Catégorie : Culte

  • Fabrice Mathieu : « Moon Shining »

     

     

    A l’occasion du 50ème anniversaire du premier pas sur la Lune, replongeons avec « Moon Shining » du réalisateur Fabrice Mathieu dans le making of du tournage de la Mission Apollo 11 réalisé par Stanley Kubrick en 1969. Attention : document classé Top secret depuis plus de 50 ans… jusqu’à aujourd’hui.

     

    Bon, admettons que Fabrice Mathieu prenne parfois quelques libertés avec le cours de l’histoire, mais ça n’est jamais péché car c’est toujours pour notre plaisir. Et il n’en reste pas moins que ses petits arrangements avec les événements sont toujours très cohérents et ont le mérite de nous ramener à des époques bénies entre toutes.

    Car le « Mashup » requiert tout de même non seulement une culture certaine, mais aussi un sens de l’imagination assez prononcé. Si les nouveaux moyens technologiques sont de plus en plus accessibles au premier quidam venu, il faut néanmoins être capable, en visionnant une scène précise, de pressentir quelle autre séquence ou quel autre son pourrait venir s’y marier à la perfection, tout en donnant sens à l’histoire que l’on souhaite raconter.

    Ce qui nous semblait hier être pratiqué sur le mode de « petits bidouillages entre amis » par quelques illuminés prend aujourd’hui une ampleur certaine, avec même un festival qui leur est consacré, le « Mashup Film Festival ».

     

    « Pop et Punk, drôle et subversif, le cinéma Mashup est un art contemporain populaire, né du croisement d’internet et du cinéma. Soutenu notamment par le CNC, la DRAC, l’Institut Français, parrainé en mars 2019 par Jean-Pierre Mocky, le « Mashup Film Festival » est l’occasion pour les aficionados et les cinéphiles de tout poil de se retrouver lors de plusieurs événements intimistes et ouverts, autour de projections, spectacles, ateliers et conférences, dans une vingtaine de lieux, en France comme à l’étranger. »

     

    Et attendant l’édition 2020 et l’émergence de nouveaux adeptes, régalons-nous des productions de Fabrice Mathieu, empreintes de poésie et de nostalgie pour une époque révolue, et vous avez d’ores-et-déjà de quoi faire sur sa page Vimeo.

    A découvrir d’urgence… A Instant City, on adore !

     

     

    Cast : Wernher von Braun, Stanley Kubrick, John Fitzgerald Kennedy, James Webb, Fred Ordway, Neil Armstrong, Buzz Aldrin, Matthew Johnson, Owen Williams, Arthur C. Clarke, Richard Nixon, Michael Collins…

     

    Extraits de films utilisés :

    ✓ « Operation Avalanche »
    ✓ « Moonwalkers »
    ✓ « Capricorn One »
    ✓ « 2001 : A Space Odyssey »
    ✓ « First Man »
    ✓ « Diamonds Are Forever »
    ✓ « Frenzy »

     

    Documents Visuels utilisés :

    ✓ Behind the scenes of « 2001: A Space Odyssey »
    ✓ Behind the scenes of « First Man »
    ✓ Wernher Von Braun tells the story of Apollo 11
    ✓ Wernher Von Braun, his story told
    ✓ Wernher Von Braun explains the possibility to reach the Moon
    ✓ Apollo 4 Wernher Von Braun explains how the preparations are going for the first launch
    ✓ Apollo 11 the first landing on the moon
    ✓ Revisiting The Moon Landing
    ✓ First Man on the Moon, The Real Neil
    ✓ Was the Moon Landing faked, Mythbusters
    ✓ A Funny Thing Happened on the Way to the Moon
    ✓ The Journeys of Apollo 11, The Conquest of the Moon, NASA documentary (2009)
    ✓ Stanley Kubrick Moon Landing Conspiracy
    ✓ President Nixon speaking with astronauts Armstrong and Aldrin on the Moon
    ✓ Astronauts welcomed by Nixon 1969

     

    Edited and directed by Fabrice Mathieu.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/337720951″ align= »center » title= »« Moon Shining » by Fabrice Mathieu » duration= »5M42″ maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • Suspiria 2018 : et dansent les Sorcières…

     

     

    On avait tout à craindre de ce remake du mythique « Suspiria » sorti en 1977, même si son réalisateur Luca Guadagnino brille sous un vernis chic avec ses deux derniers films, « A Bigger Splash » et « Call Me By Your Name ».

     

    En s’attaquant au chef d’œuvre de Dario Argento sorti en 1977, Luca Guadagnino tente un pari culotté, fou et selon ses détracteurs, tout simplement pétri de vanité… Car beaucoup le considèrent, au même titre qu’un Paolo Sorrentino, tout juste capable d’étaler de belles images, sans une once de réflexion ou de cohérence.

    « Suspiria » est le premier volet de la « Trilogie des Enfers » (ou « Les Trois Mères »), qui comprend ensuite « Inferno » (1980) et « Mother of Tears » (2007). Ces trois films nous immergent dans des récits de sorcellerie et d’horreur, dont l’action se déroule dans trois grandes villes européennes.

    Le « Suspiria » de Dario Argento s’appréhendait ainsi comme un conte horrifique, une sorte de relecture du roman « Alice au Pays des Merveilles » de Lewis Carroll. Ses couleurs, ses décors, sa mise en scène et son ton général nous embarquaient dans une expérience sensorielle, hypnotique et onirique, telle une sorte de sortilège.

    Un film effrayant et beau, qui fascine toujours autant, comme ces histoires que l’on raconte aux enfants. Pour ceux qui l’ont découvert à sa sortie, force est de constater qu’il ne les a plus jamais quittés…

    On se demandait donc comment Luca Guadagnino, le réalisateur qui avait déjà remaké avec « A Bigger Splash » le film mythique de Jacques Deray, « La Piscine », avec Delon, Schneider et Ronet, et qui affichait d’évidentes accointances avec le cinéma d’Eric Rohmer, allait bien pouvoir nous surprendre avec sa relecture du mythique « Suspiria »…

     

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    Le « Suspiria » version 2018 n’est définitivement pas un film de commande, un de ces succédanés que l’on voit fleurir chaque année, ces sempiternels remakes de classiques des années 70 et 80. Non ! Car de toute évidence, Luca Guadagnino chérit le film de Dario Argento et le considère, selon ses propres dires, comme l’un de ses films préférés… En souhaitant se le réapproprier, il déconstruit malgré tout complètement l’œuvre de son mentor italien.

    L’histoire se situe toujours en 1977, mais le parallèle entre les deux films s’arrête là. On délaisse la ville de Fribourg pour Berlin, en pleine époque dite « des années de plomb », celles de la bande à Baader et du fameux mur. Ici, point d’ambiance onirique et de lumières primaires. On est dans une réalité crue où se disputent les gris, les ocres et les bruns ; que des couleurs passées… Fini l’art nouveau poétique et tortueux, on passe à l’art déco, brut, ample et froid.

    Le fantastique est pourtant bien au rendez-vous, mais il nous est suggéré non par une ambiance mais par la mise en scène. Guadagnino prend ses distance avec l’œuvre matricielle dès le début, et il préfère tout expliquer, tout rationaliser, pour mieux ensuite nous plonger dans l’horreur et l’incrédulité.

    Il utilise également beaucoup mieux ce collectif de femmes qui vivent ensemble, avec de vraies personnalités accordées. Il en est de même pour tout ce qui entoure la danse, puisqu’il en fait le pivot central de l’histoire quand Dario Argento n’en faisait qu’un prétexte. Le maître italien a toujours été un fétichiste et un plasticien. Il préférait s’attarder sur les détails d’un décor plutôt que sur ceux d’un visage.

    Dans les premiers rôles, Tilda Swinton joue Madame Blanc, la chorégraphe largement inspirée d’une autre célèbre danseuse et chorégraphe allemande, Pina BaushDakota Johnson tellement insignifiante dans le diptyque lénifiant, « 50 Nuances de Grey », s’empare ici de son personnage à bras-le-corps, avec autant d’ingénuité que de perversité.

    Car ce « Suspiria » version 2018 est d’abord un film de femmes, dans lequel celles-ci occupent l’espace à 95 % et où on nous les représente tour à tour puissantes, mystérieuses, souriantes et solidaires. Jamais on nous avait d’ailleurs dépeint un univers de sorcières avec autant de sincérité et de crédibilité. Le film en est au final d’autant plus déstabilisant.

     

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    Le « Suspiria » de Guadagnino n’est certes pas un film facile… Pour les fans de jump scares et autres effets de manche, ils en seront pour leur frais. Si le film se révèle pourtant toxique à souhait, en distillant une atmosphère étouffante et malsaine, il ne cherche pas à faire plaisir et caresser dans le sens du poil. Sur 2h30 que dure le métrage, plusieurs histoires s’entremêlent sans véritable conclusion ni réel début.

    Seule certitude, ces sorcières ont toujours été là et le seront encore bien longtemps après. Elles nous laisse juste partager des moments de leur vie et de leur quotidien, mais le sens profond de leur existence nous dépasse, même s’il y est question en filigrane de quête de pouvoir. Malgré sa thématique et ses enjeux, ce « Suspiria » reste un film intime, qui se chuchote à l’oreille comme certains morceaux qu’on apprécie et que l’on préfèrera écouter au casque, et seul.

    Pour la musique, c’est Thom Yorke qui se charge de composer une partition mélancolique et belle, quand celle de la version de Dario Argento était signée par le groupe de rock progressif italien Goblin. Le piano et la voix plaintive du chanteur du groupe Radiohead se baladent et se marient parfaitement aux images, pour offrir un ton général doux, triste, mais paradoxalement réconfortant et enveloppant.

    S’il est néanmoins imparfait, en souffrant de problèmes de rythme et de compréhension, ce « Suspiria » deuxième du nom mérite une seconde chance, tant il fut boudé à sa sortie et injustement très vite oublié. Car il reste une ode magnifique à la féminité, mystérieuse, dangereuse, puissante, multiple, tellurique et radieuse ; un hymne à la volupté des corps, de la danse et de son pouvoir.

     

     

     

  • Le Wax se raconte dans « Wax. 500 Tissus »

     

     

    Le Wax se raconte à travers ses dessins imprimés sur coton. Et le nom attribué à chaque dessin renvoie à des expressions populaires, à un animal ou encore à un objet du quotidien. C’est la belle histoire que nous narre Anne Grosfilley dans son superbe ouvrage « Wax. 500 tissus ».

     

    A tous ceux qui sont originaires ou qui ont grandi en Afrique de l’Ouest, le terme « Wax » évoquera forcément des souvenirs encore vivaces, chargés de couleurs chaudes et d’histoire… Avec son livre « Wax. 500 Tissus » à paraître aux Editions de La Martinière le 23 mai 2019, Anne Grosfilley nous invite donc à partir à la découverte de cette étoffe emblématique du continent africain, par l’intermédiaire de 500 clichés originaux réunis dans cet ouvrage.

    Car le Wax est bien plus qu’un simple tissu aux dessins étonnants et aux couleurs audacieuses. Ces étoffes ont une histoire, une signification, depuis que les « Mama Benz » (riches commerçantes togolaises) leur ont donné des noms pour mieux les commercialiser. Ce nom, adapté au contexte économique et social local, peut changer suivant que l’on soit en Côte d’Ivoire, au Ghana ou au Bénin.

    Au cœur de polémiques sur l’appropriation culturelle, le Wax est une étoffe hybride dont l’identité est multiple. De l’Indonésie au Ghana en passant par les Pays-Bas, découvrez les différentes vies de ce tissu chatoyant, porté dans la quasi totalité de l’Afrique subsaharienne et depuis peu sur les podiums des défilés parisiens.

    Paris 2017. Stella McCartney crée la polémique en utilisant des tissus Wax pour son défilé lors de la Fashion Week parisienne. Elle est accusée d’appropriation culturelle mais pour l’historienne de l’art Anne-Marie Bouttiaux :

     

    « Ce qui rend ce tissu absolument fascinant est son hybridité, le fait qu’il défie toute possibilité de se voir assigner une identité fixe, pure. Bien plus que le concept d’identité, celui d’identification est à mon sens plus utile pour évoquer ce qui permet à un individu de se positionner, de se définir. Avec le wax, on se trouve face au même entrelacs d’identification multiple selon l’endroit où il est porté et selon le contexte qui le met en scène. »

     

    Originaire d’Indonésie

    Le Wax doit son inspiration au Batik indonésien, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2009. Selon un procédé ancestral, les Javanais utilisent de la cire pour dessiner des motifs avant de teindre le tissu. La cire est ensuite enlevée à l’eau chaude, laissant apparaître le motif, d’où le nom de Wax (cire en Anglais).

     

    Fabriqué en Europe

    Au milieu du XIXème siècle, les Anglais, mais surtout les Hollandais, ont commencé à copier les tissus Batik produits à Java. Ils les ont manufacturés pour produire plus vite et moins cher et les vendre sur le marché indonésien. Mais les ventes ne suivent pas. Dans les années 1890, les Hollandais de la firme Vlisco s’inspirent alors de motifs africains pour vendre leur tissu en Afrique, via l’actuel Ghana, avec un succès immédiat.

     

    Diffusé en Afrique

    Au début du XXème, le Wax est un produit de luxe, mais dans les années 1950, il est popularisé par les « Mamas Benz ». Ces revendeuses togolaises vont diffuser ces étoffes largement en Afrique de l’Ouest. Comme ce tissu n’est pas lié à une population africaine particulière, tout le monde se l’approprie. Il devient ainsi un tissu panafricain.

    Comme c’était déjà le cas en Indonésie, le Wax est aussi un outil de communication. Les motifs et les teintes ont des significations particulières selon les pays et les circonstances. « Là où un dessin commence à devenir très fort, c’est quand il est toujours utilisé pour la même période ou la même cérémonie. Il y a des dessins au Ghana qui sont utilisés spécifiquement pour les enterrements », explique un responsable de l’entreprise Vlisco au Ghana.

    Dans les années 1960, à l’aube des indépendances, plusieurs pays africains se mettent à produire eux-mêmes du Wax. C’est le cas au Ghana, au Sénégal, au Nigéria et en Côte d’Ivoire. Beaucoup d’usines ont depuis été rachetées.

     

    Produit en Chine

    Dans les années  1990-2000, les « Mamas Benz » et les productions locales sont concurrencées par l’arrivée de Wax « Made in China ». La Chine se met à produire du Wax bon marché. Aujourd’hui la production chinoise représente 90 % du marché du Wax.

     

    Consultante pour des entreprises et des créateurs, Anne Grofilley est lauréate du prix Millenium Award en Angleterre, pour avoir fait découvrir l’Afrique à travers son patrimoine textile. En racontant l’histoire de chaque dessin, cette docteur en anthropologie spécialisée dans le textile et la mode en Afrique explique comment des classiques des années 1920 à 1950 ont pu traverser frontières et décennies afin de séduire aujourd’hui une clientèle parisienne, londonienne, milanaise ou new-yorkaise mais, aussi les créateurs.

    Ainsi, fin avril 2019, Maria Grazia Chiuri faisait appel à elle pour sa collection « Dior Croisière 2020 ». La directrice artistique de Dior a collaboré avec l’entreprise Uniwax, en Côte d’Ivoire, dont le studio a réinterprété deux motifs chers à la maison, donnant lieu à une édition spéciale autour d’un wax 100 % africain (les cotons étant cultivés, filés et imprimés en Afrique).

     

    « Chéri, ne me tourne pas le dos » (1984)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    « Z’yeux voient, bouche dit rien » (2011)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Dans la culture populaire, la tortue terrestre renvoie à la nuit des temps. Les comtes lui prêtent des qualités positives. (1982)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif ABC Grafton, Alphabet (1964)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif de 1949 dit « Hirondelle », « Fokker ». Au Ghana, il illustre la maxime « même l’argent s’envole »  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif « Elégance » (2008)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif « Animaux » (1935)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif dit « Queue de Cheval » (1950)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

     

    Entre histoires coloniales et appropriations culturelles, découvrez l’histoire du wax, un tissu plus universel qu’on ne le pense…

     

    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x6xocya » align= »center » title= »Le Wax : itinéraire d’appropriations culturelles » maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • Pierre Desproges (1939-1988) : « Je ne suis pas n’importe qui »

     

     

    Pierre Desproges, disparu en 1988, aurait eu quatre-vingts ans le 09 mai 2019. Inclassable trublion, spécialiste des blagues potaches, éternel gamin dans la vie de tous les jours, roi de la provocation, père attentionné, amateur de bon vin, travailleur acharné, écorché, grand pessimiste, bon vivant… Pierre Desproges surprend par ses multiples facettes, parfois contradictoires.

     

    Mort en pleine gloire voilà trente-et-un ans, Pierre Desproges nous parle toujours… Bien-sûr, certains textes, très liés à l’actualité, ont vieilli. Mais tant d’autres, qui traitent de thèmes universels et chers à l’humoriste, résonnent encore aujourd’hui.

     

    « Tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine par le chêne ou le sapin. » (Textes de scène, Éditions du Seuil)

     

    Chercher à raconter la vie de Pierre Desproges : c’est une gageure. Comme le rire qui résiste obstinément à toute tentative de définition, l’homme ne se laisse pas enfermer facilement dans une case. Difficile en effet de faire l’inventaire de l’œuvre d’un cinglant lettré, d’une personne au parcours atypique ; d’un homme qui fustigeait les bonnes consciences, de son personnage misanthrope et antihumaniste qui lui permettait d’aller très loin. Mais qui était vraiment Pierre Desproges, qui, aujourd’hui encore, continue d’être considéré comme une référence ? Comment expliquer sa modernité et sa singularité ?

     

    « La culture, c’est comme l’amour. Il faut y aller par petits coups au début pour bien en jouir plus tard. » (Réquisitoire contre André Balland, Éditions du Seuil, Tôt ou Tard)

     

    Le meilleur moyen de partager la vie et l’œuvre de Pierre Desproges est de faire entendre une série de points de vue qui suggèrent l’homme à différents moments de sa vie. De la guerre d’Algérie à la Madeleine, du Petit Rapporteur au Théâtre Fontaine, de l’écriture au cimetière du Père-Lachaise, ce documentaire invite à déambuler sur les différents territoires de Desproges. Il remonte le temps pour découvrir Pierre Desproges à travers celles et ceux qui l’ont côtoyé : sa fille, Perrine ; Jacques Catelin, son ami de jeunesse ; Francis Schull, son collègue au quotidien l’Aurore ; Jean-Louis Fournier, réalisateur attitré et complice ; Yves Riou, l’ami humoriste.

     

    « Je me heurte parfois à une telle incompréhension de la part de mes contemporains, qu’un épouvantable doute m’étreint : suis-je bien de cette planète ? Et si oui, cela ne prouve-t-il pas qu’eux sont d’ailleurs ? » (Chroniques de la haine ordinaire, Éditions du Seuil)

     

    Ces témoignages révèlent une personnalité sans concession, angoissée et complexe, à laquelle font écho ses thèmes de prédilection. Des sujets les plus universels (la vie, l’humour et le rire, l’écriture, l’amitié et l’amour, la mort, le racisme) aux plus singuliers (les cintres, les cons, les coiffeurs, la maladie), qui se confondent dans la vie de homme, et dans l’œuvre de cet artiste aux talents protéiformes.

     

    « Humoriste, c’est un mot grave et prétentieux comme philosophe ou spécialiste : je ne suis pas un spécialiste de l’humour. C’est par humilité que je ne veux pas être humoriste. En revanche, c’est par vanité que je ne veux pas être comique. Un comique, c’est un type qui a le nez rouge, qui pète à table, qui se met une fausse barbe : ça me glace totalement. Ce sont des mots impropres. Pareil pour « écrivain », je dirais plutôt écriveur. Parce qu’écrivain, c’est à la fois outrecuidant et trop incisif. » (Libération, 3 mars 1986)

     

    Il ne suffit pas d’être heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux… Trente-et-un ans après sa mort, portrait intime par ses proches d’un homme tendre et angoissé, à l’humour sans ambiguïté ni concession : « me courber me fait mal au dos. Je préfère rester debout ».

     

    « J’ai le plus profond respect pour le mépris que j’ai des hommes. » 

     

    Article et Documentaire signés Romain Masson pour France Culture (février 2018)

     

     

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    Une émission de Romain Masson, réalisée par Anne Perez-Franchini – Prise de son : Yann Fressy, Ollivia Branger – Mixage : Claude Niort – Archives INA : Arnaud Plançon – Liens internet : Annelise Signoret.

    Archives PMP Productions (Perrine Desproges) : Spectacles au Théâtre Fontaine (1984) et au Théâtre Grévin (1986), réalisés par Jean-Louis Fournier. Archives INA – 30 millions d’amis, « Les animaux extraordinaires de Pierre Desproges », TF1, le 8 novembre 1979 – ​Boîte aux lettres​​​, Jérôme Garcin​, FR3, le 26 juin février 1983 – Mardis du théâtre, Lucien Attoun, France Culture, le 25 novembre 1986.

     

    Remerciements

    Hélène Desproges, Jérôme Garcin, Marie-Ange Guillaume, Nina Masson, Myriam Nguyen, Philippe Pouchain, les Editions du Courroux, PMP Productions, Les Jardins du Marais.

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges –  Je vais être sincère…  (Entretien publié dans Les Inrocks le 29 novembre 1995)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Pierre Desproges interviewe Françoise Sagan pour le Petit Rapporteur  (Novembre 1975)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Entretien au coin du feu  (Archive INA, 12 mars 1977)

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Chaîne spéciale Desproges sur Dailymotion

     

     

     

  • Charlie Chaplin, le Rythme dans la Peau

     

     

    Le 130ème anniversaire de la naissance de Charlie Chaplin donne lieu à d’innombrables commémorations de par le monde. En France, dix de ses films ressortent en salle, de « La ruée vers l’or » aux « Temps Modernes », ainsi qu’une compilation de ses meilleures bandes originales, toutes composées par lui-même. Le réalisateur et acteur, mort en Suisse en 1977, aura créé des oeuvres majeures, mêlant humour, poésie et parfois même politique, alliés à un exceptionnel sens du rythme.

     

    Icône absolue du muet, 42 ans après sa mort, Charlie Chaplin reste le personnage de cinéma le plus mythique au monde. En 65 ans de carrière, cet entrepreneur touche-à-tout aura joué, réalisé, scénarisé et produit plus de 80 films. Et il en a aussi composé les musiques… Car ce qu’on oublie parfois, c’est que l’acteur britannique avait le rythme et la mélodie dans la peau… Ce qui lui valut, en plus des deux Oscars d’Honneur, un troisième pour la musique de son film « Les Feux de la Rampe » en 1952.

     

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    « Les Feux de la Rampe » (titre original : « Limelight »), avec Charles Chaplin, Claire Bloom et Buster Keaton, est le chef d’œuvre testamentaire de Charlot, redevenu Chaplin pour l’éternité… Le final est d’une beauté poignante avec la gracieuse Claire Bloom, ballerine tournoyant au son des accords nostalgiques de la mélodie « Limelight » composée par Chaplin lui-même…

     

    « Ses deux parents étaient chanteurs, et n’ayant pas beaucoup d’argent, ils traînaient leur petit partout. Très jeune, Charles intégra la Eight Lancashire Lads, une troupe de danseurs à sabots composée de huit petits garçons. » (Kate Guyonvarch, directrice du Bureau Chaplin)

     

    Avec ses premiers cachets, Charles Spencer Chaplin s’achète donc un violon, puis un violoncelle, qui ne le quitteront plus… Dès qu’il a un moment, il s’entraîne en coulisse, en espérant un jour pouvoir en tirer un revenu complémentaire.

     

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    « Chaplin avait une oreille incroyable. Ça saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles, dans le discours du « Dictateur ». Il a créé pour le film une langue qui ressemble de très près à de l’Allemand, mais qui n’en est pas. » (Kate Guyonvarch, directrice du Bureau Chaplin)

     

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    Comme Chaplin ne sait ni lire ni écrire la musique, il s’entoure d’arrangeurs professionnels qui retranscrivent ses compositions instinctives sur partition. Il n’est jamais allé au Conservatoire, et pour cause… Chaplin, son école, c’est l’école de la rue. Alors, les mélodies qu’il imagine donnent finalement une musique qui vit, qui vibre au même rythme que son jeu à l’écran et sa manière de faire du cinéma.

     

    « Quand Chaplin avait une scène en tête, il savait très précisément ce qu’il voulait entendre à ce moment, pour soutenir et accompagner cette scène. Lorsqu’il disait à l’orchestre qu’il voulait que ce soit joué de cette façon, et que les musiciens tentaient de lui expliquer que ça ne pouvait pas se jouer comme ça, Chaplin pouvait avoir tendance à s’agacer et à exiger que ce soit joué comme il le souhaitait… » (Kate Guyonvarch, directrice du Bureau Chaplin)

     

    Le pire de tout cela, c’est que lorsqu’il s’agissait de musique, Chaplin avait souvent raison… Car il avait non seulement un sens inné de la composition, mais aussi du rythme. Son jeu s’appuyait sur une chorégraphie millimétrée ; un savant mélange d’humour et d’émotion. Cette rythmique passait déjà par son propre corps, ainsi que par les éléments ou les accessoires qu’il était amené à utiliser pour cadencer chaque scène. Charlot sur la chaîne de montage dans « Les Temps Modernes » (1936), Charlot face au policier dans « Le Kid » (1921), Adenoïd Hynkel dansant avec la mappemonde dans « Le Dictateur » (1940), et évidemment la danse des petits pains dans « La Ruée vers l’Or » (1925), qui reste sans doute l’exemple le plus emblématique…

     

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    Charlie Chaplin jouait avec tout ce qui pouvait lui tomber sous la main, des personnages au cadrage, en passant par la musique ou les mouvements de son propre corps à l’écran. Mais tout était réalisé en contrôle, et réglé au cordeau. En 1916, le grand danseur Nijinski est invité par Chaplin à assister au tournage d’une scène de l’un de ses films. A la fin de la prise, Chaplin demande à Nijinsky ce qu’il en a pensé, et Nijinski lui rétorque : « Mais vous n’êtes pas un acteur… Vous êtes un danseur ». Cette rencontre inspira à Chaplin son film « Une idylle aux champs » (Sunnnyside, mai 1919).

    Chaplin danse, compose ; il ne lui manque plus que la parole. Mais il faudra attendre encore près de dix ans après l’avénement du cinéma parlant pour entendre le son de sa voix… La première fois qu’on entend la voix de Chaplin, c’est en 1936 dans « Les Temps Modernes », pourtant considéré comme le dernier film muet de sa filmographie, et d’ailleurs le dernier film dans lequel apparaît le personnage de Charlot.

    Chaplin a composé une mélodie pour le film, « Je chercher après Titine, … ». Cette scène donnera un sketch évidemment hilarant, dans lequel Charlot opère sa métamorphose, en devenant non seulement chanteur, puisqu’on entend pour la première fois le timbre de sa voix, mais aussi musicien et pantomime. C’est avec ce film qu’on découvre que Chaplin n’est pas simplement un acteur, mais un tout…

     

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    Avec l’épilogue des « Lumières de la Ville » (1931), Charlie Chaplin prouve au 7ème Art qu’il règne aussi en maître sur le mystère de nos émotions.

     

    « Je défie n’importe qui de regarder cette scène, même s’il n’a pas vu le film en entier, sans avoir la larme à l’oeil, tant le violon appuie magnifiquement la scène. Chaplin a atteint une telle perfection dans tous les domaines qu’il parvient à contrôler toutes nos émotions… » (Kate Guyonvarch)

     

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  • Laurel et Hardy, la mécanique du rire

     

     

    Voici l’histoire du plus grand duo comique de tous les temps. Le film « Stan & Ollie » sorti en mars 2019 revient sur cette période durant laquelle, après s’être séparés quelques années plus tôt, les deux acteurs, le gros et le maigre, entament une tournée en Angleterre pour relancer leur carrière. Formé en 1927, le couple va connaître son apogée dans les années 30 et 40. Serge Bromberg, grand spécialiste du cinéma muet, nous aide à décrypter les ressorts de l’humour de Laurel et Hardy.

     

    « C’est incroyable d’avoir toujours autant de succès en utilisant toujours les mêmes vieux gags. »

     

    Et effectivement, même aujourd’hui, ça fonctionne toujours autant… Avec l’excellent biopic « Stan & Ollie » qui retrace leur dernière tournée au Royaume-Uni en 1953, on redécouvre l’un des plus grands duos de l’histoire du cinéma. Décryptons donc la force comique du petit Laurel et du gros Hardy.

     

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    « Laurel et Hardy n’auraient décidément pas du se rencontrer… Le premier, Arthur Stanley Jefferson, dit Stan Laurel, est anglais. Il a fait ses classes sur scène dans la troupe de Fred Karno, où il est la doublure de Charlie Chaplin en Angleterre. En 1912, il arrive aux Etats-Unis, à l’occasion d’une grande tournée américaine de la troupe. Chaplin va abandonner cette tournée un an et demi plus tard, pour faire la carrière que l’on connaît. Quant à Laurel, il va rester sur scène avec Fred Karno pendant encore quelques années. » (Serge Bromberg, spécialiste du cinéma muet)

     

    « Avec Stan Laurel, c’est le côté anglais. Son pendant américain, c’est Oliver Norvell Hardy, qui était avocat de formation, mais qui adorait chanter, qui adorait le spectacle, et qui très rapidement a décidé de dédier sa vie, non pas au barreau, mais aux planches… » (Serge Bromberg)

     

    Avant de devenir Laurel & Hardy, les deux artistes se croisent à plusieurs reprises sur les plateaux de cinéma, notamment en 1921 dans « The Lucky Dog ». Et personne ne s’est rendu vraiment compte à l’époque de la magie qui pouvait se dégager de ces deux personnages… Mais il y a un homme qui deviendra important dans cette histoire, c’est Leo McCarey. Il était scénariste et réalisateur, de surcroît un grand gag man, et c’est lui le premier à sentir l’alchimie entre Stan Laurel et Oliver Hardy.

     

    « En 1926, Leo McCarey a l’idée d’associer pour la première fois les deux artistes, à l’instar d’autres associations plus anciennes, entre le clown blanc et l’Auguste, entre le gros et le maigre. Stan Laurel et Oliver Hardy forment désormais le duo Laurel & Hardy. » (Serge Bromberg)

     

    Laurel & Hardy vont porter l’art du cinéma comique, hérité directement de la pantomime, de ce que l’on appelle le « slapstick », à sa perfection absolue. Et ça a duré 25 ans. La formule qu’un critique célèbre a employée, c’est le « comique du déjà-vu et de l’attente satisfaite ». A savoir que si le public attend quelque chose, donnez-lui toujours ce qu’il attend… Laurel & Hardy vont exploiter cette recette au maximum. Ils vont donc dérouler leurs gags, on en connaît le rituel et on sait à l’avance que cette catastrophe qui va immanquablement tomber sur la tête du pauvre Hardy va se reproduire à de nombreuses reprises tout au long du film… Et ça, le public adore.

     

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    Le duo se forme donc à la fin de l’ère du cinéma muet. Les vedettes de l’époque se nomment Charlie Chaplin, Harold Lloyd ou encore Buster Keaton. Et contrairement aux deux derniers, Laurel & Hardy réussissent parfaitement leur transition vers le cinéma parlant, en devenant de véritables stars, au même titre que d’autres comédiens, parmi lesquels les Marx Brothers.

     

    « Laurel & Hardy ont eu l’intelligence de continuer dans le même genre comique, mais en ajoutant des dialogues. C’est à ce moment qu’intervient plus Stan Laurel, avec cet humour très particulier, très British, qui était l’esprit derrière la caméra et la tête du couple, en quelque sorte. » (Roland Lacourbe)

     

    Cela ne fait aujourd’hui aucun doute que Stan Laurel était de la même trempe que Buster Keaton, Harold Lloyd ou Charlie Chaplin. C’est un très grand, sinon le plus grand. Mais il faut admettre qu’avec cette association avec Oliver Hardy, Stan Laurel s’est peu à peu enfermé dans le seul rôle qu’il a finalement occupé au cinéma tout au long de sa carrière, et s’est inscrit dans une approche beaucoup plus « commerciale » que celle des autres grands comédiens de sa génération. Comme si l’immense génie comique de Stan Laurel s’était un peu perdu avec cette association…

     

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    « En réalité, disons les choses… Si Stan Laurel n’avait pas rencontré Oliver Hardy, il serait peut-être l’égal, voire supérieur à Charlie Chaplin. Cent ans plus tard, Laurel et Hardy sont toujours un couple de légende, intemporel et en même temps tellement actuel. Laurel & Hardy, ça n’est pas seulement un gros et un maigre qui enchaînent les gags devant la caméra ; ils sont les derniers détenteurs d’un art vraiment visuel et presque perdu aujourd’hui. » (Serge Bromberg)

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Stan & Ollie » réalisé par John S. Baird, avec avec Steve Coogan et John C. Reilly

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Laurel & Hardy, le meilleur » : coffret de 4 DVD disponible chez ESC Distribution

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Laurel et Hardy, la véritable histoire » par Roland Lacourbe (Ed. de l’Archipel)

     

     

     

  • Michael Jackson, Retour à Neverland

     

     

    Nous avons lu beaucoup de papiers, vu d’innombrables images, entendu de terribles confessions, semblant vouloir étayer toujours un peu plus les théories sur la pédophilie présumée de Michael Jackson. D’abord en 1993 puis en 2005…

     

    Et puis ce documentaire sorti cette année, « Leaving Neverland », diffusé dans un premier temps sur HBO aux Etats-Unis et plus récemment chez nous sur M6, devait être un électrochoc pour enfin nous faire comprendre et admettre qui était vraiment Michael Jackson et ce qui se cachait de si abject derrière ce masque doux et souriant…

    Nul besoin, donc, de revenir en détail sur les agissements supposés du Roi de la Pop et sur ce qu’il aurait fait endurer à ses victimes. Rien ne nous est d’ailleurs épargné dans le film de Dan Reed, pour appuyer là où ça fait mal et ne laisser aucun doute sur sa culpabilité, mais il faut tout de même quatre heures au réalisateur pour marteler « cette vérité » et pour qu’elle finisse par rentrer de force dans les esprits. Lavage de cerveaux ?

    Ce film entièrement à charge a cependant pleinement rempli sa fonction et dans l’attente d’un éventuel nouveau procès, en tout cas déjà gagné son pari. A savoir dégoûter, révulser et choquer. A tel point que des stations de radio, voire même des pays entiers, ont préféré boycotter l’œuvre du chanteur.

     

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    Hystérie collective ? Ça y ressemble, en tout cas… Nous sommes habitués maintenant à ce genre de réactions de la part de foules à la versatilité terrifiante, dont le choix s’arrête sur un individu jadis encore sanctifié, pour le voir du jour au lendemain dégringoler de son piédestal, être inculpé puis condamné et finir sacrifié sur l’autel de la bonne conscience, afin d’espérer peut-être en échange une meilleure récolte, des pommiers en fleurs ou juste… quelques dollars. Mais dormez tranquilles, braves gens…

    Car ce qui se joue ici, c’est tenter ainsi, d’un simple claquement de doigt, d’effacer des cerveaux et de la surface de la terre quarante ans de chansons et de tubes ; c’est faire en sorte de gommer de la mémoire collective celui qui nous fit dresser les poils le fameux soir des Grammys Awards en 1984, lorsqu’il fit pour la première fois une démonstration du fameux Moonwalk sur son hit planétaire « Billie Jean »… La ficelle est un peu grosse, non ?

     

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    Mais il semblerait bien que cette fois, l’entreprise générale de démolition des icônes, en l’espèce du chanteur originaire de la petite ville de Gary dans l’Indiana, fasse piteusement « Sploutch »… Et ce révisionnisme n’a d’ailleurs pas l’air de vouloir vraiment prendre en France.

    A peine quelques semaines après la diffusion de « Leaving Neverland » que déjà l’édifice se fissure. Dan Reed admet finalement que l’un des deux intervenants aurait menti dans ses allégations. Dates, lieux et événements ne coïncideraient pas. La malveillance et l’appât du gain sont hélas bien meilleurs conseillers que la vérité et l’honnêteté.

    Michael Jackson, quant à lui, est sans doute mort deux fois. Il avait déjà un genou à terre en 1993, lorsque les parents de l’un de ses protégés l’avait accusé. Le procès en 2005, dont il sortira pourtant « blanchi », aura malgré tout achevé de le détruire de l’intérieur. Et plus rien ne sera jamais comme avant… Planera ensuite continuellement une brise de suspicion au-dessus de sa tête et les regards ne seront plus les mêmes.

    Mais alors, où sont donc les films, les dvd, les documents, les photos, toutes ces preuves qui attesteraient que l’ancien chanteur de la Motown avait bel et bien le visage de l’ogre qu’on lui prête ? Michael Jackson, ce Peter Pan, cet E.T parvenu à s’extraire de la fange et de la crasse originelle, aura fini par être rattrapé, englouti et digéré. Décidément, les gens hors norme, qui ne rentrent pas dans les cases, ont la vie dure ici bas.

    Sa place n’était pas faite pour vivre parmi nous. Reste à lui souhaiter un bon retour à Neverland…

     

     

     

  • Les 100 ans de Mogador

     

     

    Cette année, le Théâtre Mogador fête ses cent ans. Inspiré du Palladium de Londres, c’est une des plus grandes salles de spectacle de Paris, qui accueillit les revues de Mistinguett dans les années 30, puis le théâtre de Jérôme Savary, avant de devenir le temple de la comédie musicale à la Française dans les années 90. Aujourd’hui, Mogador héberge un spectacle de Broadway en version française, « Chicago ». 

     

    Le Théâtre Mogador, c’est cent ans de spectacle, et surtout cent ans de spectacles musicaux, de Mistinguett à Annie Cordy, de « Starmania » à « Chicago ». Une salle monumentale où les grandes comédies musicales de Broadway ou du West-End de Londres font aujourd’hui escale à Paris. Pas étonnant puisqu’on doit son existence à un producteur londonien, formé par l’inventeur du music-hall en personne, Charles Morton.

     

    « La création du Théâtre Mogador naît d’une belle histoire. Une histoire d’amour… Un impresario anglais, Sir Alfred Butt, décida de bâtir et d’offrir ce théâtre à son amoureuse, une danseuse française, Régine Fleury, qu’il découvrit lors d’un spectacle. Il lui fit donc cadeau de ce théâtre à l’Anglaise, constitué d’un seul bloc, sans poteau, ce qui vous permet de bien voir la scène, quelle que soit la place que vous occupez. » (Laurent Bentata, Directeur de Mogador)

     

    Pour concevoir Mogador, Sir Alfred Butt s’inspira d’un des théâtres dont il était propriétaire à Londres, le Palladium. Le premier nom du Mogador était le Palace Théâtre. Il est inauguré en 1919, avec une revue menée par la danseuse et maîtresse de l’homme d’affaires anglais. Un fiasco… Il finit par délaisser son amoureuse. Constatant que Butt avait pris ses distances suite à l’échec du lancement de son théâtre, elle en fit de même, de façon certes plus radicale, en se donnant la mort.

    Cette fin tragique n’a cependant pas porté malheur au théâtre parisien… A la tête du Théâtre Mogador à partir de 1925, les frères Isola vont marquer l’esprit du lieu. Prestidigitateurs, déjà propriétaires de l’Olympia et des Folies-Bergère à Paris, Emile et Vincent Isola vont imposer durablement le genre de l’opérette.

     

    « Les frères Isola ont toujours voulu investir et ils pariaient surtout sur de gros spectacles, avec toujours le souci d’en donner au spectateur pour son argent. les shows démesurément couteux qu’ils produisaient l’étaient souvent à fonds perdus, du fait du nombre d’artistes sur scène, des costumes et des décors somptueux. Mais c’est probablement ce qui a permis de faire connaître Mogador. » (Laurent Bentata)

     

    Tandis qu’au Moulin-Rouge, les revues étaient constituées de tableaux successifs sans véritable fil rouge, à Mogador, sous la direction des frères Isola, on assistait à de vrais spectacles, avec intrigues et rebondissements. Certaines pièces sont importées des Etats-Unis, telles que « No No Nanette », un classique qui sera repris plusieurs fois à Mogador entre 1926 et 1966.

     

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    Henri Varna va perpétuer l’héritage des frères Isola en prenant la direction du Théâtre Mogador entre 1940 et 1969. Sous sa houlette, Marcel Merkès et Paulette Merval forment le couple numéro un de l’opérette à partir de 1947, avec notamment « Rêve de Valse ». Après lui, le théâtre se cherche un second souffle. On peut y croiser Annie Cordy en « Hello Dolly » en 1972.

    C’est ainsi que Mogador commence à accueillir d’autres types d’événements artistiques au début des années 80, entre les concerts des Clash ou d’Higelin en 1981, jusqu’aux spectacles de Jérôme Savary. Le metteur en scène élira ainsi domicile à Mogador avec son « Cyrano de Bergerac » en 1983. Une grande dame est aussi passée par ici… Barbara. La chanteuse y fit d’ailleurs ses débuts comme choriste à 17 ans, dans la pièce « Violettes Impériales » de Vincent Scotto. Elle revient à Mogador en 1990, pour trois mois de concerts. Mogador était le théâtre de Barbara, et c’est grâce à elle qu’il fut classé monument historique.

     

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    Avec les années 90, c’est le retour aux sources pour le Théâtre Mogador, qui devient le repère parisien de la comédie musicale, entre « La Légende de Jimmy », « Les Misérables », « Cabaret », « Starmania » ou encore « Notre-Dame de Paris », avec un modèle de spectacle adapté spécifiquement aux goûts du public français, alliant des numéros musicaux et des tubes qui s’enchaînent.

    En 2007, la version française du succès mondial « Le Roi Lion » est présentée pour la première fois au Théâtre Mogador, ouvrant la voie à d’autres mastodontes tels que « Mamma Mia! », « Sister Act », « Grease » ou encore le légendaire « Cats » de Broadway. Un autre nom de comédie musicale emblématique s’étale aujourd’hui en grosses lettres au fronton du Théâtre Mogador, « Chicago, le Musical ».

     

    « Chicago a véritablement révolutionné Broadway. Ça n’est pas pour rien que ce spectacle est un record absolu de longévité. A l’époque où il fut créé, en 1975, le chorégraphe américain Bob Fosse jouissait déjà d’une énorme réputation, pour avoir mis en scène certains des plus grands succès de la comédie musicale. » (Laurent Bentata)

     

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    ✓ « Chicago, le Musical », mis en scène de Ann Reinking et Véronique Bandelier, jusqu’au 30 juin au Théâtre Mogador.

     

     

     

  • Alien ou la Saga tuée dans l’œuf…

     

     

    C’est en 1979 que surgit dans les salles sombres des cinémas du monde entier « Alien, le Huitième Passager ». L’affiche du film montre un gros œuf qui se fendille par le dessous et d’où émerge une lumière verdâtre. On se souviendra aussi d’une phrase laconique qui accompagnait l’événement : « dans l’espace, personne ne vous entend crier ».

     

    Par son approche inédite du film d’horreur, qui mélange thriller et science fiction, « Home Invasion » et Lovecraft, « Alien, le Huitième Passager » de Ridley Scott va surprendre puis terroriser des millions de spectateurs. Ce public fraîchement habitué à l’univers de « Star Wars » pensait naïvement que dans l’espace, c’était forcément plus cool… Sur la terre ferme, on avait certes déjà eu droit à « Massacre à la Tronçonneuse » puis à « L’Exorciste » qui campaient sacrément le décor ; dans l’eau, aux « Dents De La Mer » et dans la forêt, à « Délivrance ». Des films qui avaient imposé leurs initiales au genre et qui restent gravés à tout jamais dans l’inconscient collectif… En revanche, dans l’espace, on avait plutôt affaire aux bases et aux vaisseaux spatiaux, aux pistolasers ou aux bons sentiments.

    Mais ça, c’était avant…

    La lumière s’éteint. Le film commence. La musique de Jerry Goldsmith propose, sur la base de quelques notes de cuivres, un thème aussi doux qu’inquiétant pour accompagner les premières images de l’espace infini, des étoiles, des planètes, puis des bâtonnets se regroupent au centre de l’écran pour finir par former le mot « Alien »…

     

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    Le vaisseau cargo Nostromo rentre sur terre. A son bord, l’équipage se trouve en cryo-sommeil. Alors qu’il passe non loin d’une planète inconnue, les ordinateurs captent un signal de détresse. Tout le monde est alors réveillé et décide d’organiser une mission de sauvetage. Ceux qui se rendent sur le lieu découvrent l’épave d’un gigantesque vaisseau spatial à la forme étrange. Après une petite visite à l’intérieur, l’un des protagonistes, plus curieux que les autres, tombe sur de gros œufs de Pâques.

    Pourtant, ce qui en sortira ensuite ne ressemble pas vraiment à un lapin en chocolat mais plutôt à une grosse bestiole repoussante, croisement improbable entre une araignée et une paire de testicules. Le gloumoute qui surgit telle une mauvaise blague va se ficher sur le visage du malheureux membre d’équipage qui en prenait soin, après avoir préalablement brûlé la visière du casque de sa combinaison spatiale. Dans la salle de cinéma, tout le monde est calmé…

    Le public va par la suite assister, médusé, à une autre scène qui restera probablement dans les annales comme l’une des visions les plus traumatiques du cinéma. Le truc en forme de main posé sur le visage de sa victime a visiblement eu le temps de pondre quelque chose dans son corps, mais personne ne s’en doute encore. Alors que l’homme placé en quarantaine, après avoir sombré dans le coma, reprend conscience sans la chose sur son visage, qui est retrouvé morte et toute desséchée, on est rassuré et déjà prêt à replonger dans un sommeil profond afin de continuer son voyage.

    Lors d’un dernier déjeuner où tout l’équipage est présent, avant de retourner dormir, tout avait pourtant bien commencé mais la digestion de la salade de pomme de terre va s’avérer plus difficile que prévue… La salle, cette fois-ci sidérée, va assister à l’éclatement de l’intérieur du ventre du pauvre type, qui aurait mieux fait ce jour-là de rester chez lui. Une nouvelle créature, à l’apparence cette fois d’un cornichon à mâchoires, lui sort du bide, salut tout le monde puis part à toute vitesse se cacher dans les recoins sombres du vaisseau spatial.

     

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    Avec ces deux scènes électrochocs, « Alien, le Huitième Passager » rentre instantanément dans le registre des standards de l’horreur, comme ses glorieux aînés cités précédemment. On avait peur sur terre, dans les campagnes, dans les villes, dans les océans et on aura désormais peur aussi dans l’espace. La suite de ce film est une course poursuite dans les méandres du vaisseau, au cours de laquelle on assiste, impuissant, à l’élimination méthodique de tout l’équipage par le fameux cornichon à mâchoires qui entre-temps sera devenu assez balèze…

    Pour la petite histoire cinéphilique, au risque de paraître tatillon, il faut savoir que les deux scénaristes du film, Dan O’Bannon et Ronald Shusett, avaient quelque peu repompé l’intrigue d’un film de Mario Bava datant de 1965, « La Planète Des Vampires », dans lequel il était également question d’un vaisseau spatial qui recevait un S.O.S. provenant d’une planète inconnue. L’équipage qui s’était rendu sur les lieux s’apercevait trop tard qu’il ne s’agissait pas d’un appel au secours mais plutôt d’une mise en garde. Voilà pour la petite séquence sodomie de mouche…

    Mais reprenons…

     

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    « Alien » premier du nom va donc propulser le jeune réalisateur britannique Ridley Scott en orbite. Avec ce seul succès à son actif, ce réalisateur venu de la publicité, qui n’avait produit auparavant qu’un seul film, « Les Duellistes », va désormais avoir toute la latitude requise à entreprendre ce qu’il souhaite. Il se lance ainsi dans son projet suivant, tiré d’une nouvelle de Philip K.Dick intitulée « Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? », et rebaptisé pour l’occasion « Blade Runner ».

    Aujourd’hui encore, « Alien, le Huitième Passager » est l’exemple parfait de ce que la conjonction entre plusieurs talents peut engendrer de plus créatif, depuis la direction artistique jusqu’à la réalisation, en passant par la musique, les visuels et bien-sûr le casting. La jeune actrice Sigourney Weaver qui campe le personnage du lieutenant Ripley va d’ailleurs devenir une marque de fabrique du film hollywoodien. La femme forte et intelligente, celle qui aura toujours le dernier mot…

    Mais la véritable vedette du premier volet de la saga « Alien » est bien évidemment le monstre lui-même. Dans un film qui se voulait hyper-réaliste, il était inenvisageable d’y exposer une créature issue d’un bestiaire déjà vu mille fois. Il fallait donc trouver un nouveau concept de xénomorphe qui aurait sa propre logique, un passif, une mythologie et qui soit plausible dans la réalité.

    C’est en Suisse que fût finalement déniché celui qui donnera naissance à la créature légendaire et pas très sympa : L.G. Giguer, un artiste peintre et sculpteur, aux visions cauchemardesques à base d’hommes et de femmes bio-mécaniques, dans lesquelles s’entrelacent et se fondent organismes, phallus, vagins, totems et diverses ornementations ; de parfaites illustrations pour agrémenter un univers Lovecraftien à souhait… Il crée ainsi pour les besoins du film le monstre insectoïde et bio-mécanique parfait. Une créature aussi élégante que répugnante…

    Malgré l’énorme profit que génère le premier opus de la future saga « Alien », La Fox ne va malheureusement pas pouvoir prévoir une suite de sitôt, d’abord parce que Ridley Scott ne souhaite pas revenir dessus. Il a son autre projet qui lui tient à cœur. Même si le potentiel est pourtant énorme, Il faudra attendre sept ans pour que sorte au cinéma une suite intitulée sobrement « Aliens ».

    C’est donc en 1986, sous l’impulsion de James Cameron qui vient de casser la baraque avec son « Terminator » que cette suite voit enfin le jour. Le futur réalisateur du succès hors norme « Avatar » ne prend pas les choses à la légère. Après le thriller spatial claustrophobe qu’avait réalisé son prédécesseur, Cameron voit les choses en bien plus grand. Car quitte à revenir sur cette histoire de monstre dans l’espace, autant y aller à fond…

    Le « S » rajouté au titre donne d’ailleurs le ton. Il n’y a plus un mais désormais plusieurs centaines de xénomorphes à combattre, et quoi de mieux pour tenter d’anéantir ces cancrelats géants que de leur envoyer les Marines. Mais James Cameron n’est pas non plus un bourrin à la Michael BayTransformers », « Armageddon »), il saura jouer sur différents tableaux et différentes échelles.

    Ripley (Sigourney Weaver) reprend du service et c’est évidemment elle qui aura le dernier mot à la fin. Non mais ! D’une femme forte et courageuse dans le premier opus, elle devient, sous la houlette du nouveau réalisateur, une combattante aussi dangereuse que tout un régiment de militaires endurcis. Cameron va pousser les curseurs très loin et offre un film furieusement guerrier. Il enchaîne les scènes d’anthologie, avec un duel final mano a mano entre Ripley et la reine des Aliens absolument homérique.

    Si la version de James Cameron perd certes en mystère, nuance et stylisation, elle y gagne en revanche nettement sur l’aspect spectacle à grande échelle et générosité en scènes d’action en tous genres. « Aliens » sera de nouveau un beau succès, même si les critiques ne goûtent pas totalement sa tonalité jugée trop belliqueuse. Et beaucoup lui préféreront finalement les atours méta de son illustre prédécesseur.

    Orgasmique…

     

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    Il faudra encore attendre six ans pour que la Fox trouve le nouveau réalisateur capable de continuer à entretenir le mythe « Alien ». C’est au tour du jeune David Fincher, issu du clip et de la publicité, de s’essayer à renouveler la franchise. L’idée est maintenant évidente… Il s’agit de changer de ton à chaque nouvel opus, avec comme seul fil rouge, le ou les xénomorphes et le personnage de Ripley.

    Pour ce troisième épisode tout aussi sobrement intitulé « Alien 3 », l’expérience va virer au cauchemar pour le réalisateur. En effet, Fincher, malgré son peu d’expérience en matière de réalisation, montre une appétence pour les idées originales et visionnaires. Ce qui n’est pas du goût du studio qui l’a engagé et qui voyait en lui seulement un bon faiseur surnommé à Hollywood « Yesman ». David Fincher, quant à lui, a une idée bien précise de la façon dont il compte aborder ce troisième chapitre.

    Après la furie martiale et XXL de James Cameron, le futur réalisateur de « Seven » souhaite aller dans une toute autre direction. Plusieurs versions du scénario vont être d’abord proposées, avec des concepts assez fous tels que cette option dans laquelle l’histoire se déroule sur une planète forestière habitée par des moines dépourvus d’armes et qui devraient combattre les monstres par d’autres moyens. David Fincher verrait en effet assez une rencontre entre Alien et une ambiance moyenâgeuse. Difficile à faire avaler aux executives de la Fox, en tout cas…

    Finalement, alors que le tournage commence sans que le scénario ne soit achevé, Fincher convainc en partie le studio de le laisser tourner ce qu’il a en tête. L’histoire va se situer dans un pénitencier à l’autre bout de la galaxie, dans lequel les anciens prisonniers vivent tels des moines et se servent du lieu comme d’un purgatoire, là même où ils ont trouvé la foi en créant une religion nouvelle issue du christianisme. C’est avec l’arrivée de Ripley dans sa navette, qui se crashe non loin de la communauté, que les ennuis vont commencer. Ayant fait vœu de chasteté, tous ces hommes ne sont pas forcément enclins à accueillir une femme, et encore moins lorsque celle-ci amène avec elle un de ces fameux œufs.

    Le film est aux antipodes tant du premier que du second chapitre de la Saga « Alien ». David Fincher propose une œuvre gothique et austère, mâtinée de références bibliques. En affichant le parti pris de pas faire figurer la moindre arme à feu dans le film, il crée un univers complètement inédit et offre au monstre une nouvelle lecture à la série. Ultime provocation, il tue Ripley qui portait elle aussi un Alien en elle et qui se sacrifie en se jetant dans une cuve de plomb en fusion, dans un final christique du plus bel effet, le tout illustré par le magnifique score d’Elliot Goldenthal.

    Cependant, à sa sortie, « Alien 3 » divise aussi bien le public que la critique. Les plus enthousiastes y voit un superbe objet sombre et fascinant, quand les plus fervents adeptes du premier volet le trouve trop éloigné du concept originel. Ce sera aussi le film de la saga qui marchera le moins bien en salle, car trop particulier, mais qui au fil des années deviendra culte. « Alien 3 » est censé clôre la saga en une trilogie aussi hétérogène que captivante…

     

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    Pourtant, en 1997 sort en salle un nouvel épisode de la Saga, « Alien, La Résurrection »…

    Depuis « Alien, le Huitième Passager », l’actrice Sigourney Weaver a pris beaucoup de poids à Hollywood. Non pas qu’elle ait considérablement grossi en se gavant de pizza et de banana split, mais plutôt qu’elle est devenue absolument incontournable. C’est aujourd’hui elle qui a le pouvoir de choisir les projets dans lesquels elle souhaite s’investir. Et ce sera le cas pour la mise en chantier d’un nouvel « Alien ». N’ayant pas été très convaincue par son sort à la fin d’« Alien 3 », elle décide de remettre le couvert et de faire revenir d’une manière ou d’une autre l’increvable Ripley.

    Co-productrice cette fois-ci, la Danna Barrett de « Ghostbusters » va s’enquérir elle-même du prochain réalisateur. Et son choix se portera sur un Français, Jean-Pierre Jeunet, le co-auteur de « Delicatessen » et de « La Cité des Enfants Perdus ». L’actrice-productrice aime son univers particulier et décalé et pense que cela collera parfaitement à cette renaissance.

    « Alien, La Résurrection », malgré une indéniable bonne volonté et des idées intéressantes, se soldera par un semi-échec au box office. Paradoxalement, le film n’a ni l’ampleur d’« Aliens », ni le côté mystérieux d’« Alien 3 » et comparé à « Alien, le Huitième Passager », ne fait plus peur du tout…

    En tentant d’injecter dans ce 4ème opus de l’humour et de la distanciation, le futur architecte du « Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » a réduit à néant toute forme d’intensité et de rythme. Le film relève parfois presque plus du pastiche que d’un simple premier degré. Et si « Alien, La Résurrection » peut toutefois séduire grâce à des trouvailles stylistiques et des idées intéressantes en exploitant la mythologie d’origine, jamais il n’offre le spectacle fort et intense que l’on était en droit d’attendre.

    C’est d’ailleurs l’un des films de la saga qui vieillira le plus mal et le revoir le ferait paraître assez anecdotique comparé à ses ainés.

    Cette tétralogie se clôt donc cette fois-ci bel et bien, sur un film bancal et embarrassant.

     

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    Nous n’allons pas nous étendre sur les deux tentatives avortées que furent « Alien vs Predator » (2004) et « Alien vs Predator: Requiem » (2007) pour des raisons d’éthique personnelle. En effet, ces deux « œuvres palimpsestes » qui, comme leurs titres l’indiquent, voient des Xénomorphes affronter des Predators, n’avaient comme unique but que de faire plaisir à une nouvelle génération plus sevrée aux jeux vidéo qu’au cinéma.

    On a longtemps cru que cette fois-ci le sort en était jeté et que la Fox laisserait tranquille une bonne fois pour toutes le xénomorphe le plus mignon de la galaxie. Pourtant, c’est bien le papa d’Alien en personne qui revient à la charge. Ridley Scott décide de réactiver la franchise, lui qui ne voulait plus en entendre parler, pour des raisons qui auraient curieusement un lien avec le décès de son frère réalisateur, Tony Scott.

    En 2012 sort donc en salle « Prometheus ». Le réalisateur de « Gladiator » va proposer cette fois-ci un prequel à son propre film sorti en 1979.

    A noter qu’à la même époque, le réalisateur sud-africain Neil BlomkampDistrict 9 ») travaille aussi sur un projet « Alien » qui aurait été, s’il avait vu le jour, une suite directe au « Aliens » de James Cameron, avec encore et toujours Sigourney Weaver dans le rôle de Ripley. Un reboot, en quelque sorte, qui aurait ainsi passé à la trappe tant la version de David Ficher que celle de Pierre Jeunet. Le projet était sur le point d’être lancé par la Fox. Des visuels comme le scénario était prêts et le film allait rentrer en pré-production…

    Sauf que ce vieux briscard de Scott coiffe tout le monde au poteau, en faisant valoir son ascendant sur l’œuvre complète, dont il devait toujours avoir les droits, balaie d’un revers de la main tout le travail déjà effectué par Blompkamp et son équipe pour imposer sa propre version. Tout est réuni pour qu’il pose alors sur la table avec autorité cette nouvelle histoire révisionniste-créationniste sur la genèse des xénomorphes et par la même occasion la nôtre aussi.

    Si l’on ne tient pas compte de l’énorme attente générée par ce nouveau volet de la Saga, entretenue de part et d’autre par une pluie de vidéos virales sur internet, de sites en tous genres, de forums et autres bandes annonces plus tapageuses les unes que les autres, il faut aujourd’hui considérer ce volet supplémentaire réalisé par Ridley Scott simplement comme ce qu’il est, au fond, à savoir un film peu cohérent dans l’ensemble de la série et au rendu bien inférieur à la somme de fantasmes et de croyances créés en amont de sa sortie.

    D’ailleurs, cette méthode de communication, cette forme de stratégie publicitaire employée afin de provoquer une attente et susciter une envie, n’est pas dénuée de risque et peut fortement desservir une oeuvre, car elle embarque tous ceux et celles qui attendent le film à l’aune de leur propre psyché. Chacun se construit son propre film, sa propre histoire, avec les fragments et les quelques éléments mis à sa disposition… Forcément, les attentes seront immenses et impossibles à combler.

    Pour « Prometheus », les images ou visuels lâchés au compte-gouttes dans l’année qui précéda sa sortie étaient à chaque fois alléchants. Les infos suggéraient beaucoup de mystère, de trouvailles démentes, le tout assorti d’une intrigue révolutionnaire.

    Ridley Scott est avant tout un créateur de l’image et de la forme. Ce n’est pas le scénario qui chez lui est le plus important, c’est le support qui prédomine. Ses films totems que sont « Alien », « Blade Runner » ou encore « Legend » sont devenus des oeuvres références, surtout pour ce qu’ils véhiculent comme force picturale. L’histoire en soi part d’une idée forte et l’intrigue est à chaque fois simple et directe. C’est pour cela que ces films étaient réussis : ils étaient évidents. Le sens du détail, par lequel chaque objet avait une histoire. Jusqu’aux costumes et décors, pour signifier que le monde qui nous était dépeint était tangible.

    « Prometheus », qui devait d’abord s’intituler « Paradise », se revendiquait comme une sorte de nouveau « 2001, l’Odyssée de l’Espace » ; une nouvelle référence ultime qui viendrait remettre les pendules à l’heure en matière de SF pure et dure. Cette énorme production de 150 millions de dollars, opulente et fière, nous fut livrée sur un char de Ben-Hur, au son des trompettes et hautbois… Pour qu’il n’en sorte finalement qu’un ridicule petit « pouet », tant l’intrigue est indigente…

     

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    Le film tente d’occuper plusieurs registres à la fois, dont celui qui renoue avec le premier « Alien » ; l’horreur viscérale, la peur, l’angoisse. « Prometheus », tel un mille-feuilles indigeste, superpose plusieurs couches de lignes directrices. On essaye de suivre tout cela jusqu’à la fin, sans jamais avoir réellement tout compris et surtout sans pouvoir appréhender où cela va nous mener. Au final, le film s’avère totalement nébuleux. Quant aux nombreux protagonistes, ils sont traités comme des personnages de sitcom, avec un petit détail simpliste pour définir tel ou tel caractère.

    Le scénario est à ce titre l’un des plus mauvais scripts agencés et structurés pour ce genre de productions, qui ait pu être proposé depuis bien longtemps. On a finalement l’impression de voir en « Prometheus » la somme des longs-métrages de SF parmi les plus médiocres de ces dernières années, entre « Supernova », « Event Horizon » ou encore « Sunshine ». Chacun de ces films présentait pourtant des pitchs intéressants empruntés à la littérature SF, avec des auteurs comme Isaac Asimov, Arthur C. Clarke ou Philip K.Dick, mais du fait de nombreux problèmes de production et de respect des délais, ils avaient dû se débarrasser en route de pas mal d’éléments pour en arriver finalement à une seule et unique intrigue convenue, à savoir des courses-poursuites entre héros et méchants dans des couloirs exigus, ou encore cet intenable compte à rebours avant que tout ne nous pète à la gueule…

    « Prometheus » nous promettait des merveilles et nous n’avons eu en retour qu’un début beaucoup trop long et ennuyeux ; « Prometheus » laissait augurer des révélations à nous en laisser bouche bée et nous avons trop vite sombré dans de banales scènes d’horreurs et d’effets spectaculaires obligés. Nous finissons par perdre pied en oubliant les tenants de l’histoire, ses enjeux. Quant au scénario, il est tellement mal fichu dans ses ressorts et l’interaction entre les protagonistes, que l’on a du mal à comprendre le ton réel du film. Le score de Marc Streitenfeld est à ce titre à la hauteur de ce qu’est le film ; une musique fade, sans profondeur, sans caractère ni identité.

    Au final, ce pénultième volet en date de la Saga « Alien » réalisé par Ridley Scott n’est ni viscéral, ni effrayant, ni sujet à réflexion, ni même étonnant. Il recèle néanmoins des images sublimes et des tableaux somptueux, à la manière d’un luxueux artbook à l’éloge de tous ceux qui ont contribué à son élaboration. Mais en tant que film, en tant qu’oeuvre, « Prometheus » est un produit sans âme et sans conviction. Un oeuf sans jaune…

     

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    Et Ridley Scott va encore enfoncer le clou et tenter de boucler la boucle, puisqu’il souhaitait réaliser une trilogie en 1979, avant de ne plus vouloir finalement réaliser une trilogie… Vous me suivez ? Avec « Alien: Covenant » sorti en 2017, il emploie de nouveau les mêmes méthodes de communication que pour « Prometheus », avec fausses publicités sur Youtube, teasers, etc… pour faire exister son film comme un univers plein et cohérent et surtout générer la même attente chez le public.

    Avec cet ultime opus, on ne touche même plus le fond, mais on creuse… En l’espace de deux films, Scott aura réussi à saborder complètement son œuvre matricielle, comme un dernier bras d’honneur à tous les fans de cette mythologie. En voulant apporter des réponses à ce qui faisait justement le mystère et l’étrangeté des épisodes originels, le réalisateur enterre la saga « Alien » une bonne fois pour toutes, pour l’éternité…

    Comme le chante Dominique A : « on ne souhaite pas la mort des gens, ce n’est jamais assez méchant ». Espèrons juste qu’après la disparition de Ridley Scott, un réalisateur plus inspiré et passionné pourra surgir de l’éternité et saura ressusciter notre monstre préféré et son si beau sourire de cornichon géant à double mâchoire…

     

     

     

  • Agnès Varda : Entretien avec une icône du 7ème Art

     

     

    Agnès Varda nous a quittés le 29 mars. Face aux images de sa vie, elle revient sur son parcours, ses combats, et répond aux questions de Pierre Michel.

     

    Agnès Varda, c’est 64 ans de cinéma, 01 coupe au bol, 12 longs-métrages, 17 documentaires, 14 courts-métrages, 03 Césars, 01 Palme d’Honneur, 01 Oscar d’Honneur.

    Agnès Varda, c’est aussi trois métiers : cinéaste, photographe et plasticienne… C’est aussi « Cléo de 5 à 7 », « Les 101 Nuits de Simon Cinéma ». Agnès Varda, c’est des visages, des villages, mais aussi des plages, Knokke-le-Zout, Sète ou Los Angeles. Agnès Varda, c’est une rue, Mouffetard, un chat… enfin, deux chats, un jardin à Bruxelles, deux enfants dans une cour intérieure Rue Daguerre, Paris 14ème.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/256883028″ align= »center » title= »Agnès Varda : « Cléo de 5 à 7 » (1962) » description= »Agnès Varda » maxwidth= »864″ /]

     

    « Pialat m’a fait naître, et Varda m’a fait exister. » (Sandrine Bonnaire)

     

    En fin d’année dernière, un hommage lui était rendu au Festival International du Film de Marrakech. Et fin 2017, un Oscar d’honneur lui était décerné, récompense qu’elle est la première femme réalisatrice à recevoir : « Ce qui est impressionnant chez Varda, c’est qu’elle a plusieurs vies de cinéaste. » (Frédéric Bonnaud, Directeur de la Cinémathèque Française)

     

    Pour quelqu’un qui ne voulait pas vraiment faire carrière, vous vous êtes plutôt pas mal débrouillée ?

    « Ça n’est pas du tout une histoire de se débrouiller… Ça n’est pas moi qui ai cherché les honneurs. Dans mon petit discours aux Oscars, j’ai presque fait rire, en disant que je n’avais jamais fait gagner d’argent à aucun producteur. Mais mes films existent, c’est un fait. Ce sont mes films qu’ils ont récompensés. Et évidemment, j’en suis très fière. »

     

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    Petit flash-back. Nous vous retrouvons en 1964, quand un journaliste vous pose une question qu’il avait aussi posée à Jacques Demy, votre mari : « Jacques Demy nous a dit que pour lui, le bonheur était une donnée qu’il fallait défendre, et que la dramatisation du bonheur, c’était la défense du bonheur ». Et pour vous ?

    « C’est drôle… Non, pour moi, c’est un cadeau, le bonheur. Je veux dire par là que ça vient en plus. Vous avez des gens qui ont en eux tous les éléments du bonheur et qui ne sont pas heureux. Et vous avez des gens qui n’ont pas de quoi être heureux et qui le sont. »

    « C’est ce que je disais à cette époque. Mais ça reste vrai. Même à l’âge que j’ai et avec les difficultés que je connais, ressentir des instants de bonheur, ou un peu plus que des instants, c’est un don qu’on a ou qu’on n’a pas… Ça peut être presque rien, une rencontre, un paysage, et d’un coup, on est habité par la beauté du monde. Et moi, j’ai le bonheur d’avoir ce don… »

     

    Ça n’est pas votre seul don, d’ailleurs… Vous êtes une filmeuse, une filmeuse de femmes, mais pas que… Vous les avez filmées en noir, en blanc, de profil comme de face. Vous les avez filmées hautes en couleur et en musique. Les femmes, vous les avez montrées jeunes, vieilles. Vous avez filmé des femmes démunies, voire dénudées, en chair comme en pierre. Alors une question : est-ce que vous pensez faire un cinéma de femmes, ou tout simplement être une femme cinéaste ?

    « Je pense être une cinéaste, qui est femme. Il y a des hommes qui font de très beaux films sur les femmes, et il y a des femmes qui parlent des femmes, si elles veulent. Je ne suis pas dans les ghettos, moi… Je suis pour un cinéma actif, inventif. »

     

    Parlons réalisation, maintenant. Quand vous avez commencé au sein de la Nouvelle Vague, au milieu des Truffaut, Chabrol, Rivette ou Godard, vous étiez la seule femme, et pourtant vous avez déclaré : « métier d’homme, ça ne veut rien dire… Un métier d’homme, ce serait un métier qu’une femme ne peut pas exercer, et ces métiers, il y en a vraiment peu… » (Agnès Varda, 1978)

    « Les metteurs en scène, ils ne font rien. On leur demande juste d’être sur le coup, on leur demande de penser au film et d’avoir une vision aigüe. » (Agnès Varda, 1964)

    « Il faudra faire face dans très peu de temps à un phénomène complètement naturel, à savoir quand il y aura autant de femmes cinéastes que d’hommes cinéastes. » (Agnès Varda, 1978)

     

    Alors, en 2019, et pour n’en citer que quelques-unes, nous avons donc les Emmanuelle Bercot, Valérie Donzelli, Maïwenn, Catherine Corsini, Agnès Jaoui, Julie Delpy, Houda Benyamina, Céline Dorski, Noemi Lowski, Claire Burger, Jeanne Herry, et quand on voit toutes ces femmes, ça vous inspire quoi ?

    « Ça me fait vraiment plaisir. Quand j’ai commencé, il y avait déjà des femmes qui travaillaient. Moi, je me suis retrouvée dans la lumière, parce que j’ai fait quelque chose de tellement radical que j’ai été classée dans la Nouvelle Vague. Maintenant, je suis un peu la potiche des femmes cinéastes. On me met souvent devant, un peu trop, d’ailleurs, parce que parmi ces femmes-là, il y en a qui ont vraiment beaucoup de talent. »

     

    Comment on en vient à croiser la route de Jim Morrison ?

    « On avait un ami commun. Lui aussi avait fait ses études de cinéma à UCLA. Et comme Jacques Demy et moi, on représentait les petits nouveaux de la Nouvelle Vague, parce que ça n’était pas encore arrivé à Los Angeles, et comme on a commencé quatre ou cinq ans avant Spielberg, Coppola et toute cette génération de réalisateurs, Jim était content de faire notre connaissance. Quelques années plus tard, il s’est installé à Paris et on se voyait, tranquillement. Il venait dans ma cuisine, on discutait, avec Jacques. Mon regret, c’est de ne jamais avoir fait de photo de lui, ni à Los Angeles, ni à la maison… Mais tous les gens l’embêtaient tellement avec ça. J’ai préféré malgré tout garder cette distance, ce respect. C’était un être exceptionnel. »

     

    [arve url= »https://www.dailymotion.com/video/x1ht6xk » align= »center » title= »Agnès Varda : « Cléo 5 à 7 » : Extrait 2 avec Jean-Luc Godard et Anna Karina » description= »Agnès Varda » maxwidth= »900″ /]

     

     

    On est de retour avec vous, Agnès Varda, et on avait un petit extrait de « Cléo de 5 à 7 » à vous montrer… Dans votre vie, il y a eu des femmes, mais aussi des hommes. Il y a eu vos compagnons, Antoine Bourseiller, le père de Rosalie, et bien-sûr Jacques Demy, votre mari, le père de Mathieu. Il y eut aussi des initiales célèbres, JLG pour Jean-Luc Godard, et JR pour… JR. Deux hommes aux lunettes fumées, même si dans votre premier long-métrage, JLG avait accepté de les enlever.

    « Ça, c’est un sketch à l’intérieur de Cléo… J’avais peur que le sujet soit trop sérieux. Cette femme en danger de mort. Alors j’ai inséré ce petit clip au milieu. Et Jean-Luc et Anna, qui étaient adorables, ont accepté de le faire. Et puis Jean-Luc, je l’ai beaucoup aimé. On était très amis, Jacques Demy, Anna Karina, lui et moi. Puis on s’est perdu de vue, comme ça arrive souvent dans la vie. Avec Jean-Luc, on a failli se retrouver dans « Visages, Villages ». Il n’a pas ouvert la porte, mais je l’aime quand même. »

     

    Si vous le voulez bien, on va arriver chez un jeune premier, Harrison Ford.

    « Harrison Ford… Quand on l’a rencontré, on l’a trouvé tellement sympathique, intelligent. Jacques m’a demandé de faire des essais pour lui, parce qu’il voulait le mettre dans Model Shop avec Anouk Aimée. Et la Columbia a refusé, en disant que ce gars n’avait aucun avenir. Jacques était très déçu mais on est resté ami. Jacques Demy l’avait repéré, il avait confiance en lui et il était convaincu qu’il ferait quelque chose. Harrison a dit que ça l’avait aidé à patienter pendant quatre ou cinq ans, le temps qu’on lui donne sa chance, car il savait qu’un grand metteur en scène trouvait qu’il avait du talent. »

     

    On retourne aux Etats-Unis avec votre documentaire « Murs, Murs » en 1982.

    « Vous savez, c’est ma façon de faire du documentaire. Approcher au plus près le sujet. Là, le sujet, ce sont ces « murals » qui sont peints sur les murs. J’ai toujours été très curieuse des gens et de leurs oeuvres. J’ai fait ce documentaire très attentivement. J’ai passé plusieurs mois non seulement à trouver les murals intéressants, mais aussi à découvrir qui les avait réalisés. Il n’y avait pas d’intérêt pour ça à l’époque. Souvent, ils n’étaient même pas signés. Avec ce film, j’ai rendu aux auteurs leurs droits d’artiste. »

     

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    35 ans plus tard, vous collaborez avec JR, et cette fois, vous faites vous aussi des murals. Et dans « Visages, Villages », c’est vous qui affichez en grand tous ces visages.

    « Avec ce film, c’était l’idée qu’on en a marre de voir des gens qui ont toujours quelque chose à vendre. Alors qu’il faudrait plutôt qu’on mette à l’honneur des gens simples, des gens de la rue. Le facteur dans le film, c’est un exemple de ceux que j’ai envie de mettre en avant. Si j’ai encore envie de filmer, c’est pour capturer des moments, des instants avec des gens simples, qui n’ont pas forcément beaucoup de choses à dire, mais qui dans leur comportement, dans leur rapport à l’autre, sont beaux. »

     

    Agnès Varda s’en est allée et nous a laissés sans Varda… Au revoir et merci…

     

    Propos recueillis par Pierre Michel pour Tchi Tcha

     

     

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