupe et, bien sûr, le prestige. Pour la RFA, qui s’est imposée face au Chili (1:0) et à l’Australie (3:0), un match nul serait suffisant pour prendre la tête de la poule. Pour la RDA, en revanche, il faut absolument gagner. La sélection de Georg Buschner a en effet battu l’Australie (2:0) mais n’a ramené qu’un nul (1:1) de sa rencontre avec le Chili.

     

    « Si un jour il y a écrit sur ma tombe Hambourg 74, tout le monde saura qui se trouve en dessous. » (Jürgen Sparwasser)

     

    La RFA domine le match mais sera finalement battue par sa rivale orientale sur le score de 1-0. Le héros du match, Jürgen Sparwasser est le joueur est-allemand qui inscrit le but de la victoire. Jürgen Sparwasser est ainsi entré dans l’histoire pour toujours en faisant trembler les filets lors de ce duel unique. Sa réalisation face aux Allemands de l’Ouest a fait de lui l’un des sportifs les plus connus de RDA. L’apprenti constructeur de machines âgé de 26 ans en 1974 a disputé en tout 53 matches sous le maillot de la sélection est-allemande (15 buts). Lors de l’exposition universelle de Hanovre en 2000, l’attaquant s’est même vu dédier un buste.

    Cette édition est restée la seule participation de la RDA à la Coupe du Monde de la FIFA, tandis que la République Fédérale d’Allemagne a toujours réussi à se qualifier pour le tournoi jusqu’à ce jour. Depuis, elle a remporté un troisième titre mondial en 1990, peu de temps avant que l’Allemagne ne soit réunifiée.

     

     

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