Auteur/autrice : Instant-Chris

  • Romain Gary s’en va-t-en guerre

     

     

    À l’occasion de la publication de « Romain Gary s’en va-t-en guerre » de Laurent Seksik, revenons sur la vie et l’oeuvre du diplomate et romancier français originaire de Lituanie.

     

    Il est l’homme aux deux prix Goncourt et aux multiples identités. Romain Gary, alias Emile Ajar, de son vrai nom Roman Kacew, double prix Goncourt, d’abord en 1956 pour « Les Racines du Ciel », puis en 1975, sous un autre nom, Emile Ajar, pour « La Vie Devant Soi », naît à Vilna, en Russie, en 1914 (Aujourd’hui, Vilnius en Lituanie).

    Aviateur, diplomate, mais surtout écrivain à la fécondité exceptionnelle, capable d’écrire plusieurs ouvrages en même temps, Romain Gary a livré une oeuvre littéraire drôle, tendre et humaniste.

    Romain Gary, c’est une vie marquée par sa relation avec sa mère. Quant à son père, il va abandonner la famille pour épouser une autre femme, avoir d’autres enfants, avant de mourir dans le ghetto pendant la guerre.

    Rencontre avec Laurent Seksik, qui vient tout juste de publier « Romain Gary s’en va-t-en guerre », Myriam Anissimov, sa biographe, auteur de « Romain Gary, le Caméléon » (Editions Folio), et Joann Sfar qui a illustré « La Promesse de l’Aube » en 2014.

     

    « Gary se levait tôt, il descendait vers 7h00 du matin, dès que les bistrots ouvraient. Ils les faisait tous, en écoutant toutes les conneries que les gens disaient, les notant minutieusement en mangeant un oeuf dur. Puis il remontait chez lui et travaillait jusque midi, une heure. » (Myriam Anissimov).

     

    « Gary écrit puissamment. C’est un flot, c’est une colère, c’est ininterrompu. Puis il y a des redites, il répète beaucoup les choses. On sent le diplomate rompu à l’écriture de mémos, qui a l’habitude de composer une littérature efficace, qui a une grande connaissance du cinéma et du roman américain, et qui pour se purger, se détendre ou faire plaisir à sa maman qui n’est plus là, écrit du roman. » (Joann Sfar)

    Sa maman, justement, il en fait une des plus belles héroïnes littéraires dans la « Promesse de l’Aube » publiée en 1960. Ce que cette femme a d’intéressant, c’est qu’elle est une héroïne sans homme, toute entière dévouée, peut-être pas intrinsèquement au bonheur de son fils, mais plutôt à l’avénement d’un fils roi.

     

    « J’ai écrit la Promesse de l’Aube pour m’exorciser, pour me débarrasser du fantôme de ma mère, qui vécut à mes côtés pendant quinze ou vingt ans, et qui semblait encore demander quelque chose. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus libre, Je me suis, comme on dit, affranchi… » (Romain Gary en 1960)

     

    Romain Gary a réussi à échapper au cadre très rigide du roman français traditionnel, pour introduire dans la littérature française quelque chose de nouveau, à savoir l’idée de l’émigré, avec la notion de métissage entre les cultures française et juive, yiddish d’Europe orientale, plus précisément.

    Il y a chez Gary, outre cette poésie et une façon peu commune de décrire les sentiments, les émotions ou les personnages, en les esquissant, cette forme d’humour, humour juif, humour du désespoir, plein de tendresse.

    Aviateur dans les Forces Françaises Libres pendant la Seconde Guerre Mondiale, voyageur et diplomate, Romain Gary ancre les thèmes de ses romans dans l’actualité du monde. En 1956, avec « Les Racines du Ciel » récompensé par le prix Goncourt, il livre l’un des premiers récits écologiques. Autre exemple avec « Chien Blanc » en 1970, sur la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, et contre le racisme. Autant de sujets qui n’ont rien perdu de leur pertinence.

     

    « Chien Blanc préfigure Donald Trump. Quand on parle de l’actualité de Gary, tout ce qu’il dit sur l’Europe, sur la montée des périls ou sur l’Amérique, résonne aujourd’hui de façon totalement hallucinante. » (Laurent Seksik)

     

    C’était un humaniste, un homme profondément généreux qui aimait les autres hommes, mais aussi les femmes. Il en parlait d’ailleurs comme on en parlait peu à l’époque, comme des égales, des partenaires, aussi bien sur le plan amoureux que plus généralement dans la vie.

    En 1975, Romain Gary invente Emile Ajar, pseudonyme sous lequel il va remporter un second prix Goncourt pour « La Vie Devant Soi ».

     

    « Il a voulu se débarrasser de Romain Gary pour qu’enfin, on le lise vraiment. Il se plaignait toujours qu’on ne le lisait jamais. Tout roman de Gary relève du doute. Il a mis tellement d’énergie à raconter des mensonges qui lui plaisaient, à s’inventer un personnage qui lui convenait. Il a décidé que le roman, c’était finalement plus important que l’existence. Quand on prend cette décision-là, on peut finir un jour avec le canon d’un fusil dans la bouche. » (Joann Sfar)

     

    En 1980, Romain Gary décide donc de mettre fin à ses jours. ll eut cette phrase avant de se supprimer : « Je me suis totalement exprimé ». Comme pour Gary, il n’y avait que le roman qui importait, on peut imaginer qu’au moment de commettre l’irréparable, il eut le sentiment de s’être totalement exprimé sur le plan romanesque.

    Romain Gary est un génie, même si le terme peut paraître aujourd’hui quelque peu galvaudé. Déjà par le fait que c’est un auteur qui est extrêmement facile à lire. Et puis il y a cet humour irrésistible allié à un sens de l’auto-dérision poussé à son paroxysme… De ce point de vue, « Gros Câlin » est probablement le roman dans lequel l’humour de Gary, allié à un sens inné du surréalisme, est le plus jubilatoire. Oui, Romain Gary est un humaniste. Et finalement, est-ce que ce n’est pas ça, réussir sa vie ?

    Profitez de la sortie de « Romain Gary s’en va-t-en guerre » pour aller jeter un oeil à « La Promesse de l’Aube » illustrée par Joann Sfar. C’est magnifique…

     

     

     

     

  • Maik Lipp, le monde en bleu

     

     

    Avec ses séries de clichés ultra-minimalistes « Mixed Minimal I » et « Mixed Minimal II », le photographe allemand Maik Lipp nous livre sa vision personnelle du monde moderne et de la ville.

     

    Maik Lipp, originaire de Francfort et fondateur du studio de photo et design USRDCK, met ainsi la ville et ses bâtiments à l’honneur. Ce qui saute aux yeux de prime abord, c’est l’omniprésence du bleu, comme si l’artiste voulait nous signifier que la beauté et l’espace existent encore dans notre environnement urbain. Ses clichés nous offrent une autre manière d’observer l’architecture et ses curiosités.

     

    « J’aime la simplicité et le calme incarnés par la ville et ses bâtiments. »

     

    Maik Lipp s’attache à épurer les lignes, lisser les textures et souligner les symétries, en capturant des éléments architecturaux émergeant de larges fonds de ciel bleu.

    Le photographe saisit cette douce et harmonieuse géométrie aux quatre coins du Monde, de Miami à Singapour, en passant par Francfort ou Lisbonne.

    A découvrir.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Breaking News : Le premier album de The Edge Of The Sun

     

     

    C’est confirmé, le premier album de The Edge of The Sun est en préparation, et nous l’attendons avec une certaine impatience.

     

    The Edge Of The Sun est un groupe de rock alternatif originaire d’Aix-en-Provence, formé en 2013, et composé de Julien Duverne (Lead Vocals & Guitar), Patrick Kault (Lead Guitar), Julien Paturau (Bass Guitar) et Gilles Cazorla (Drums & Keyboards & Backing Vocals). Le dernier loustic de la bande, il ne nous est pas tout à fait inconnu, puisqu’il était la moitié du duo Nothing But Silence que nous avions déjà chroniqué il y a deux ans.

    Il aura donc fallu tout ce temps pour que Gilles Cazorla nous revienne dans le cadre de cette nouvelle formation, avec ce son alternative rock de belle facture, aux influences qu’il affectionne tout particulièrement, de Oasis aux Red Hot Chili Peppers (les guitares), en passant par Queen of The Stone Age, The Strokes ou les Stone Roses (pour l’ambiance).

    Quant à Patrick Kault, le Lead Guitar, il s’est récemment incrusté sur scène avec FFF, à l’invitation de monsieur Yarol Poupaud himself, pour un « Niggalize It » qui envoyait sacrément du bois.

    A noter aussi que grâce à Roy Export S.A.S., la société qui possède les droits exclusifs de tous les films tournés par Charlie Chaplin à partir de 1918 (à l’exception de « La Comtesse de Hong Kong »), The Edge Of The Sun a eu l’immense privilège de pouvoir utiliser le discours du Dictateur pour « Free The Bird », un des morceaux figurant sur leur prochain album.

    Deux démos sont déjà disponibles en écoute libre sur leur page Soundcloud. Histoire de nous mettre l’eau à la bouche…

    Quant à l’album, il sera disponible en précommande exclusive sur iTunes le 20 Janvier et la sortie est prévue sur toutes les plateformes le 10 Février.

    A checker d’urgence !

     

    https://soundcloud.com/thedgeofthesun/landing-on-mars

     

    https://soundcloud.com/thedgeofthesun/burn-the-vessels

     

     

     

  • Lancement de KuBweb.media : La bande-annonce

     

     

    Projet hybride entre webzine, chaîne de diffusion multimédia et réseau social, le webmedia KuB, contraction de Kultur Bretagne, est l’outil de rayonnement de la richesse et la diversité des talents que recèle et qu’accueille la Bretagne.

    Son contenu est éditorialisé, toutes disciplines confondues, et son format en réseau invite à l’échange citoyen : ses internautes peuvent déposer leurs idées, productions, créations sur le site. Un comité éditorial, composé de représentants des secteurs de la culture, de la création, de l’audiovisuel ou encore de la recherche, étudie et sélectionne les œuvres et les projets à intégrer dans la ligne éditoriale de KuB.

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Kub WebMédia Officiel

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Films en Bretagne

     

     

  • Picasso et Giacometti, en résonance

     

     

    Jusqu’en février 2017, le Musée Picasso présente la toute première exposition consacrée à l’œuvre de deux des plus grands artistes du XXème siècle : Pablo Picasso et Alberto Giacometti.

     

    Ils avaient vingt ans d’écart mais leurs oeuvres se sont toujours répondues. Picasso et Giacometti sont pour la première fois réunis dans une seule et même exposition. Deux-cents oeuvres, peintures, dessins, sculptures, des deux maitres du XXème Siècle sont présentées à l’Hôtel Salé.

    Les deux artistes qui se rencontrent au début des années 30 avaient des tempéraments bien différents, mais ils ont été influencés l’un et l’autre par le surréalisme et partagent le même questionnement sur la relation au réel.

    Un dialogue et des correspondances artistiques que décrit Catherine Grenier : « Ce sont deux monstres de l’art moderne. Les peintre et sculpteur les plus chers. D’un côté l’Espagnol, de l’autre le Suisse de vingt ans son cadet, Picasso et Giacometti. Deux artistes étrangers qui émigrent à Paris au début du XXème siècle, deux fils d’artiste qui partagent une très grande précocité avant d’inventer un langage révolutionnaire ».

     

    « Ils ont la même facilité, la même virtuosité à représenter le réel, et l’un comme l’autre vont aller vers la modernité » (Catherine Grenier, commissaire de l’exposition).

     

    Dans les années 1910 et 1920, Picasso et Giacometti trouvent l’inspiration et créent de nouvelles formes, de nouveaux motifs, en puisant dans le passé ou les arts extra-occidentaux.

    « Picasso était fasciné par la découverte des milieux de l’avant-garde, de l’art africain, de l’art océanien. Il était aussi fasciné par tout ce que l’on appelait le primitif, et Giacometti, de la même façon, se passionne pour les arts exotiques, pour l’art égyptien, l’art mésopotamien ou l’art des Cyclades. En effet, les objets archéologiques ou ceux provenant d’autres civilisations, d’autres cultures, vont venir nourrir leur vocabulaire artistique » (Catherine Grenier, commissaire de l’exposition).

    Giacometti connait l’oeuvre de Picasso depuis qu’il est arrivé à Paris. Bien entendu, il est émerveillé. Quant à Picasso, à cette époque, il est déjà le grand artiste de la modernité. Lorsque Giacometti organise sa toute première exposition personnelle, en 1932, il est d’ailleurs extrêmement fier de pouvoir annoncer à ses parents que Picasso a été le premier visiteur de l’exposition.

    Après leur rencontre, leur relation s’intensifie tout au long des années 30. Ils se voient presque quotidiennement pendant la guerre, en 1940 et 1941. Leur amitié est d’abord fondée sur un dialogue artistique. Ils parlent d’art, se soumettent leurs oeuvres l’un à l’autre. Eux qui partagent des thématiques communes, qui représentent souvent leur femme dans leurs oeuvres, vont se nourrir mutuellement, de manière consciente ou inconsciente. Leurs créations dialoguent entre elles, et des motifs de l’un peuvent apparaitre dans les oeuvres de l’autre.

    Tous les deux prennent pour thématique principale le corps humain, en particulier le corps de la femme, mais aussi le couple, la sexualité, ainsi que la relation entre l’homme et la femme. Ils se rencontrent au moment du surréalisme, une période durant laquelle les artistes convoquent leurs rêves, leurs fantasmes. Picasso et Giacometti s’expriment d’ailleurs assez librement pour l’époque sur toutes les questions qui ont trait à l’érotisme et à l’amour. Pour eux, le thème de l’érotisme est très étroitement lié au thème de la violence ou à celui de la mort.

    « La Femme Egorgée » de Giacometti est une sculpture qui représente d’abord un crime sexuel, mais cette femme qui est saisie par l’artiste dans une sorte de spasme amoureux ressemble aussi à une plante carnivore, ou à l’incarnation de la mante-religieuse. Cette oeuvre caractérise l’ambiguïté de la relation de Giacometti aux femmes, et à la façon dont il décrit la femme à la fois comme une victime et une prédatrice. On retrouve cette même ambiguïté dans l’oeuvre de Picasso, avec par exemple un couple qui s’embrasse sur la plage, dans un acte de baiser qui est presque une lutte physique, voire même un acte de dévoration…

     

    instant-city-alberto-giacometti-la-femme-egorgee-001

     

    Les deux artistes partagent donc des motifs, des préoccupations, mais leurs approches artistiques respectives restent cependant fondamentalement différentes. Pablo Picasso est l’artiste de la composition et de l’assemblage, quand Giacometti est l’artiste de la soustraction et de la simplification. Quant à leurs oeuvres, elles montrent des tempéraments foncièrement distincts : Picasso, solaire et dominateur, agacera forcément un Giacometti discret et toujours dans la retenue. Mais ce qui finira par les séparer définitivement, c’est bien l’éloignement physique. Picasso partira s’installer dans le Sud de la France après-guerre, tandis que Giacometti restera à Paris.

    A découvrir d’urgence au Musée Picasso cette exposition qui met en résonance les deux monstres de l’art moderne, dans une confrontation inédite.

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Musée Picasso

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Picasso Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Fondation Giacometti

     

     

  • Paul Personne, le retour…

     

     

    Après plus de trente ans de carrière, Paul Personne est de retour pour nous présenter « Lost in Paris Blues Band », son nouvel album né d’une session improvisée aux mythiques Studios Ferber, en compagnie d’artistes d’exception.

    On y retrouve John Jorgenson, guitariste d’Elton John et Bob Dylan, Robben Ford, guitariste de blues et de jazz ayant notamment accompagné Miles Davis, Ron « Bumblefoot » Thal, connu à la fois en solo et pour avoir remplacé Slash dans Guns N’ Roses, ou encore Beverly Jo Scott, chanteuse blues / rock légendaire. Enfin, la section rythmique a été assurée par Kevin Reveyrand et Francis Arnaud, qui ont l’habitude d’accompagner la crème de la variété française.

    Cet album présente treize reprises de standards blues, folk et rock, dont « One Good Man » (Janis Joplin), « Trouble No More » (Muddy Waters), « Watching The River Flow » (Bob Dylan).

    Une totale réussite ! A découvrir d’urgence !

     

     

  • Brassaï : Graffiti

     

     

    « Ces signes succincts ne sont rien moins que l’origine de l’écriture, ces animaux, ces monstres, ces démons, ces héros, ces dieux phalliques, rien moins que les éléments de la mythologie. »

     

    Les dessins et signes tracés ou grattés sur les murs de Paris ont fasciné Brassaï du début des années 1930 jusqu’à la fin de sa vie. Le photographe a constamment traqué ces expressions durant toute sa carrière, leur consacrant une importante série qui a pris forme dans un livre et à travers plusieurs expositions.

    Grâce à la richesse de sa collection de photographies, le Centre Pompidou propose une présentation thématique de la célèbre série « Graffiti » du photographe français d’origine hongroise. L’exposition replace la série dans le contexte de la fascination pour l’art brut d’artistes et écrivains proches de Brassaï : Raymond Queneau, Jean Dubuffet, Pablo Picasso, Jacques Prévert, notamment. Des documents enrichissent cette présentation inédite offrant au public d’en approfondir la compréhension et l’écho.

     

    « Le mur se dresse tel un défi. Protecteur de la propriété, défenseur de l’ordre, il reçoit protestations, injures, revendications et toutes les passions, politiques, sexuelles ou sociales. La Révolution française commença par détruire un mur, celui de la Bastille. Les journaux, les affiches n’ont pu supplanter les écritures murales. Un mot tracé à la main, en lettres immenses, a une emprise que n’aura jamais une affiche. Animé encore de l’émotion ou de la colère du geste, il hurle, barre le chemin. »

     

    C’est avec ces mots que Brassaï, photographe français d’origine hongroise, commentait, en 1933, la première publication de quelques-unes de ses photographies des fragments des murs parisiens parues dans la revue Minotaure. La série des « Graffiti », à laquelle le photographe travaillera pendant plus de vingt-cinq ans, est riche de plusieurs centaines d’images, dont une partie reste méconnue. L’exposition que présente le Centre Pompidou dans la Galerie de photographies, en dévoilant des inédits, propose un regard approfondi sur ce célèbre ensemble et sa fortune auprès d’artistes et d’écrivains proches de Brassaï : Pablo Picasso, Jacques Prévert, Jean Dubuffet, notamment.

    Flâneur nocturne, Brassaï s’intéresse dès ses débuts aux quartiers « mal famés » de Paris et à la culture populaire. Il est le premier, dans l’histoire de la photographie moderne, à penser intuitivement l’appareil photographique comme un outil de dissection de l’urbain. Il concentre son regard sur des dessins, signes et gribouillages inscrits sur les murs de Paris. À l’instar de ses clichés des pavés, il resserre son cadre, s’attache au détail et met en valeur un objet a priori sans importance, exactement comme il l’avait fait pour les Sculptures involontaires avec Salvador Dalí. Ces règles formelles établies, Brassaï entame un projet d’enregistrement systématique : au fil des années, il constitue un catalogue – un imagier populaire – des traces laissées sur les murs par les habitants de la capitale. Publiés pour la première fois dans le contexte surréaliste, ces dessins trouvés et photographiés sont lus comme l’expression de l’inconscient de la métropole. Rassemblés dans les années 1950 pour des expositions et édités dans le livre Graffiti (1961), ils sont soumis à une typologie proposée par l’artiste. Cette démarche inscrit sa pratique dans le contexte naissant de l’ethnologie et de la sociologie du quotidien.

    L’exposition prend sa source dans l’ensemble exceptionnel des « Graffiti » que conserve le Centre Pompidou et porte un regard nouveau sur ces images. Elle les inscrit dans le cadre plus large de la fascination exercée par l’art populaire sur certains artistes et écrivains en quête des sources premières de la création artistique. Grâce aux prêts d’œuvres venues de l’Estate Brassaï, de collections privées et d’autres institutions, l’exposition montre comment certains tirages de la série ont été réutilisés par des artistes : intégrés à des collages, illustrant des recueils de poésie, inspirant un dialogue avec des réalisations sculpturales ou graphiques.

     

    Brassaï : Graffiti au Centre Pompidou, du 09 novembre 2016 au 30 janvier 2017

    Commissaire : Mnam/Cci, Karolina Ziebinska-Lewandowska

    Crédit photographique : © Centre Pompidou / Photo A. Rzepka / dist. Rmn-GP, © Estate Brassaï

    Brassaï, « Graffiti », de la série « Images primitives », 1935-1950

     

     

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    L’exposition Brassaï s’écoute aussi sur Soundcloud !

     

     

     

  • Marilyn : I Wanna Be Loved By You…

     

     

    Marilyn Monroe (1926-1962) est certainement la star la plus photographiée de toute l’histoire du cinéma. André de Dienes, Milton Greene, Philippe Halsman, Eve Arnold, Cecil Beaton, Richard Avedon, Sam Shaw, Ed Feingersh, George Barris, Bert Stern… les meilleurs photographes de son temps l’ont immortalisée, faisant de Marilyn l’icône absolue.

     

    A travers une soixantaine de tirages photographiques, principalement issus de collections privées, et de nombreux supports multimédia, l’exposition « Marilyn » raconte l’histoire de la relation particulière que Marilyn Monroe a toujours entretenue avec la photographie et les photographes. Une relation centrale dans la construction de son image mythique.

    Plus encore que la caméra, Marilyn aimait l’appareil photo et les photographes le lui rendaient d’ailleurs bien. On sait combien Marilyn Monroe s’est prêtée au jeu de la célébrité, renvoyant à chaque paparazzi un sourire éclatant. Très jeune, elle dévore les magazines de cinéma dont les photos idéalisées éveillent son intérêt pour la photographie. Débutant comme modèle puis comme pin-up, elle comprend vite le pouvoir de l’image, dont elle a besoin pour lancer sa carrière cinématographique, et s’en empare. Sa photogénie exceptionnelle et son travail intensif avec les photographes hollywoodiens les plus réputés portent vite leurs fruits et elle apparaît en couverture de nombreux magazines, contribuant au développement de sa popularité comme de son érotisme. C’est sous l’objectif des photographes publicitaires des studios que Norma Jean Baker, petite fille à l’enfance difficile, devient Marilyn Monroe, la star. Les médias construisent l’image toute faite d’une femme joyeuse, radieuse. Or Marilyn est multiple, complexe. Car l’icône a deux faces : celle, solaire et lumineuse, de la blonde et celle, plus sombre, d’une jeune femme perfectionniste, fragile et vulnérable.

    Marilyn noue un dialogue de confiance avec les photographes, plus qu’avec les journalistes ou même les réalisateurs. Elle initie très régulièrement des séances de photographie pour façonner elle-même son image et se défaire du rôle dans lequel l’enferment les médias et les studios hollywoodiens, la Fox en particulier. Marilyn tient à contrôler chaque image – comme sur ces planches contacts de la « Dernière Séance » de Bert Stern, présentée en fin d’exposition, où elle barre les clichés qui lui déplaisent. C’est cette co-construction de son image, révélant la maîtrise du photographe autant que la sienne, qui est ainsi donnée à voir.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/187333992″ mode= »normal » align= »center » title= »Marilyn : I Wanna Be Loved By You… » description= »Caumont Centre d’Art » maxwidth= »900″/]

     

    Marilyn : I Wanna Be Loved By You

    Du 22 octobre 2016 au 1er mai 2017

    Caumont Centre d’Art, Aix-en-Provence

     

     

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    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Caumont Centre d’Art Officiel

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Bert Stern, la Galerie de l’Instant

     

     

  • Quand Star Wars rencontre La Mort aux Trousses…

     

     

    Un hybride entre La Guerre des Etoiles et La Mort aux Trousses ?

     

    Les internautes en rêvaient, le vidéaste Fabrice Mathieu l’a fait. Ça n’est pas tous les jours que l’on peut voir Cary Grant se faire mitrailler, dans un champ désert (celui de Tatooine), par les canons-laser d’un X Wing… Nombre de parodies Star Wars détournent l’imaginaire du space-opera en l’intégrant au quotidien le plus trivial (voir à ce titre la mini-série « Chad Vader », où le mythique Vador bosse dans une supérette) mais « Darth by Darthwest » se joue de façon plus cinéphile des échos que se font inconsciemment les grandes oeuvres de la culture populaire.

    Un pastiche d’une vraie cohérence : « La Mort aux Trousses » est une pièce maîtresse pour qui souhaite comprendre la mécanique du film hollywoodien à grand spectacle, de la saga des James Bond jusqu’à celle des « Mission:Impossible ». En 1959, Hitchcock a initié ce que l’on nomme le « Summer Blockbuster », dictant ainsi les règles narratives de ces grosses machines qui chaque été envahissent les multiplexes. Star Wars, le succès historique de l’été 1977, a donc bel et bien sa place à l’intérieur du classique hitchockien…

    Clément Artbrun @ Les Inrocks

     

     

     

     

  • Papooz, une histoire d’amitié

     

     

    Bourré de vitamines et autres drogues douces, le premier album du duo Papooz, formé par Ulysse Cottin et Armand Panicaut, risque de rester collé à votre mange-disques tout l’automne. On vous explique pourquoi dans notre interview.

     

    Après une prestation remarquée au Printemps de Bourges, une Maroquinerie pleine à craquer en mai dernier et un clip signé Soko qui a fait le tour de la toile, le duo Papooz nous révèle enfin son premier album “Green Juice”. Au programme : des mélodies pop folk gorgées de soleil, des vitamines (Green Juice), des chinoiseries où l’on s’imagine descendant le Gange en fumant de l’opium (Trampoline), des basses jouissives rappelant le Norvégien Whitest Boy Alive (Stories of Numbers, Ann Wants to Dance), des airs jazzy (Chubby Baby) et même des échos de Pete Doherty, époque solo Grace / Wastelands (One Of Those Days). Il n’en fallait pas plus pour aiguiser notre curiosité et les rencontrer.

     

    Papooz, c’est une histoire d’amitié ?

    Ulysse : C’est ça, c’est une histoire d’amitié. A l’époque, Armand venait à une réunion qu’on organisait tous les mardis, dans le but de monter un journal littéraire et artistique. Finalement, on ne l’a jamais fait. On s’est vu régulièrement mais on n’était pas très amis au début. Et puis on a commencé à traîner ensemble et à faire des chansons.

     

    Vous avez des goûts plutôt complémentaires ou similaires ?

    Ulysse : On est plutôt complémentaires, après on n’a pas que des points en commun. Je me lève très tard et lui tôt… non je rigole (rires) ! A vrai dire, on est tous les deux du même signe astrologique, Taureau, donc on a quand même plein de points en commun. On a à peu près les mêmes goûts musicaux. C’est juste l’éducation qui diffère. On ne vient pas exactement du même milieu. En plus, Armand a un jumeau. Moi je suis l’aîné. Ça forge des caractères différents. Mais sur la musique, on est plutôt très vite d’accord.

     

    Entre les auditions inRocKs Lab de 2013 et aujourd’hui, trois ans se sont écoulés. Il a fallu tout ce temps pour arriver à un album qui vous convienne ?

    Ulysse : On a pris tout ce temps pour trouver la bonne manière d’enregistrer, pour que ça sonne cool, un peu comme on est en live. On a ainsi enregistré plusieurs fois la même chose, de différentes manières et dans différents studios. Voilà pourquoi ça a pris du temps, pour trouver cette « science » et pour tenter de comprendre ce qui nous correspondait sur l’enregistrement.

     

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    Où a été enregistré cet album, justement ?

    Ulysse : On a fait une session avec tout le groupe dans le Sud de la France pendant presque un mois. Dans ma maison du Cap Ferret, au bord de l’eau et en plein hiver, on a installé notre home studio. On a enregistré en live tous les instruments pour garder la même énergie qu’on a justement en concert.

    Armand : Même la voix est enregistrée en live avec les autres instruments. Par contre, on a fait beaucoup d’overdub : on a rajouté à posteriori des arrangements et d’autres instruments (violon, contrebasse, guitare), parfois même d’autres musiciens. On a donc complété avec des sessions enregistrées dans des studios à Paris.

     

    Pourquoi avoir enregistré l’album en live et pas piste par piste ?

    Ulysse : On avait déjà enregistré piste par piste des morceaux avec le groupe au Studio Saint Germain, mais ça sonnait trop propret, ça ressemblait moins à notre live. Donc on ne l’a jamais sorti. C’est pour ça que ça a pris un peu de temps. On voulait reproduire l’effet en live où l’on s’éclate sans forcément que ça soit surproduit.

     

    Si on regarde les titres de l’album : « Dance », « Simply Baby », « Trampoline », « Good Times On Earth », « Green Juice », on se dit que Papooz est un pays plutôt heureux ?

    Ulysse : Oui, mais il y a aussi des chansons tristes et mélancoliques. Après, c’est vrai qu’on est des garçons plutôt heureux et cool dans la vie. On n’aime pas la musique qui est trop négative, on préfère que ça soit facile à écouter, c’est dans notre nature, je pense.

     

    On sent le soleil aussi sur votre disque…

    Ulysse : Ce sont les cheveux d’Armand, on l’appelle « Petit Soleil » (rires). C’est la maison dans le Sud aussi. On a beaucoup traîné au Cap Ferret, on a une bande au bord de l’eau. Le groupe s’est construit là bas. Ce qui nous a quand même donné un esprit assez solaire, même si on est des gars de Paris, hormis le batteur et le bassiste qui viennent de là-bas.

     

    Vous chantez tous les deux. Le timbre des voix est si léger qu’on a déjà dû vous demander s’il y avait une voix féminine ?

    Ulysse : Armand a la voix la plus haute, la plus féminine. A vrai dire on a à peu près les mêmes tessitures de voix, mais la sienne est plus féminine. On nous le dit tout le temps…

    Armand : Avant on chantait beaucoup à deux, à l’unisson. Et ça s’est vite transformé : celui qui écrit le titre, devient le lead vocal. Et on fait des harmonies derrière ce lead. Sur cet album, c’est comme ça qu’on a procédé.

     

    Le clip de « Ann Wants To Dance » est signé Soko. D’où est née cette rencontre ?

    Ulysse : On avait repéré une vidéo de Sacha, la petite copine de Soko de l’époque sur Instagram, en train d’écouter un super morceau et de mâcher son chewing-gum tout en faisant de la gym. Moi j’avais adoré ce truc. Par l’intermédiaire de notre manageur, on l’a contactée. Elle était à Rhodes, en Grèce, en train de tourner un film dans un hôtel, on est allé la rejoindre là-bas pendant ses trois jours de repos, et on a tourné ça. On s’est décidé une semaine à l’avance.

     

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    Comment s’est passé le tournage ?

    Armand : Soko voulait une image DIY des année 80, donc on a pris une caméra Sony à cassettes. On est arrivé là-bas et elle ne marchait pas, les batteries étaient mortes. Heureusement, j’avais apporté une caméra de secours qui devait appartenir à mon père, un truc waterproof vraiment pourri : ça rendait un peu TF1, genre L’Ile de la Tentation. Donc on a tourné avec ça et après on a mis un filtre. Et comme on avait une batterie de merde, on devait s’arrêter souvent pour la recharger. On a fait le clip en deux après-midis.

     

    Vous avez aussi repris « Simply Are » d’Arto Lindsay. Une reprise pour un premier album, c’est un peu gonflé ?

    Armand : Maintenant c’est peut-être gonflé, mais si tu écoutes les premiers albums de Rolling Stones, par exemple, il n’y a pas une seule chanson qu’ils aient écrite. Idem pour les Beatles… Et puis, on adore Arto Lindsay, un artiste très décalé et étrange, et très bon compositeur…

    Ulysse : On l’a fait un peu au dernier moment. Puis on se l’est réappropriée, c’est pas une pâle copie. On l’aimait tellement.

     

    Vous savez si Arto Lindsay l’a écouté ?

    Ulysse : Non, on a essayé de le contacter. Mais les nouvelles technologies, à priori, c’est pas encore son truc. (rires)

     

    « Wanted », c’est la seule chanson de l’album sur laquelle vous avez invité une chanteuse, n’est-ce-pas ?

    Armand : Oui, c’est ma petite copine. C’est elle qui signe aussi tout notre univers graphique, elle s’appelle Victoria Lafaurie. Elle avait écrit et composé une chanson, elle nous plaisait beaucoup, donc on a décidé de l’enregistrer.

     

    Album « Green Juice » sur le label Half Awaye, disponible en digital (ItunesSpotifyDeezer)
    En concert : le 11 octobre à l’Alhambra (Paris)

     

    Interview de Abigail Ainouz pour LesInrocks