Catégorie : Histoire

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 14 : Entretien avec Amin Maalouf

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Bien des événements emblématiques de notre époque, de la chute du mur de Berlin à l’écroulement des tours du World Trade Center, partent ainsi du même point : 1979. Une année où sont survenus des bouleversements tels qu’on en subit encore les conséquences, soutient l’écrivain Amin Maalouf.

     

    En 1979, le monde est ébranlé par deux événements majeurs : la révolution iranienne, qui va propulser l’ayatollah Khomeiny au pouvoir, et la révolution conservatrice au Royaume-Uni, marquée par l’élection de Margaret Thatcher. Ces révolutions enclenchent ce qu’Amin Maalouf, écrivain franco-libanais, qualifie de « grand retournement » et dont nous subissons toujours les secousses. Dans son tout dernier essai, « Le naufrage des civilisations » (paru cette année chez Grasset), l’auteur de « Léon l’Africain », de « Samarcande » et d’une dizaine d’autres livres (et membre de l’Académie française) écrit que les événements de cette année fatidique ont métamorphosé les sociétés humaines et conduit les civilisations au bord du précipice.

     

    Vous établissez l’année 1979 comme celle marquant le début des dérèglements mondiaux. Pourquoi ?

    Il y a des dates qui deviennent en quelque sorte des marque-pages dans le grand registre du temps, signalant la fin d’un chapitre et le commencement d’un autre. En 1979 se sont mis en place les paramètres politiques et intellectuels qui ont façonné le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui : la montée de l’islamisme radical et, plus généralement, des tensions identitaires ; et la montée d’une nouvelle forme de gestion économique, caractérisée par un reflux des politiques sociales et par une dénonciation de l’« Etat-Providence ». Les deux événements emblématiques de cette évolution sont le triomphe de la révolution iranienne, en février 1979, avec la proclamation par l’ayatollah Khomeiny d’une République islamique ; puis, trois mois plus tard, en mai, au Royaume-Uni, la victoire électorale de Margaret Thatcher et l’avènement de ce qu’elle a appelé sa « révolution conservatrice », qui allait influencer les dirigeants du monde entier.

     

     

     

    Ces deux phénomènes ne sont pas semblables. Pourquoi les relier ?

    Il est vrai qu’il y a d’énormes différences entre les deux événements, entre les deux personnages, comme entre les deux conservatismes. Mais ils ont provoqué, sur l’ensemble de la planète, un « retournement » durable des idées et des attitudes. Leur proximité dans le temps n’était sûrement pas le résultat d’une action concertée, mais elle n’était pas non plus le fruit du hasard. Je parlerai plutôt de « conjonction ». C’est comme si une nouvelle « saison » était arrivée à maturité, et qu’elle faisait éclore ses fleurs en mille endroits à la fois. Ou comme si « l’esprit du temps » était en train de nous signifier la fin d’un cycle, et le commencement d’un autre. Désormais, c’est le conservatisme qui se proclamera révolutionnaire, tandis que les tenants du « progressisme » n’auront plus d’autre but que la conservation des acquis.

     

    Commençons par les turbulences identitaires. Pourquoi frappent-elles surtout le monde arabo-musulman ?

    Dans mon dernier livre, je m’efforce de trouver les raisons pour lesquelles ma région natale, le Proche-Orient, a connu une dérive identitaire meurtrière. Je ne prétends pas expliquer l’ensemble du phénomène, mais j’essaie d’offrir quelques pistes de réflexion. En partant de ma propre expérience. Je suis né à Beyrouth, et j’ai eu le triste privilège d’assister, en avril 1975, de la fenêtre de mon appartement, au massacre qui fut le déclencheur de la guerre du Liban. À partir de là, la coexistence entre les ressortissants des diverses communautés a été rompue. Jusque-là, elle fonctionnait à peu près, même si elle n’a jamais été idyllique.

     

     

     

     

    Mais le Proche-Orient a été secoué par d’autres événements. Vous montrez du doigt les actions de Nasser, le dirigeant égyptien qui a renversé la monarchie en 1952. N’est-il pas tout à la fois héros et fossoyeur du monde arabe ?

    Nasser arrive à un moment clé de l’histoire de cette région et du monde. Lorsqu’il prend le pouvoir en 1952, il est vu comme un libérateur. Il renverse une monarchie discréditée et redonne aux peuples arabes leur fierté. Il atteint son moment de gloire en 1956 lorsqu’il nationalise le canal de Suez et sort politiquement gagnant de son différend avec la France, le Royaume-Uni et Israël. Il devient un leader de stature mondiale, et une idole pour les foules arabes. Mais sa manière de gouverner se révèle désastreuse. Il nationalise à tour de bras, réprime l’opposition et pousse vers la sortie les communautés dites « égyptianisées » — des centaines de milliers de Grecs, d’Italiens, de Juifs, de Syro-Libanais, de Français, etc. — dont certaines étaient installées dans la vallée du Nil depuis plusieurs générations, voire plusieurs siècles. En 1967, il perd la guerre contre Israël. Et le monde arabe ne s’est jamais relevé de cette défaite.

     

    L’échec de Nasser signe la montée d’une autre force politique déjà bien ancrée dans le monde arabo-musulman, l’islamisme. Et c’est l’Iran de Khomeiny qui va s’en emparer, n’est-ce pas ?

    La révolution khomeiniste de 1979 va effectivement marquer une victoire spectaculaire pour l’islamisme politique et ébranler la civilisation arabo-musulmane. L’Iran, bien que n’étant pas un pays arabe, va se faire le champion des causes que défendait jusque-là le nationalisme arabe, notamment le soutien aux mouvements palestiniens et le combat contre Israël. Les monarchies arabes sont blâmées pour leur faiblesse face aux Occidentaux. L’Iran leur apparaît comme une menace mortelle.

     

     

    Mais d’autres événements vont alimenter l’islamisme ?

    Là encore, 1979 est une année charnière. La révolution iranienne éclate donc en février. En mars, le premier ministre laïque du Pakistan, Ali Bhutto, est exécuté par des militaires prônant l’application de la loi coranique. En juillet, Washington commence à armer les moudjahidines islamistes afghans. En novembre, des militants radicaux prennent d’assaut la grande mosquée de La Mecque et ébranlent le pouvoir saoudien, ce qui le pousse à se durcir considérablement. Enfin, en décembre, l’Union soviétique envahit l’Afghanistan, ce qui déclenche une mobilisation sans précédent dans le monde arabo-musulman, et précipite la défaite du communisme.

     

    Et nous vivons toujours les effets de cet ébranlement ?

    Bien des moments emblématiques qui ont façonné notre époque, de la chute du mur de Berlin en 1989 à l’écroulement des tours jumelles de Manhattan en 2001, trouvent effectivement leur origine dans les événements de cette année-là.

     

    L’autre événement clé du grand retournement dont vous parlez est la révolution conservatrice. Vous l’attribuez à Margaret Thatcher. En quoi est-ce important ?

    L’avènement au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979 n’aurait pas eu la même portée s’il ne s’inscrivait pas dans un mouvement profond et ample qui allait dépasser très vite les frontières du Royaume-Uni. Son socle reposait sur le soulèvement des acteurs économiques, et plus généralement des possédants, contre les empiétements de l’État redistributeur des richesses. Cette révolution avait comme programme de diminuer l’intervention du gouvernement dans la vie économique, de limiter les dépenses sociales, d’accorder plus de latitude aux entrepreneurs et de réduire l’influence des syndicats.

     

     

     

    Et cette révolution a rapidement touché la planète entière ?

    Elle s’est révélée, en effet, fort attrayante. Et elle s’est propagée très vite. D’abord vers les États-Unis, avec l’élection de Ronald Reagan en novembre 1980 ; puis vers le reste du monde. Les préceptes de la révolution conservatrice anglo-américaine seront adoptés par de nombreux dirigeants de droite comme de gauche, parfois avec enthousiasme, parfois avec résignation. La révolution conservatrice a mis fin à la « timidité » qu’éprouvait jusqu’alors la droite dans le débat politique et intellectuel, notamment sur les questions sociales. C’est là une dimension difficile à saisir, mais elle est essentielle pour comprendre le bouleversement qui s’est opéré dans les mentalités, partout dans le monde. La domination qu’exerçaient jusque-là les idées et le vocabulaire de la gauche s’est effritée.

     

    Quels ont été ses résultats ?

    Ils ont été nuancés. Le triomphe d’un capitalisme décomplexé a eu pour effet de libérer des forces économiques puissantes, et de favoriser le décollage des plus grandes nations non occidentales, comme la Chine ou l’Inde. Mais il a accentué les inégalités, au point de créer une petite caste d’hypermilliardaires, chacun d’eux plus riche que des nations entières ; et il a désavantagé de vastes couches de la population, qui se sentent aujourd’hui marginalisées, et même délaissées.

     

    Vous parlez de naufrage des civilisations, alors que le professeur Samuel Huntington, dans son livre phare de 1996, parle de « choc des civilisations ». Y a-t-il une différence ?

    Samuel Huntington a prédit que le monde allait se constituer en sept ou huit blocs, ou « aires de civilisation ». Pourtant, ce qui caractérise l’humanité aujourd’hui, ce n’est pas une tendance à se regrouper au sein de très vastes ensembles, mais une propension au morcellement, au fractionnement, souvent dans la violence. C’est évidemment vrai dans le monde arabe, mais c’est également vrai en Europe, et ailleurs. Partout dans le monde, il y a au sein des sociétés humaines de plus en plus de facteurs qui fragmentent, et de moins en moins de facteurs qui cimentent.

     

    Faut-il donc conclure à l’inexorable naufrage des civilisations ?

    Les années à venir vont très probablement nous apporter des secousses majeures. Mais je reste persuadé que l’on finira par connaître une prise de conscience, et un sursaut. C’est dans cet espoir que j’ai écrit mon livre.

     

     

    Entretien avec Jocelyn Coulon pour L’Actualité (09 octobre 2019)

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 13 : McDonald’s

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    17 septembre 1979, ouverture officielle du premier McDonald’s en France. Ça, c’est pour la version officielle… Car l’histoire a été réécrite de toutes pièces : c’est en effet un certain Raymond Dayan qui a importé la marque comme le concept du fast-food en France sept ans plus tôt, en 1972, alors que la maison-mère américaine était très sceptique quant à la viabilité d’une implantation dans notre doux pays.

     

    Cet anniversaire ne serait donc qu’une escroquerie barbouillée de ketchup et surmontée d’une rondelle de pickle ? Ce 17 septembre 1979, c’est pourtant encore aujourd’hui très officiellement la date gravée dans le marbre de l’histoire du géant américain de la restauration rapide, ainsi que sur la façade de la première enseigne McDonald’s ouverte en France, à Strasbourg. « Nous étions des pionniers », se souvient Michel Ksiazenicer, le premier franchisé. « Cependant l’accueil fut plutôt chaleureux, et les réactions des Alsaciens plus curieuses qu’hostiles », comme nous indique le site de la maison-mère. Sans doute… Car ça fleurait bon le bonheur qui dégouline entre deux buns, à en croire le reportage du journal télévisé de l’époque.

     

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    Mais il n’en reste pas moins que l’histoire a été réécrite de toutes pièces… Car McDonald’s cherche en fait depuis quarante ans à effacer des tablettes un homme, Raymond Dayan, celui qui importa la marque comme le concept du fast food en France sept ans plus tôt, en 1972, après une première expérience à Chicago. Les hamburgers en France, McDo n’y croit pas et accorde une licence à des conditions plus qu’avantageuses à l’entrepreneur français, qui obtient de surcroît l’exclusivité sur tout le territoire.

    Raymond Dayan est ainsi autorisé à ouvrir jusqu’à 150 restaurants et la licence lui est accordée pour trente ans. Mais surtout, les conditions financières négociées par l’homme d’affaires sont royales : il ne doit reverser que 1,5 % de son chiffre d’affaires à la maison mère contre près de 20 % aujourd’hui pour un franchisé McDo lambda.

     

    « Je suis vraiment l’incarnation du rêve américain, le seul pays au monde où un émigrant qui a l’esprit d’entreprise et qui a une nouvelle idée, peut venir, y concrétiser son projet et réussir. La France, c’est le pays de l’excellence culinaire. Et venir y importer un concept tel que le hamburger, McDonald’s n’y croyait évidemment pas. Manger avec les doigts, souvent debout, les Américains pensaient que les Français ne s’y mettraient jamais… » (Raymond Dayan en 1984)

     

    Le premier McDo ouvre donc, non pas à Strasbourg en 1979, mais à Créteil, en région parisienne, le 30 juin 1972. Un fast food qui existe d’ailleurs encore aujourd’hui… Les débuts sont cependant quelque peu laborieux. Si les curieux se pressent à Créteil pour voir ce nouveau concept qui cartonne aux Etats-Unis, la mayonnaise ne prend pas immédiatement.

    Raymond Dayan a beau ouvrir un second McDonald’s sur les Champs-Elysées à Paris en 1973, il faudra attendre trois ans pour que ses restaurants cessent de perdre de l’argent. Mais à la fin des années 70, l’homme d’affaires est le roi du hamburger. Il est à la tête de quatorze restaurants qui servent 6 millions de repas par an et réalisent 60 millions de francs de chiffre d’affaires (près de 33 millions d’euros actuels en prenant en compte l’érosion monétaire).

     

    « En 1972, après avoir ouvert le premier McDonald’s à Créteil, j’ai du trouver très rapidement des gens qui sachent faire des hamburgers pour mes autres restaurants. Comme j’étais le premier à lancer le concept, j’ai du former le personnel…  » (Raymond Dayan en 1972)

     

    McDonald’s réalise alors son erreur et propose dans un premier temps à Raymond Dayan de racheter ses restaurants. Celui-ci refuse et la marque américain contre-attaque en invoquant le non-respect de ses règles d’hygiène. S’ensuit une terrible bataille juridique remportée finalement par le géant américain en 1982. Si l’entrepreneur français gagne le procès en première instance, il perd finalement en appel et doit rebaptiser ses 14 restaurants O’Kitch. La marque sera rachetée ensuite par le belge Quick, qui veut se faire une place au soleil sur le marché français.

    Aujourd’hui la filiale française de McDonald’s est l’une de plus florissantes du groupe. Près de 1500 restaurants, 69.000 salariés et 1,8 million de repas servis par jour. Elle se paie même le luxe de posséder le McDo qui réalise le plus gros chiffre d’affaires du monde, celui des Champs-Elysées à Paris, l’artère sur laquelle Raymond Dayan avait ouvert son deuxième restaurant en 1973. Manger avec les doigts, parfois debout, les Français s’y sont finalement mis…

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 10 : Le deuil des sacrifiées

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    En 1979, Reza et son frère Manoocher ont photographié la révolution iranienne. Pour Arte Reportage, ils exhument et commentent aujourd’hui 40 photos réalisées dans les premières années de la jeune révolution. Leur pays vivait alors des moments historiques. L’islam radical s’installait au pouvoir et le monde ne serait plus jamais comme avant. C’était il y a 40 ans.

     

    « Prison d’Evin, 1983. Cette image est peut-être belle mais elle est en même temps si triste… Ces jeunes filles étaient prisonnières depuis plusieurs années parfois. Certaines étaient des opposantes au régime, mais pas toutes. Contraintes de porter le tchador, elles étaient obligées de prier et de chanter à la gloire de Khomeiny. Je me demande ce qu’elles sont devenues. On ne le saura jamais. » (Rachel Deghati)

     

    « Je me souviens très bien de ce jour, quand je suis rentré dans cette prison. La prison d’Evin en Iran, une des prisons les plus redoutables au monde… Parmi les milliers de prisonniers qui y étaient enfermés, très peu ont survécu. Il y avait des milliers de jeunes femmes, de jeunes garçons, qui avaient été arrêtés dans la rue, pour avoir dit un mot contre Khomeini ou contre l’Islam. » (Manoocher Deghati)

     

    « Sur cette photo, on voit le visage triste de ces jeunes filles. La composition de l’image est peut-être belle, mais je suis content que ça renvoie aussi un message de tristesse. Parce que la plupart d’entre elles ont été exécutées. Dans la loi islamique, on ne peut pas exécuter des femmes vierges. Il faut donc les violer avant de les exécuter… C’est un des aspects les plus horribles de cette loi. » (Manoocher Deghati)

     

    https://twitter.com/ARTEfr/status/1113787552773881856?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1113787552773881856&ref_url=https%3A%2F%2Fpublish.twitter.com%2F%3Fquery%3Dhttps%253A%252F%252Ftwitter.com%252FARTEfr%252Fstatus%252F1113787552773881856%26widget%3DTweet

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Arte Reportage : « Iran, au coeur de la révolution » 

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »]  Arte Reportage : « Le Deuil des Sacrifiées » 

     

     

     

  • 1979, l’année qui changea le monde, Episode 05 : « Le Forum des Halles »

     

    [kleo_pin type= »circle » left= »yes » right= » » top= » » bottom= » »]          « FOCUS » : un article de fond sur un thème que nos rédacteurs ont sélectionné.

     

     

    L’année 1979 est définitivement une année-charnière, comme la fin d’un cycle. Elle scelle le sort des dernières utopies. Le monde prend une pelle et enterre à la hâte les cadavres encore fumants de nos illusions perdues. Après 1979, rien ne sera plus vraiment comme avant…

     

    Coincée à la fin d’une décennie qui paraît un peu creuse, durant laquelle les dirigeants politiques semblent manquer de charisme (le pâle Carter face au cowboy médiatique Reagan, VGE après De Gaulle et Pompidou), l’année 1979 n’attire décidément pas les flashes. Et pourtant… Que d’événements considérables ont eu lieu cette année-là, autant de tremblements qui ont marqué la face du monde et dont on ressent encore les répliques quarante ans plus tard.

    Révolution iranienne, arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en Irak, début de la Guerre d’Afghanistan qui mènera à la chute de l’URSS et à l’apparition du terrorisme islamiste, second choc pétrolier et crise économique mondiale, paix entre Israël et l’Egypte, fin des Khmers Rouges… Il n’est pas insensé de penser que 1979 a en réalité été l’année la plus importante de l’après-Seconde Guerre Mondiale.

     

    Cette année 2019 est ponctuée de deux anniversaires. Il y a 50 ans, du 28 février au 2 mars 1969, les « Halles Centrales » partaient à douze kilomètres de Paris, à Rungis. Dix ans plus tard, le 4 septembre 1979, était inauguré le Forum des Halles, en présence de Jacques Chirac, Maire de Paris. 

     

    Il y a soixante ans, le 6 janvier 1959, au terme de longs débats, le Conseil des Ministres décide par ordonnance de transférer les Halles de Paris à Rungis et à la Villette. Malgré la mobilisation d’une partie de l’opinion en faveur du maintien des pavillons de Baltard in situ, leur démolition commence en 1971, deux ans après le déménagement des Halles Centrales et l’ouverture du nouveau marché de Rungis, au sud de Paris, devenu le plus grand marché de produits frais au monde en approvisionnant plus de 18 millions de personnes.

    Pour mieux appréhender ce microcosme et ses usages avant qu’il ne disparaisse à jamais, Daniel Karlin partait en 1969 à la rencontre de ces travailleurs du marché des Halles Centrales, aussi surnommées par Zola « le Ventre de Paris ». On y croisait ces témoins de métiers aujourd’hui disparus : une approvisionneuse qui vendait les produits qu’elle achetait aux maraîchers, un tasseur qui montait des tas de légumes sur le carreau des Halles, Marius dont le bistrot était face au Pavillon de la Marée ou encore le plus ancien mandataire de viande, arrivé aux Halles en 1915.

     

    Mémoires d’un vieux quartier | ORTF | 08/10/1969 (Images d’archive INA)

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    Suite au déménagement en 1969 des Halles de Paris, installées depuis le 12ème siècle en plein coeur de la capitale, dans l’actuel 1er arrondissement, vers la banlieue de Rungis (Val-de-Marne), des habitants du quartier, d’anciens commerçants, vendeurs et « Forts des Halles » témoignent, avec nostalgie, de cette époque révolue où, du fait de sa localisation au centre de Paris, il existait une réelle ambiance et confraternité entre les résidents des Halles. Commentaire sur images factuelles et d’archives, interviews, témoignages et explications de ce qui sera construit à la place des anciennes Halles, sur fond de travaux publics, d’ouvriers, de chantier des nouvelles Halles et d’images du quartier, constituent la base de ce reportage tourné en 1977.

     

    Images d’archive INA | 19/12/1977

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    Ce déménagement permet ainsi de concevoir une vaste opération d’urbanisme au cœur même de la capitale, pour redynamiser le centre de la rive droite. Le projet du Forum des Halles voit le jour, afin de créer une véritable ville souterraine, liée aux transports en commun et comportant des équipements commerciaux, culturels, sportifs et de loisirs. Cette orientation est confirmée par la décision gouvernementale d’y réaliser le point central d’interconnexion du RER, le Réseau Express Régional, situé à plus de 20 mètres sous terre.

    Durant l’été 1971, la démolition des Halles Baltard est donc rendue nécessaire afin de créer, à ciel ouvert, la gare souterraine du RER. Le vide et l’espace vacant laissé sur la partie ouest du site reçoivent rapidement le surnom de « Trou des Halles ». Au cinéma, le site sert, en 1973, à la transposition en plein Paris des aventures de Buffalo Bill, du général Custer et des indiens dans « Touche pas à la Femme Blanche », interprété par Marcello Mastroianni et Philippe Noiret. On l’aperçoit également dans « Les Gaspards », ayant pour thème les grands travaux de cette époque.

    Ce « Trou des Halles » symbolisera durant plusieurs années cette France en pleine mutation, entre traditions séculaires et modernité, et marquera l’entrée du pays dans la société de consommation et des loisirs. Malgré les résistances, c’est un monde qui disparaît avec la fin des « Halles Centrales ». La faune du quartier des Halles dans ces années 70, entre petits maquereaux, receleurs, dealers et punks, s’accroche à ses dernières chimères…

     

    Aujourd’hui Magazine | Antenne 2 | 19/12/1977 (Images d’archive INA)

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    A partir de 1979 et l’inauguration du Forum des Halles, le quartier des Halles verra déferler massivement, grâce à l’interconnexion du RER, une jeunesse en mal de consommation et de loisirs, fuyant l’ennui des cités-dortoirs. Les petites frappes de la décennie précédente se voient supplantées peu à peu par la nouvelle délinquance à la mode « banlieue », bâtissant la triste réputation du quartier jusqu’à sa nouvelle réhabilitation dans les années 2010.

    L’inauguration du Forum des Halles a lieu le 4 septembre 1979, en présence de Jacques Chirac, maire de Paris. 190 enseignes s’installent sur 43.000 m2 répartis sur quatre niveaux. L’ensemble de cette première tranche comprend 70.000 m2, auxquels il faut ajouter 50.000 m2 de parcs de stationnement.

     

    Sources : Wikipedia / Ina Vintage

     

     

     

  • Histoire d’un Hit : « Gaby » d’Alain Bashung (1980)

     

     

    Alain Bashung nous quittait le 14 mars 2009. A l’occasion du 10ème anniversaire de sa disparition, de nombreux hommages à son talent et à l’héritage musical qu’il nous laissait lui sont rendus. Revenons aujourd’hui sur l’histoire de l’un de ses plus grands tubes « Gaby Oh! Gaby », sorti en 1980.

     

    C’est l’histoire d’une chanson qui était vouée à n’être que la face B d’un autre single et qui deviendra pourtant l’un des hymnes du rock français des années 80. « Gaby Oh! Gaby », écrite par Boris Bergman, signe également le début des années-succès pour Alain Bashung, alors âgé de 33 ans, lui qui essayait de percer depuis le milieu des années 60 et son premier single sorti en 1966 chez Barclays, « Pourquoi Rêvez-Vous des Etats-Unis ? ».

     

    Reportage : L. Hakim / N. Berthier / M. Savineau

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    De « Max Amphibie » à « Gaby » et ses blagues

    « Gaby Oh! Gaby » devait d’abord s’appeler « Max Amphibie », en référence à Max Amphoux, éditeur des chansons d’Alain Bashung et de son parolier Boris Bergman. Une première maquette fut enregistrée, que l’on peut découvrir sur le coffret « Alain Bashung, Immortel, l’Intégrale 1977-2018 », sorti à l’occasion des dix ans de la disparition du chanteur. Une version moins rock, plus douce. Et surtout sans les paroles rajoutées au dernier moment par Boris Bergman, au départ pour faire une blague à son complice de toujours.

    « Alors à quoi ça sert la frite si t’as pas les moules ? Ça sert à quoi le cochonnet si t’as pas les boules » : deux phrases désuètes et joliment décalées pour faire rire Bashung, comme une sorte de rituel entre eux. « Moi, je rajoutais toujours des bêtises sur les textes » se souvient Boris Bergman. « D’habitude, il éclatait de rire et on recommençait. Mais là, il s’est marré après. La version qui figure sur le disque est donc la première version enregistrée ».

     

    Nouveau souffle

    Avec ces paroles étonnantes et un son inédit, un souffle nouveau s’était définitivement levé sur le rock français. « Ils ont mélangé une espèce d’argot de musiciens avec de l’argot des banlieues. Le texte est complètement surréaliste. Ça donne quelque chose d’incroyable que l’on n’avait jamais entendu », selon Stéphane Deschamps, auteur de « Alain Bashung, sa belle entreprise » (Ed. Hors Collection).

    Une simple private joke devenue un tube intemporel, et qui a surtout permis à Alain Bashung d’accéder à la notoriété et de continuer sa belle et longue carrière. Quelques mois seulement après la sortie de « Gaby Oh! Gaby », le duo Bergman-Bashung frappait de nouveau un grand coup avec « Vertiges de l’Amour ».

     

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  • Les 50 ans de Woodstock : la célébration impossible

     

     

    Le 15 août 1969, Le « Woodstock Music and Art Fair » ouvrait ses portes, pour trois jours de concerts qui allaient marquer l’histoire de la musique comme celle de la contre-culture, d’abord aux Etats-Unis, alors en pleine tourmente, puis partout dans le monde. Les initiateurs du festival historique de 1969 rêvaient d’organiser son « remake » en août 2019, pour en célébrer le 50ème anniversaire. Mais l’événement a du être annulé, de guerre lasse, après de multiples défections d’artistes et changements de lieux susceptibles d’accueillir Woodstock 2019.

     

    Au printemps 1969, personne, et encore moins les jeunes organisateurs de cet événement qui allait marquer l’histoire, ne pouvait prévoir que le festival de Woodstock deviendrait à ce point emblématique de toute une génération et du mouvement hippie naissant. Avec son message idéaliste de paix et d’amour, il tranchait avec la décennie finissante, faite de contestation violente et de meurtres, sur fond de guerre du Vietnam.

    En 1969, la société américaine est en effet fracturée comme elle ne l’avait jamais été auparavant, entre manifestations contre cette guerre à l’autre bout de la planète, le mouvement des droits civiques et les assassinats de Martin Luther King Jr et Robert Kennedy, un an plus tôt. Ultime remède à la colère, Woodstock promet « trois jours de paix et de musique ».

    A l’origine du projet, il s’agissait avant tout de promouvoir, avec une série de 32 concerts, la fine fleur de la musique populaire américaine, qu’elle fût montante ou déjà confirmée. C’était donc il y a 50 ans, du 15 au 18 août 1969, un temps où le rock venait tout juste de naître, où porter les cheveux longs était un acte de rébellion et où les manifestations contre la guerre étaient quasi-quotidiennes.

    Entre 400.000 et 500.000 personnes devaient ainsi rallier les champs de luzerne détrempés appartenant à un certain Max Yasgur, pour entendre des musiciens vedettes de l’époque, comme Janis Joplin ou Jimi Hendrix, dans une atmosphère de liberté et de fraternité, illustrée par les images devenues cultes de ces jeunes gens marchant à moitié nus, voire complètement, main dans la main, partageant herbe ou acide, au beau milieu du déchaînement des éléments…

    Les organisateurs avaient initialement prévu d’accueillir 50.000 spectateurs et fixé à 18 dollars le prix des billets, pour ces trois jours de musique réunissant des groupes aux noms devenus mythiques comme Creedence Clearwater Revival, The Who ou encore Crosby, Stills, Nash and Young. Mais les initiateurs du projet, John Roberts, Joel Rosenman, Michael Lang et Artie Kornfeld, tous âgés à l’époque d’une vingtaine d’années, avaient dû se résigner à rendre l’accès du site libre, confrontés à des embouteillages monstres qui paralysaient toutes les routes de campagne menant à Bethel, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de la ville de Woodstock. De surcroît, dès les premiers accords, des trombes d’eau se mirent à tomber, transformant la prairie en un immense champ de boue.

     

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    « C’était légendaire » 

     

    Sri Swami Satchidananda, maître yogi venu d’Inde, devait donner le ton du festival en l’ouvrant par un appel à la compassion. « Je suis ravi de voir tous les jeunes d’Amérique rassemblés ici au nom de cet art qu’est la musique », déclarait cet homme mince et barbu, assis en tailleur, entraînant la foule dans des vibrations de sons « Om̐ ». D’autres chants plus musclés allaient suivre : Joe McDonald du groupe de rock psychédélique Country Joe and the Fish allait faire reprendre par l’assistance un retentissant « Fuck », avant d’entonner le chant anti-guerre par excellence, « I Feel Like I’m Fixin’ to Die Rag ».

    Alors que des milliers de gens repartaient déjà vers le « monde réel », en ne se rendant aucunement compte qu’ils venaient d’écrire une des plus grandes pages de l’histoire des années 60, le festival se terminait sur une réinterprétation hautement contestataire de l’hymne national américain, « The Star-Spangled Banner », par Jimi Hendrix. La guitare du gaucher légendaire figurait les attaques des bombardiers au Vietnam et les explosions mortelles mêlées aux notes de l’hymne.

     

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    Comme un film torpillé par la critique avant de devenir culte, l’événement avait alors été traité avec dédain par les grands médias. « Les rêves de marijuana et de rock ont attiré quelque 300.000 fans et hippies dans les Catskills, guère plus sains d’esprit que les lemmings qui se jettent dans la mer pour mourir », jugeait le New York Times dans un éditorial du 18 août 1969. Annie Birch, festivalière âgée de 20 ans à l’époque, se souvient au contraire d’un moment « très paisible, vu la masse de gens réunis pour l’occasion ». « Malgré cette pluie démentielle, on avait un feu étonnant qui ne s’éteignait jamais », a-t-elle indiqué. « Tous ces groupes sont devenus mythiques (…) C’était légendaire ». Un demi-siècle plus tard, Annie Birch, désormais septuagénaire, s’estime « heureuse » d’avoir participé à un événement aussi marquant. « Je resterai éternellement dans l’espoir que, pour le bien de l’humanité, une célébration aussi incroyable puisse se reproduire », dit-elle. « Je préfère infiniment l’amour et la paix à la guerre et la haine ».

     

     

    Peur des attentats et des fusillades

     

    Mais cinquante ans après, une répétition du Woodstock originel s’est donc avérée impossible à organiser, dans un pays désormais hanté par la peur des attentats et des fusillades. Les initiateurs du festival d’août 1969 rêvaient pourtant d’un « remake », afin de célébrer dignement ce 50ème anniversaire. Leurs efforts se sont révélés vains, à l’ère des détecteurs de métaux, des chiens renifleurs de bombe et des fouilles systématiques de sacs. « On n’autoriserait pas, de nos jours, un événement comparable à Woodstock », souligne Stuart Cameron, chef de la police du comté de Suffolk, à l’est de New York, et spécialiste de la sécurité des festivals. « Il y aurait trop de risques pour la sécurité du public ». Les comptes rendus de l’époque sont parfois contradictoires, mais les trois jours du festival en 1969 n’auraient fait que deux morts : l’un écrasé par un tracteur de nettoyage et un autre (au moins…) décédé d’une overdose.

    Pour cet anniversaire avorté, Michael Lang, l’un des organisateurs du festival originel, avait pourtant invité quelque 80 groupes ou musiciens à venir jouer, du rappeur Jay-Z à Santana, espérant faire renaître, cinquante ans plus tard et le temps d’un week-end, l’esprit du Woodstock de 1969. Mais impossible de trouver un paysan prêt à les accueillir sur son terrain. Les organisateurs se sont aussi vu refuser l’un après l’autre les permis nécessaires, pour des raisons tenant au dispositif d’assistance médicale, à l’eau, à la nourriture ou au personnel de sécurité. Au-delà du simple aspect sanitaire, la multiplication des fusillades et attentats ces dernières années aux Etats-Unis, notamment lors de concerts, a sensiblement compliqué l’organisation de ce genre de rassemblements de masse.

    « Autrefois, on s’inquiétait surtout des gens qui introduisaient alcool et drogues en douce, maintenant ce sont ceux qui apportent des armes de destruction massive pour tuer tout le monde », souligne Joseph Giacalone, détective retraité, qui travailla longtemps à sécuriser les célébrations du Nouvel An à Times Square à New York. Et l’ex-détective de lâcher : « La société a changé au cours des 20-30 dernières années (…) Les gens qui ont vécu les années 1960 ne connaîtront plus jamais la même expérience ».

     

    https://twitter.com/franceinfo/status/1161948145766584321

     

     

    Source : Woodstock Official, France Info et Wikipedia

     

     

     

  • Quand l’Equipe bouclait la Grande Boucle…

     

     

    Après la Première Guerre Mondiale, pénuries obligent, la plupart des coureurs du Tour de France arboraient de vieux maillots gris serpillère et il était bien difficile de reconnaître le leader de la course. Vint alors aux organisateurs l’idée d’un tricot jaune pétard. C’était il y a cent ans… L’occasion pour les anciens du journal « L’Equipe » de remonter en selle… et dans le temps.

     

    Pour la première fois, à l’occasion du centième anniversaire de la création du Maillot Jaune, les plus belles plumes de L’Équipe – de 46 à 106 ans ! – racontent l’histoire du Tour de France. Ces journalistes évoquent le rôle qu’ils ont pu jouer dans l’épreuve et les liens, souvent personnels, tissés avec les plus grands champions, de Louison Bobet à Romain Bardet, en passant par Fausto Coppi, Jacques Anquetil, Bernard Hinault ou Eddy Merckx.

    Une centaine de récits – totalement inédits, riches en révélations – et plus de 400 photos pour revivre de l’intérieur la plus grande course cycliste au monde. Style flamboyant, puissance des illustrations, émotion des textes, bouffées de nostalgie… Notre histoire du Tour, pour toutes les générations.

     

    « L’Equipe raconte le Tour de France » par l’Association des Anciens de L’Equipe (Ed. Robert Laffont, 350 p., 29 €)

     

     

     

     

  • Léonard de Vinci : Les 1119 pages du Codex Atlanticus désormais consultables en ligne

     

     

    C’est à la bibliothèque Ambrosienne de Milan que vous pourriez, si l’occasion se présentait, découvrir cet intrigant recueil de dessins, créés par Léonard de Vinci en personne. Le « Codex Atlanticus » et ses fameuses notes écrites en miroir contient plus de 1100 feuillets, noircis entre 1478 et 1519. Après avoir numérisé en totalité les 12 volumes qui le composent, le site codex-atlanticus.it le rend accessible gratuitement.

     

    L’ouvrage qui inspira le célèbre « Da Vinci Code » de Dan Brown regroupe en tout 1 119 planches en grand format (64 x 43 cm). Son nom, « Codex Atlanticus », évoque la similarité de format entre cette œuvre et les grands atlas de l’époque. Il parcourt tous les champs de réflexion que le génie italien explora : anatomie, architecture, plans de machines complexes… Débuté en Toscane, il fut achevé en France, interrompu par la mort de Léonard de Vinci.

    Pour la première fois numérisé, fruit d’un partenariat entre la société The Visual Agency et la Bibliothèque Ambrosienne, le « Codex Atlanticus » est à découvrir par le biais d’une application web, offrant au visiteur une classification globale, par date, sujet ou thématique.

    On constate ainsi que géométrie et algèbre constituent la majeure partie du livre, suivis de la physique et des sciences naturelles — 1141 occurrences contre 1004. Viennent ensuite les instruments et machines, avec 906 occurrences, puis l’architecture et les arts appliqués, avec 496 documents, et enfin les sciences humaines avec 429 références.

     

     

     

    Il est cependant regrettable que l’application n’offre pas un moteur de recherche pour explorer différemment les entrées – et une meilleure fluidité de répartition (entre notes et dessins, par exemple, quand cela est possible). Le classement permet également de déterminer des périodes de création, mettant en lumière que c’est probablement entre 1507 et 1508 que Léonard fut le plus productif, avec plus d’une centaine de pages réalisées.

    Mais le Codex ne se contente pas de proposer des dessins d’une impressionnante précision ; on y retrouve également des fables, maximes, aphorismes, et divers commentaires, inspirés par la littérature florentine. Et par-dessus tout, le fameux « curriculum vitae » de Léonard de Vinci, envoyé au Duc de Milan, détaillant en neuf points ses qualifications pour le poste d’ingénieur militaire.

     

     

     

    Ce 2 mai 2019, on célébrait le 500ème anniversaire de la mort du peintre, ingénieur, penseur et immense génie de la Renaissance. De nombreuses célébrations partout dans le monde sont organisées à cette occasion, et la diffusion de ce manuscrit dématérialisé s’inscrit donc dans cet ensemble.

    Pour découvrir l’ensemble des pages, c’est ici, et vous pourrez y observer un véritable travail d’analyse de données…

     

     

     

     

  • Fabrice Mathieu : « Moon Shining »

     

     

    A l’occasion du 50ème anniversaire du premier pas sur la Lune, replongeons avec « Moon Shining » du réalisateur Fabrice Mathieu dans le making of du tournage de la Mission Apollo 11 réalisé par Stanley Kubrick en 1969. Attention : document classé Top secret depuis plus de 50 ans… jusqu’à aujourd’hui.

     

    Bon, admettons que Fabrice Mathieu prenne parfois quelques libertés avec le cours de l’histoire, mais ça n’est jamais péché car c’est toujours pour notre plaisir. Et il n’en reste pas moins que ses petits arrangements avec les événements sont toujours très cohérents et ont le mérite de nous ramener à des époques bénies entre toutes.

    Car le « Mashup » requiert tout de même non seulement une culture certaine, mais aussi un sens de l’imagination assez prononcé. Si les nouveaux moyens technologiques sont de plus en plus accessibles au premier quidam venu, il faut néanmoins être capable, en visionnant une scène précise, de pressentir quelle autre séquence ou quel autre son pourrait venir s’y marier à la perfection, tout en donnant sens à l’histoire que l’on souhaite raconter.

    Ce qui nous semblait hier être pratiqué sur le mode de « petits bidouillages entre amis » par quelques illuminés prend aujourd’hui une ampleur certaine, avec même un festival qui leur est consacré, le « Mashup Film Festival ».

     

    « Pop et Punk, drôle et subversif, le cinéma Mashup est un art contemporain populaire, né du croisement d’internet et du cinéma. Soutenu notamment par le CNC, la DRAC, l’Institut Français, parrainé en mars 2019 par Jean-Pierre Mocky, le « Mashup Film Festival » est l’occasion pour les aficionados et les cinéphiles de tout poil de se retrouver lors de plusieurs événements intimistes et ouverts, autour de projections, spectacles, ateliers et conférences, dans une vingtaine de lieux, en France comme à l’étranger. »

     

    Et attendant l’édition 2020 et l’émergence de nouveaux adeptes, régalons-nous des productions de Fabrice Mathieu, empreintes de poésie et de nostalgie pour une époque révolue, et vous avez d’ores-et-déjà de quoi faire sur sa page Vimeo.

    A découvrir d’urgence… A Instant City, on adore !

     

     

    Cast : Wernher von Braun, Stanley Kubrick, John Fitzgerald Kennedy, James Webb, Fred Ordway, Neil Armstrong, Buzz Aldrin, Matthew Johnson, Owen Williams, Arthur C. Clarke, Richard Nixon, Michael Collins…

     

    Extraits de films utilisés :

    ✓ « Operation Avalanche »
    ✓ « Moonwalkers »
    ✓ « Capricorn One »
    ✓ « 2001 : A Space Odyssey »
    ✓ « First Man »
    ✓ « Diamonds Are Forever »
    ✓ « Frenzy »

     

    Documents Visuels utilisés :

    ✓ Behind the scenes of « 2001: A Space Odyssey »
    ✓ Behind the scenes of « First Man »
    ✓ Wernher Von Braun tells the story of Apollo 11
    ✓ Wernher Von Braun, his story told
    ✓ Wernher Von Braun explains the possibility to reach the Moon
    ✓ Apollo 4 Wernher Von Braun explains how the preparations are going for the first launch
    ✓ Apollo 11 the first landing on the moon
    ✓ Revisiting The Moon Landing
    ✓ First Man on the Moon, The Real Neil
    ✓ Was the Moon Landing faked, Mythbusters
    ✓ A Funny Thing Happened on the Way to the Moon
    ✓ The Journeys of Apollo 11, The Conquest of the Moon, NASA documentary (2009)
    ✓ Stanley Kubrick Moon Landing Conspiracy
    ✓ President Nixon speaking with astronauts Armstrong and Aldrin on the Moon
    ✓ Astronauts welcomed by Nixon 1969

     

    Edited and directed by Fabrice Mathieu.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/337720951″ align= »center » title= »« Moon Shining » by Fabrice Mathieu » duration= »5M42″ maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • Les 80 ans de la Retirada

     

     

    Le Mémorial du Camp de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales présente, dans le cadre des commémorations du 80ème anniversaire de la Retirada, une grande exposition consacrée au photographe suisse Paul Senn, qui a suivi au plus près la guerre civile espagnole et l’exode de centaines de milliers de personnes vers la France.

     

    S’il est célèbre dans son pays, son travail sur la Guerre d’Espagne l’est beaucoup moins. Pourtant, les clichés de Paul Senn (1901-1953) livrent un témoignage fort sur le conflit et sur la Retirada, l’exode vers la France en 1939 de milliers de femmes, d’enfants et d’hommes fuyant face à l’avancée des troupes de Franco.

    Nous sommes donc à la fin de la guerre civile en Espagne, en janvier et en février 1939. Les réfugiés, ceux qui ont survécu à l’épuisement, à la dénutrition et aux mitraillages de l’aviation, seront accueillis côté français puis le plus souvent internés dans des camps : Argelès-sur-Mer, Rivesaltes… C’est ce drame collectif qu’illustre Paul Senn à travers ce témoignage exceptionnel constitué de 1200 photos.

     

    « Il est arrivé avec les convois de l’aide suisse, explique Markus Schürpf, le conservateur de la collection Paul Senn. Et il est revenu plusieurs fois avec ces convois. Il a photographié toutes ces situations dramatiques dans différentes villes de la région. »

     

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    Portraits bouleversants

    Au Mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), c’est le rendez-vous de l’émotion et du souvenir pour ceux de la Retirada. L’histoire de 475.000 personnes, très majoritairement des républicains espagnols et des civils fuyant, le plus souvent à pied, dans le vent glacé de la montagne pyrénéenne, l’inexorable avancée de l’armée de Franco après la chute de Barcelone. Depuis janvier, des commémorations se tiennent tout au long de la chaîne des Pyrénées.

    Regards hagards, visages émaciés, les clichés de Paul Senn nous feraient presque ressentir la peur, le froid et la détresse de ces milliers de réfugiés obligés de fuir leur pays qui s’apprête à basculer dans la dictature. Des réfugiés espagnols que Senn retrouvera au Camp de Rivesaltes trois ans plus tard, en 1942, où certains ont été internés au côté de Juifs et de Tziganes par le régime de Vichy. Il réalise alors une série de photos bouleversantes au plus près de la souffrance.

     

    « Mon père était de la Retirada. Il a passé la frontière au Perthus et il a séjourné au camp d’Argelès. Quand on regarde les photos de Paul Senn, on sent qu’on y est, qu’on est au milieu de ces malheureux qui fuient l’Espagne. Et quand il photographie le camp de Rivesaltes, on ressent dans son corps la Tramontane glacée. On a froid dans le dos… Paul Senn photographie de très près, et ça le rapproche de Capa, à mon avis. » (Michel Lefebvre, journaliste au Monde et commissaire de l’exposition)

     

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    Sous le nom « Des Espagnols dans les Camps », l’exposition de Paul Senn est également itinérante. Constituée de 14 portraits accompagnés de témoignages de réfugiés, elle est présentée dans les 13 anciens lieux d’internement de la région.

     

    Dans la grande salle, Herminia Gallart, native de Valence en Espagne, sèche ses larmes. Elle vient tout juste d’éclater en sanglots. « Trop d’émotion », dit-elle. « C’est une partie de l’histoire de l’Espagne qu’on a totalement occultée pendant toutes ces années. Cette souffrance qu’on ne souhaitait pas reconnaître, surtout pas. »

    « Les cicatrices sont encore ouvertes, vous savez. Et cette exposition, c’est sans doute le meilleur moyen de les refermer ». Son grand-père aurait pu faire partie des marcheurs de février 1939 mais il est mort en détention. « Quatre-vingts ans après tout ça, on se sent encore marqué par cet événement majeur, les premiers réfugiés de notre ère » ajoute Elisabeth Lagrange, qui reviendra à Rivesaltes pour « tout voir » et ne rien oublier.

     

    « Tout voir »… Comme Paul Senn lui-même, qui dans le sillage de l’ONG suisse Ayuda Suiza, sillonna les chemins de la Guerre d’Espagne en 1937, de la Retirada en 1939 et des camps en 41-42. C’est lui qui, le premier, avait découvert et immortalisé la maternité d’Elne (Pyrénées-Orientales), administrée par Élisabeth Eidenbenz, jeune institutrice suisse qui sauvait les bébés à naître des mamans de la Retirada.

    « Il s’attachait à capter les regards, surtout ceux des enfants. Et il n’oubliait jamais de revoir ceux qu’il avait photographiés », indique encore Markus Schürpf, l’archiviste de Paul Senn qui a recensé 1600 reportages publiés en vingt-trois ans de photographie. Ce qui donne, en parallèle à l’exposition de Rivesaltes, une passionnante rétrospective à Perpignan. Pour que le pays catalan jamais n’oublie les souffrances des réfugiés dans les cols verglacés de cet hiver 1939…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Exposition « Paul Senn, un photographe suisse dans la Guerre d’Espagne »

    Du 3 Février au 30 Septembre 2019 au Mémorial du Camp de Rivesaltes

    Commissariat : Markus Schürpf et Michel Lefebvre