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  • « Shining » : le mystère Overlook qui attend toujours sous la neige

     

     

    Voilà bien un film qui, depuis sa sortie en salle en 1980, aura fait couler beaucoup d’encre. On ne dénombre plus les articles, les livres ou les documentaires retraçant l’histoire de « Shining ». Des journalistes, des cinéphiles, des professeurs de cinéma, voire des réalisateurs eux-mêmes, s’y sont confrontés, dans leur travaux comme dans leur questionnement sur ce qu’est une œuvre cinématographique, son sens et ses images.

     

    « Shining » appartient ainsi à la race de ces films disséqués, analysés, autopsiés, tant il reste encore aujourd’hui un objet de fascination, plus étrange même que l’histoire qu’il nous raconte. Beaucoup voudraient voir dans la filmographie de Stanley Kubrick, le réalisateur de « Full Metal Jacket », une manière démiurgique et définitive d’aborder chacun des projets dans lesquels il put se lancer.

    Que ce soit avec le polar (« Le Baiser du Tueur », 1955), la science-fiction (« 2001, l’Odyssée de l’Espace », 1968), le genre psychanalytique (« Eyes Wide Shut », 1999), la comédie (« Docteur Folamour », 1964), le film de guerre (« Les Sentiers de la Gloire », 1957) ou le péplum (« Spartacus », 1960), celui qui rêvait de porter à l’écran le personnage de Napoléon Bonaparte a toujours exprimé un certain sens du détail et une lecture toute personnelle du sujet qu’il abordait. Stanley Kubrick reste aujourd’hui encore un personnage assez mystérieux, finalement. Il n’aura dirigé que treize films sur une période d’une quarantaine d’années, quand d’autres en réalisent un par an…

    Car le moins que l’on puisse dire, c’est que Kubrick prenait son temps et préparait beaucoup en amont. Il ne faut pas voir en lui un quelconque génie zélé qui rechercherait absolument le diable qui se cacherait dans les détails, mais plus un perfectionniste, un peu misanthrope, qui aurait eu du mal à déléguer et qui aurait surtout voulu tout faire lui-même…

    Lorsque vous prenez Steven Spielberg, à qui d’ailleurs Kubrick confia un autre projet qui lui tenait à cœur, « A.I. (Intelligence Artificielle) », le réalisateur de la saga « Indiana Jones » a toujours su s’entourer de collaborateurs de confiance, à qui il peut déléguer un certain nombre de tâches, ce qui lui permet de se concentrer sur l’essentiel. Stanley Kubrick, quant à lui, aura finalement consacré plus de temps à des projets avortés qu’à des films menés à terme, justement à cause de ce pêché d’orgueil.

    Au point qu’on pourrait presque le comparer à Terrence Malick, qui lui aussi, jusque dans le courant des années 2000, ne nous avait livré que trois films, impressionnants de maîtrise, avant qu’il ne vive une crise existentielle et que des producteurs « cinéphiles » mais peu scrupuleux ne viennent frapper à sa porte, avec des mallettes remplies de billets verts, pour qu’il finisse par se mettre à tourner depuis vingt ans avec la (presque) frénésie d’un Claude Lelouch…

    Parfois pour le meilleur (« Le Nouveau Monde », « The Tree of Life », « Une Vie Cachée »), mais le plus souvent pour le pire (« A La Merveille », « Knight of Cups », « Song To Song »…), en attendant « The Last Planet » qui devrait sortir dans les prochains mois, avec une histoire consacrée à Jésus et ses apôtres. Une deuxième partie de filmographie en tout cas principalement axée sur la foi, l’amour, la place de l’homme dans l’univers, et des films qui se répondent les uns les autres, avec plus ou moins de bonheur.

    Pour en revenir à Stanley Kubrick, l’affaire est en revanche plus intéressante, tant chacun de ses films reste différent du précédent, avec toujours la volonté de recommencer depuis le début, de tout reprendre à zéro. On pourrait même se hasarder à faire une comparaison avec Sergio Leone, et la volonté presque systématique qu’affichaient les deux réalisateurs de constamment réinventer le cinéma et son langage.

    En adaptant un roman de Stephen King, il semblait évident que Kubrick ne voulait pas seulement satisfaire un caprice, qui eût pris la forme d’un film d’épouvante, à base de scènes grandiloquentes et de seaux d’hémoglobine. Kubrick avait bien peu d’égard pour l’écrivain du Maine et pour son œuvre en général. Et le livre n’était bel et bien qu’un prétexte, ce qui n’empêche cependant pas le film de comporter quelques scènes hyperboliques, assorties de litres et de litres de sang versés.

    Comme si Kubrick, avec son humour particulier, avait cherché à évacuer ainsi tout ce qui pouvait constituer les éléments prédominants de ce style de films, afin de passer ensuite à autre chose, qui l’intéresserait davantage et qui serait sa définition personnelle du « film qui fait peur ». Car il y a bien une méprise avec l’histoire de « Shining, l’Enfant Lumière », qui une fois passée par son prisme n’est plus un film pour simplement faire peur aux midinettes. On est bien loin des « Conjuring » et autres « Sinister », qui tiennent plus du train fantôme que de l’œuvre viscérale. En 1980, on croyait encore au pouvoir des images, sans cynisme ni récupération opportuniste.

     

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    Depuis sa sortie il y a quarante ans, « Shining » a pourtant marqué bien des esprits, en devenant une sorte de modèle du genre. S’il déjoue les pronostics et se détourne des obligations d’usage avec ce genre de récits, Kubrick décode et démonte le logiciel dit « horreur » pour nous emmener encore plus loin, dans un voyage personnel et intuitif. Car « Shining » n’est pas un simple film d’épouvante, mais avec le réalisateur de l’iconique « Orange Mécanique », aurait-il pu en être autrement ?

    Il n’y a pas que nos nerfs qui y sont sollicités, mais également nos souvenirs. Kubrick en appelle à tout ce que l’on trimballe en nous depuis notre enfance. Toutes ces peurs nourries de l’irrationnel et de ces choses tapies dans l’ombre, auxquelles on ne peut donner de nom. La peur et le dégoût de nous-même…

    « Shining » s’éloigne donc du roman initial et laisse de côté tant les références aux Indiens que celles aux pouvoirs du petit Danny ou du vieux cuisinier de l’hôtel, Dick. Kubrick survole rapidement ces thèmes et préfère jouer avec ses propres motifs. Et ses propres obsessions… Le pouvoir appelé « Shining » n’est finalement plus qu’un prétexte au film. Il faudra attendre sa suite directe sortie il y a environ un an, « Doctor Sleep », avec Ewan McGregor, pour se rapprocher davantage du matériau de base du roman de Stephen King, lui qui a d’ailleurs toujours affirmé détester l’adaptation de Kubrick.

     

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    Découvrir « Shining » à sa sortie en 1980, c’était un peu comme recevoir le même coup de hache dans le ventre que reçoit l’un des personnages de l’histoire. Heureux celles et ceux qui n’avaient pas découvert le roman avant de voir le film, et qui pouvaient ainsi ne pas être influencés par le récit de King.

    Et puis, il y a Jack Nicholson, bien-sûr ! Difficile d’imaginer un autre interprète, tant le travail accompli pour incarner cet écrivain qui devient progressivement fou à lier confine au sublime. Les sourcils de l’acteur n’ont jamais aussi bien servi un personnage et justifié ainsi la démence qui le ronge. Nicholson devient incontournable avec ce film, au même titre que le décor même de l’hôtel OverLook, qui est un protagoniste à part entière de l’histoire.

    Car tout dans ce lieu exprime une intention, un doute, une respiration. Des motifs de la moquette sur laquelle roule la voiture à pédales de Danny à ceux à fleurs de l’étage où dorment les Torrance, en passant par les éléments en bois, les escaliers de la grande salle de séjour, la cuisine, les couloirs, les dépendances, tout y devient très vite suffoquant et l’angoisse que l’on ressent ne va que crescendo jusqu’au climax vécu presque comme une libération, comme si on parvenait à ressortir la tête de l’eau. L’hôtel est filmé à la manière d’un corps, organique, et ceux qui y rentrent deviennent des intrus que le bâtiment se devra d’expulser ou de phagocyter ; et c’est ce qui arrivera justement à Jack.

     

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    Plus qu’un simple trip sous acide, le film est également un voyage mental et temporel, où toute notion de temps y est abolie, pour mieux nous laisser exsangue à la fin… « Shining » ne se résume pas à une simple adaptation du livre ou à une lecture en image ; il en va d’ailleurs de même pour sa suite, « Doctor Sleep », intéressante à plus d’un titre, même si elle reste malgré tout un peu trop conforme au roman, pour que le malaise attendu ne puisse s’installer…

    En tout cas, l’adaptation de Kubrick, même si elle fut tant abhorrée par Stephen King, s’avérera pourtant très importante pour le cinéma, en évoquant ce qui est tapi derrière nous, dans les angles morts. Gageons qu’un cinéaste comme David Lynch aura récupéré à son compte cette lecture inédite de la présence des esprits anciens parmi nous, afin de créer son propre univers, en particulier avec son « Twin Peaks: Fire Walk with Me ». Et plus généralement, les emprunts sont évidents dans d’autres productions du réalisateur du magnifique « Elephant Man », lui aussi sorti en 1980.

    A l’heure des jump scares et des effets gore, aussi outranciers qu’inoffensifs, replonger dans ce film impie et immersif nous rappelle à tout moment que nous ne sommes pas seuls et que l’on nous épie. Le mal n’attend que le moindre faux pas pour passer à l’action… Stanley Kubrick abordera au moins à cinq reprises dans ses films le thème de la folie, sous des angles différents. Un monde parallèle en soi…

    « Shining », le film a ouvert une brèche pour nous faire accéder à un autre monde qui nous était jusqu’alors interdit. Et personne, depuis, ne semble vouloir la refermer. On se complaît ainsi à fixer ce miroir, où l’on y voit nos propres abysses.

     

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  • John Williams : Quand la musique devient du cinéma (Partie 04)

     

     

    Dès la fin des années 90, la musique de John Williams va évoluer et muer, et ce tout au long de la décennie suivante. Hormis peut-être pour sa contribution aux trois films de la saga « Harry Potter »,  où il y déploie une orchestration encore toute Williamesque, ses nouvelles compositions vont paraître de moins en moins clinquantes et de plus en plus minimalistes. Il va peu à peu délaisser ses influences allemandes et slaves pour leur préférer des tonalités plus françaises (Debussy, Ravel, Poulenc, Satie…)

     

    Au cours de cette décennie 2000, le jazz s’invite ainsi dans l’oeuvre de John Williams, d’abord sur la B.O de « Catch Me If You Can », avec un tempo que n’aurait pas renié Henry Mancini, puis sur le film « Tintin » presque dix ans plus tard ; ce qui, avec le recul, n’est pas très étonnant, puisque Williams vient précisément de cette mouvance. Il faut se souvenir qu’il est pianiste de formation et qu’il a commencé avec le jazz dans les années 50 puis 60…

     

    A.I.

    En 2001, Steven Spielberg renoue avec la science fiction, avec « A.I. ». Un projet de longue haleine, initié par Stanley Kubrick, mais qu’il ne pourra jamais mener à terme, malgré un scénario abouti et des recherches préparatoires sur les effets spéciaux supervisées par le réalisateur de clips visionnaires et de génie, Chris Cunningham (celui qui mettra également en image l’univers onirique et cauchemardesque du musicien Aphex Twin ou de la chanteuse-elf Björk).

    C’était un souhait que le réalisateur de « Barry Lyndon » avait formulé, quant à son projet d’adaptation au cinéma du roman de Carlo Collodi. A savoir que s’il ne pouvait pas le réaliser lui-même, ce serait à Steven Spielberg de s’en charger, car Kubrick considérait qu’il était le seul (après lui…) à pouvoir mettre en image cette histoire, tant les visions des deux hommes étaient similaires, en particulier dans la façon d’approcher le matériau d’origine. John Williams est forcément de la partie, pour illustrer et ajouter aussi de la profondeur supplémentaire au film.

    Pour ce faire, Williams crée une thématique qui pourrait renvoyer à la musique du film « E.T. », puisque là encore tout s’écoute du point de vue de ce que ressent l’enfant, ici, un petit robot. Et cette fois-ci, la musique ne s’oriente pas vers Prokofiev et des accents de cuivres tonitruants, mais beaucoup plus vers Debussy, Leo Delibes, Berlioz ou Sibelius. Bref, pratiquement que des influences françaises, à l’exception d’un finlandais. Autre nouveauté, Williams va pour la première fois utiliser l’électronique, et même le son d’une guitare électrique.

     

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    Cette histoire, qui renvoie à celle de Pinocchio, donne au film et à sa musique des accents d’une tristesse insondable, comme nous n’avions jamais eu l’occasion de le ressentir auparavant dans un film de Steven Spielberg. Ce petit enfant-robot, qui veut être aimé par une maman humaine, tente coûte que coûte d’exaucer son vœu. Il y parviendra finalement, grâce à une génération de robots qui a survécu à l’homme bien des millénaires plus tard, alors que la terre est désormais recouverte de glace.

    Mais c’est seulement pour 24 heures qu’il pourra partager son amour avec un clone recréé pour l’occasion, et qui clôturera le film, lorsque l’enfant et la maman s’endorment tous les deux, après avoir passé une journée comme il en avait toujours rêvé, dans un sommeil éternel. Il s’agit sans nul doute de l’une des fins les plus bouleversantes pour un film du réalisateur de « Schindler’s List », et surtout déchirante pour un film trop court…

    La musique dispense un thème élégiaque au piano, avec quelques touche de violoncelle et une voix de soprano lointaine et enveloppante ; ce thème qui revient sans cesse dans le film, et pour le final, en une longue caresse qui commence par une musique atonale et blanche, comme le décor que nous fait découvrir Spielberg, avec ces étendues recouvertes de neige, puis l’apparition de ces robots humanoïdes, filiformes et translucides. Lorsqu’ils remettent en fonction le petit robot, seul témoin d’un monde qui n’existe plus, les notes chaudes du piano reviennent, annonciatrices du passé revisité et de sa mélancolie.

    Ce thème est aussi bien dédié au petit garçon artificiel qu’à la maman revenue d’entre les morts, grâce à une mèche de cheveux dont l’ADN va permettre de la faire revivre une journée, mais pas plus. Cette musique délicate et tragique accompagne ainsi la journée parfaite, comme l’avait toujours souhaité l’enfant synthétique. Une journée fantasmée, durant laquelle seule la mère et sa progéniture sont en parfaite symbiose.

    Il s’agit en tout cas de l’un des plus beaux scores que John Williams ait pu composer pour un film. Un film qui lui-même est l’un des plus beaux mais aussi des plus tristes qu’ait réalisé son auteur.

     

     

    Minority Report

    « Minority Report » sort en salle en 2002, soit un an après « A.I. ». Décidément, le réalisateur d’« Amistad » est inarrêtable. L’histoire, tirée cette fois d’une nouvelle de Philip K. Dick, dépeint, dans un futur pas si éloigné, la mission d’une police travaillant de concert avec des médiums qui annoncent les crimes et forfaits avant même qu’ils ne soient commis par leurs auteurs présumés. Steven Spielberg propose ici une société déprimante et un futur anxiogène. Entre un monde kafkaïen et orwellien, tout ce qui nous est montré semble plausible et c’est d’autant plus effrayant…

     

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    Et c’est exactement ce que John Williams va imaginer pour sous-tendre au mieux cette histoire paranoïaque à souhait. Avec « Minority Report », deux thématiques se confrontent. La première colle aux basques d’une action incessante et survoltée, dans laquelle on suit ces policiers en jet pack virevolter dans tous les sens. Williams nous assaille avec une musique dont les accents tout droits sortis des scores d’un cinéma des 70’s rappellent un tempo Jazzy, même si l’ensemble est symphonique, finalement très proche du travail de Lalo Schifrin sur le film « Bullitt ».

    L’autre ambiance s’articule autour du personnage de Sean, le fils du personnage central incarné par Tom Cruise, mort noyé. Doux et mélancolique, et dans lequel les cordes ont la part belle, ce thème se décline à différents passages, en leitmotiv, lorsque le héros se souvient de son fils. C’est à la fin du film qu’un second thème plus apaisé apparaît, pour se muer ensuite en générique final. Dans ces deux cas, la musique n’appartient pas aux personnages ou à leur représentation. Elle exprime un état général. La suite orchestrale qui clôture « Minority Report » propose enfin une résolution et de la douceur qui ouvrent ainsi sur de nouvelles perspectives. Cette même musique entendue auparavant simplement par petites touches, et qui signifiait dans ces cas précis l’espoir.

    Avec « Minority Report », c’est aussi la première fois que la musique composée est mise en retrait par rapport aux séquences fortes du film. Elle ne fait qu’accompagner les péripéties, sans jamais être envahissante… Et c’est en réécoutant le score après avoir vu le film qu’on la redécouvre pleinement.

    Mais Steven Spielberg n’en a pas encore fini avec la science fiction… Il boucle ainsi cette trilogie, au début des années 2000, avec un remake, et toujours et encore John Williams à la musique. De science fiction, il en sera d’ailleurs de nouveau question plus récemment avec « Ready Player One », sorti en 2018, mais cette fois sans son compositeur fétiche… C’est Alan SilvestriRetour vers le Futur ») qui se voit confier la composition du score.

     

     

    La Guerre des Mondes

    Vu par le prisme spielbergien, cette histoire d’invasion extra-terrestre tirée d’un roman de H.G. Wells datant de 1898, qui avait déjà connu une adaptation pour la radio en 1938 (réalisée par l’immense Orson Welles) puis pour le cinéma en 1953, devient un cauchemar cinématographique, dans lequel les spectres du 11 septembre et de la Shoah se mélangent pour offrir un spectacle magistral mais éprouvant.

    John Williams, fort de ces données, compose pour « La Guerre des Mondes » une musique anxiogène, brutale, où même les moments d’accalmie, notamment à la fin avec la résolution, n’offre ni apaisement ni espoir…

     

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    Tout au long du film, il flotte dans l’air comme une interrogation, un doute… Même si « La Guerre des Mondes » se clôture par un happy end en demi-teinte, le score se garde bien de toute fanfare qui pourrait célébrer une quelconque victoire des humains sur ces féroces forces extra-terrestres. En effet, ce qu’imagine le compositeur de « Munich » pour signifier l’impuissance totale des hommes contre les machines martiennes, c’est une musique qui n’est jamais victorieuse, mais qui repose plutôt sur un sentiment de passivité et de fatalisme.

    La défaite et la mort des envahisseurs ne pourront finalement être imputées qu’aux plus petits êtres que notre terre ait engendrés : les microbes. C’est donc bien à un film amer et fataliste que nous convient Steven Spielberg et son compositeur attitré. L’Amérique n’est plus montrée comme une nation triomphante, avec ses héros et leurs morceaux de bravoure. Le personnage principal, pourtant incarné de nouveau par l’indestructible Tom Cruise, passe le plus clair de son temps à fuir ou à se terrer comme un lapin apeuré.

    Une des superbes idées qu’a également Williams pour signifier la présence létale des extra-terrestres, outre ce son épouvantable produit par les tripodes avant qu’ils ne fassent feu sur les foules en panique, c’est dans la musique elle-même qu’on la trouve, avec l’emploi de chœurs féminins utilisés comme des percussions, censés exprimer ainsi une dangerosité menaçante et implacable dans les desseins de ces créatures belliqueuses.

    Tout le score est glaçant, sans une once de chaleur ou de patriotisme bon teint, dont seuls les Américains sont en général capables de se fendre. Là aussi, John Williams va à rebrousse-poil des thèmes tonitruants qu’il eut l’habitude de composer par le passé.

    Nous sommes bien dans une ère de défaitisme et d’incertitude absolue quant à l’évolution du monde. Steven Spielberg et John Williams, que l’on a souvent taxés de niais, voire même de partisans d’un américanisme primaire, nous rappellent que l’être humain n’a jamais été aussi proche de sa fin.

     

    A l’instar d’un Ennio Morricone, John Williams est sans nul doute le dernier des compositeurs vivants à avoir autant créé pour le cinéma, reconnu entre ses pairs non seulement pour la qualité de ses musiques de films, mais aussi pour l’impressionnante diversité des œuvres composées. Et il ne connaît aucun rival, qui pourrait lui arriver ne serait-ce qu’à la cheville. Même si cela n’est pas forcément un gage de qualité, il faut tout de même noter sa longévité dans l’industrie du cinéma et ce souci constant de se remettre en question, d’innover et de tenter de créer avec toujours l’humilité et la candeur qui le caractérisent.

    Autant dire, la marque des plus grands…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  « John Williams : quand la musique devient du cinéma (Part 01) » 

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  « John Williams : quand la musique devient du cinéma (Part 02) »

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  « John Williams : quand la musique devient du cinéma (Part 03) »