Auteur/autrice : Instant-Chris

  • Hubert Touzot : L’Interview Pudeur

     

     

    Ça ne vous aura probablement pas échappé, mais nous publions chaque lundi, depuis juin 2020, un épisode du récit d’Hubert Touzot, « La Pudeur ». Et vous avez pris l’habitude de voir passer régulièrement ce nom à Instant City. En effet, le photographe, à qui nous avions consacré un portrait en septembre 2015, est l’un de nos plus fidèles contributeurs. Il nous fait partager sa passion pour le cinéma, la mode ou la musique, et nous fait maintenant l’honneur de nous faire découvrir en exclusivité son premier récit. 

     

    Comment vous est venue cette envie d’écrire sur vous ou ceux qui vous ont côtoyé, sans passer par des personnages fictifs et inventés ? Et comment avez-vous appréhendé votre propre vie en essayant de ne jamais vous épargner ?

    Depuis que je suis enfant, j’ai toujours gribouillé, sur des coins de cahiers, des bouts d’histoires, des poèmes, des phrases comme ça, des trucs que j’avais sur le cœur. A différents moments de ma vie, j’ai essayé de mettre tout ça en forme, d’après ce grand verbatim. Mais à chaque fois que je relisais, je me disais que cela ne pouvait intéresser que moi-même et ma petite personne contente d’elle.

    Mais c’est lorsque je suis arrivé à Paris, justement comme je le raconte dans le livre, que j’ai repris cette idée d’écrire mes états d’âme de jeune gay provincial. Là encore, j’ai finalisé un petit livre que j’ai fait lire à droite et à gauche, pour finalement le ranger soigneusement dans un tiroir. Bref, tous les dix ans environ, je suis revenu sur « ces mémoires » en jachère, en y ajoutant de nouvelles péripéties, de nouvelles rencontres. Enfin, il y a environ un an, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de terminer une bonne fois pour toute ce que j’avais entamé il y a un peu plus de quarante ans. En l’état, « La Pudeur », c’est un peu ma vie non rêvée, non fantasmée et exprimée de la façon la plus naturaliste, la plus crue possible, avec cela dit un principe de collage et d’impression. Comme une grande malle ou je retrouve des tas de choses que j’avais oubliées.

     

    Écrire un roman autobiographique, lorsqu’on n’a rien accompli de vraiment spécifique ou extraordinaire, risque de plus tenir de l’exercice vaniteux, autocentré et assez vain, non ?

    Oui, c’est sûr, et surtout quand on ne s’appelle ni Yann Machin ni Raphaël Truc, qui quant à eux trouveront forcément un échos favorable et toujours des lecteurs de leurs tocades. Mais là, c’est un parfait inconnu qui vient se répandre, avec des non-événements et des anecdotes banales, si ce n’est qu’il est homosexuel à Paris, dans le début des années 90. C’est probablement le seul attrait « exotique » à mettre au crédit de ce récit d’apprentissage. Après, je ne serais pas un super vendeur, pour mettre en avant ce qui m’est arrivé jusqu’alors, en prétendant que j’ai fait des trucs de dingo. Il faut plutôt se laisser porter par les mots et les affects du personnage. Il faut oublier d’être présomptueux et croire juste à ce que l’on écrit.

     

    En quoi cette histoire peut-elle constituer quelque chose de pertinent à raconter, outre son contexte et les orientations sexuelles du personnage principal ?

    Il y a tout un pan d’une époque, qui n’est pourtant pas si reculée, mais qui n’a plus rien à voir avec ce que l’on vit aujourd’hui. Rien que pour cela, c’est vrai que ça peut être drôle à lire, comme une espèce de voyage dans le temps. Et justement, cette histoire du temps est très importante à mes yeux, dans la mesure où j’ai toujours avancé très lentement par rapport à tout ce qui m’entourait. Non pas que je sois une sorte de nostalgique indécrottable qui ne voit sa vie que par le prisme du passé, mais j’ai une vision très personnelle de tout cela, en particulier de ces lois physiques qui nous régissent. Je pense qu’on a besoin du passé pour avancer et que l’on peut se servir d’éléments pour colmater des brèches du futur. Tout se rejoint. J’apporte donc beaucoup de détails à relater toute une époque.

     

    Le personnage est tour à tour dépeint comme quelqu’un d’assez vain, égoïste, qui ne se soucie de rien d’autre que de son propre plaisir et de son bien-être. Comment peut-on s’attacher à lui alors que tous autour, ses amis ou sa famille, sont plutôt bienveillants à son égard ?

    C’est justement ça qui peut constituer tout l’intérêt de ce parcours de vie. Si j’avais présenté un personnage juste bien, gentil et compréhensif, l’ennui aurait guetté le lecteur au bout de cinq pages… Au contraire, la nature vaine et tournée sur lui va lui permettre de s’ouvrir finalement au fur et à mesure, et de s’accomplir.

     

    Vous agrémentez l’histoire de poèmes, qui viennent illustrer la fin de certains chapitres, comme s’il s’agissait de chansons. Quel était le but exact de cette démarche ?

    J’y verrais deux raisons. Comme je le disais au début, j’ai toujours écrit de la poésie. Dès que je faisais une rencontre amoureuse ou une rencontre tout court, me venaient alors des mots que je voulais chantants à mon esprit. Je voulais que ça voltige. Je l’explique d’ailleurs dans le livre. Tous ces poèmes pourraient à jamais dormir dans l’obscurité. Avec « La Pudeur », ça pouvait alors devenir comme une évidence. Puisqu’ils font partie intrinsèque de ma vie, il était donc normal qu’ils soient présents également.

     

    Tout se passe du point de vue du personnage principal, qui a une vision très ironique, très acide, du monde et de ses contemporains. On le sent en fait le plus souvent perdu, et il semble en manque de ce fameux amour qu’il recherche par-dessus tout. C’est un garçon très complexe et difficile d’accès dans sa compréhension. Pensez-vous malgré tout qu’il soit semblable à bon nombre de gens ?

    Oui, j’en suis persuadé. On est tous là sur terre, avec nos desiderata, nos envies et nos rêves. On recherche tous la même chose, à savoir le bonheur ; être heureux et que la chance soit toujours de notre côté… Seulement, si on est un peu plus perplexe que la moyenne, on va vite se rendre compte que le monde est un vaste champ de mines. Deux solutions vont alors s’offrir à vous, pour souffrir le moins possible et ne jamais être déçu. Soit vous avez un talent certain pour la manipulation, pour toujours arriver à vos fins, ou bien vous êtes lâche face à l’adversité et vous vous contenterez de jouer avec la mauvaise fortune, en étant éternellement le chevalier sans le sou, celui que l’on croise sur le bord de la route, mais avec un certain panache. Alors, il vous reste la franchise et l’honnêteté.

     

    Le thème de l’homosexualité est traité de manière assez brute, sans excuse ni complaisance, ni même de quelconque volonté de victimisation du personnage. Pensez-vous qu’aujourd’hui, on puisse se moquer de tout et de tout le monde, ou porter des avis tranchés, pour ne pas dire péremptoires, sur le sujet, à l’heure de l’émotion à outrance et des associations fustigeant le moindre avis négatif sur la question ?

    Étant le premier concerné par ce sujet, oui, je m’accorde le droit de me moquer d’abord de moi-même, mais également de mon entourage et de tous les cercles que j’ai pu côtoyer lors de mes pérégrinations… Et puis ce milieu n’est pas un monde de bisounours. Les gens que l’on croise sont sans pitié aucune. Mais tout ça, c’était dans les années 80-90. La soupape de sécurité, c’était l’auto-dérision. Depuis quelques années, on note un gout prononcé pour la victimisation à outrance. Ce que l’on appelle les minorités sont traitées avec de la Cajoline. Des mots sont devenus interdits, tabous. Que vous soyez désormais « différents », cela vous donne un statut d’intouchable, de rareté. On a l’impression ces derniers temps d’évoluer dans un immense magasin de porcelaine.

     

    Dans le livre, on note de nombreuses références, qu’elles soient musicales, cinématographiques ou encore littéraires. Est-ce une manière de présenter le personnage comme quelqu’un qui ne s’accepte pas à part entière, et qui a besoin de se réfugier sans cesse dans un imaginaire qu’il s’est construit au fil du temps ?

    Ce name-dropping justifie à lui seul tout le personnage, qui est toujours à côté de la plaque. Tout ce qu’il lit, voit ou écoute, lui sert de carburant. Dans chacune des situations évoquées, il y a soit un poème qu’il a écrit, soit une référence culturelle qui vient illustrer ce qu’il ressent. Il y a presque une forme d’autisme Asperger dans sa démarche. C’est comme une solution aux problèmes. Il se protège ainsi.

     

    Nous évoquions précédemment les poèmes qui jalonnent le récit, comme s’il s’agissait de chansons. Vous mettez également en avant de nombreuses musiques, pour illustrer certaines situations, avec les références exactes, comme pour inviter les lecteurs à aller aussi écouter les morceaux en question. Est-ce que vous tentez là un concept qui serait le roman-comédie musicale ?

    Pourquoi pas ? Plus qu’un ton littéraire, je pense que le livre se rapproche davantage d’un scénario de film. C’est vrai que je ne laisse pas beaucoup de liberté d’imagination au lecteur. C’est peut-être un peu trop pré-mâché. Je ne sais pas, ça peut s’avérer frustrant, à la longue. En tout cas, on ne pourra pas venir me reprocher mon manque de détails. Mais il y a un ton, c’est sûr, emprunté à ces récits pour la télévision ou le cinéma, dans lesquels on casse le 4ème mur, à l’image par exemple de la mini-série « Flea Bag », où l’héroïne n’a de cesse que de s’adresser au spectateur, comme aux autres personnages de la fiction. A vrai dire, ça n’était pas voulu, puisque j’ai découvert cette série vraiment très récemment.

     

    Y a-t-il beaucoup de choses inventées dans ce récit, ou est-ce que tout est vrai, dans la chronologie présentée ?

    Tout est vrai, avec cependant quelques infimes libertés prises ici et là. J’ai inversé deux ou trois trucs, mais personne ne va venir me faire un quelconque procès là-dessus, ou alors ça pourrait signifier que des forces extra-terrestres me surveillent bel et bien depuis le début. Je vais commencer à flipper… Tous les personnages existent ou ont existé, et ce sont le plus souvent leurs vrais prénoms qui sont mentionnés, à deux ou trois exceptions près…  Mais « le chapitre caché » est quant à lui évidemment totalement inventé.

     

    Eu égard à la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, est-ce qu’écrire fait encore sens ? Hormis l’aspect cathartique, que peut-on encore attendre de l’exercice ?

    Pour celui qui écrit, il y a forcément une envie d’en découdre avec lui-même, un bras de fer avec son égo, afin de déterminer celui des deux qui est le plus apte à tenir la barque. Pour le lecteur et ce qu’il va entreprendre de lire, c’est une forme de voyeurisme. Personne n’est dupe et chacun va venir trouver ce qu’il veut y trouver… Entre l’exercice psychanalytique, le matériau journalistique qui tient lieu de marqueur de la société à l’instant t, ou juste des évènements croustillants qu’on a toujours envie de connaître, sans avoir à passer derrière le gros rideau rouge.

     

    Après avoir parlé de soi, a-t-on encore quelque chose à dire ?

    Oui, bien-sûr, tout le reste. Des tas d’histoires sur les autres, surtout. Une fois achevé cet exercice du « je est un autre », on est tranquille et on est enfin légitime, pour aller se défouler sur le reste du monde.

     

    Vous êtes également passionné de photo. Quel pont pourriez-vous justement construire entre la photographie et l’écriture ?

    Euh non, avant d’être passionné, je suis surtout photographe. Et ça n’est pas tout à fait pareil… En ce qui concerne mon approche de la photo, là encore, il y a des velléités de raconter des histoires, des récits. C’est la passerelle idéale tendue vers le cinéma, cette fois-ci. On tente par la photo de soumettre une émotion, de transmettre des sentiments et des réactions fortes. On peut dire que oui, je suis passionné de cinéma, parce que je vois beaucoup de films, que j’aime en parler, et à défaut d’essayer d’en faire, je cherche par d’autres moyens de faire exister cette passion. Mais la photo n’est en revanche pas une passion. Non, je fais de la photographie…

    C’est là toute mon ambition et pas seulement que l’on dise de mes photos : « Oh, c’est joli ! », comme si j’étais en train de m’amuser. Je trouve d’ailleurs cette expression inepte, et employée  dans ce contexte, cela renvoie à un travail assez vain. On résume votre boulot par un « Que c’est mignon, ce que tu fais ! ». Même si demain, je prenais des chatons dans un panier avec des rubans, je ferai en sorte que le résultat ne soit pas joli mais que ce soit beau, fort, puissant… Que mes chatons aient de la gueule et de la fierté. Les gens qui parlent de votre travail avec ce genre de vocabulaire ne vous veulent pas que du bien. Dire de quelqu’un ou de quelque chose que c’est joli, est en fait assez odieux.

     

    Dans « La Pudeur », vous êtes-vous censuré, ou interdit d’aborder certains sujets ?

    La saucisse. C’est un tabou chez moi… Euh… Sinon, je ne crois pas. J’ai oublié ou j’ai supprimé des choses, ou encore décidé de ne pas faire référence à certaines périodes, parce que le livre aurait été trop long. J’ai dû faire des choix mais je ne me suis jamais interdit quoi que ce soit. Il y a tous les passages avec ma mère ou mon père que j’ai essayé de retranscrire le mieux possible, sans verser pour autant dans la pornographie ou la complaisance. J’ai tenté d’être le plus « pudique » possible, car le dernier chapitre rebat justement les cartes et remet tout à plat. C’était en partie mon excuse pour ne pas devoir les affronter vraiment.

    J’ai donc plutôt opté pour l’apport fantastique. Certes, on pourra toujours me reprocher d’avoir botté en touche. Je n’aime pas trop les scandales et les trucs un peu fétides. Je préfère me salir moi, avec distance, plutôt que de jouer les procureurs bon teint avec les autres et surtout avec ma famille. Sinon, il y a un vrai travail sur la mémoire et il se peut que des éléments soient passés à la trappe de manière inconsciente. J’ai épargné beaucoup de gens en leur donnant le beau rôle, alors qu’à mon sujet, il y a eu ce travail masochiste qui a consisté à ne rien laisser passer. Personne ne le sera jamais vraiment [rire de Fantômas]…

     

    Que pensez-vous de votre vie, jusqu’à aujourd’hui ? Certes, on ne se refait jamais vraiment, mais avec le recul, y a-t-il des choses que vous auriez faites autrement ?

    C’est le sujet du dernier chapitre, justement, le fameux chapitre caché… Cela traite des échecs et des possibilités de modifier le cours du temps. Une vie se traduit par des tas de chemins et des rencontres qui interviennent. Il y a sur terre depuis toujours deux sortes d’individus : ceux qui vont provoquer les rencontres et les autres qui attendent que la rencontre se produise de manière fortuite. J’ai tendance à plutôt me placer dans la seconde catégorie. Je suis réactif mais incapable de mettre en branle une situation. J’ai énormément foiré les choses jusqu’à présent, que ce soit avec les gens qui m’entourent ou les évènements. Dans le genre, je suis un cas d’école. A croire que je le fais exprès…

     

    Des regrets ? Des remords ?

    Mais c’est toute cette histoire que je raconte justement !

     

     

     

  • Edward Hopper, peintre des illusions perdues

     

     

    Dans « Nighthawks », le célèbre tableau peint par Edward Hopper en 1942, personne ne parle. Chacun y est isolé dans son monde. L’œuvre est une icône tellement forte qu’elle résonne de plus en plus, et est aujourd’hui très souvent utilisée ou détournée, que ce soit dans une pub pour des Lego, ou dans un clin d’œil à Star Wars…

     

    Chaque exposition de ce peintre est un événement… Car Edward Hopper est un mythe, mais surtout une belle énigme. Alors pourquoi une peinture si mélancolique ? Quels sont ses secrets ? Et pourquoi fascine-t-il autant les graphistes et le cinéma ?

    Hopper est né en 1882. Il va ainsi prendre de plein fouet la crise économique de 1929. Avec quelque douze millions de personnes plongées dans la misère et un taux de chômage de 24 %, c’est une période maudite de l’histoire américaine qui laissera des traces dans sa peinture. Très souvent, dans ses tableaux, on trouve des couleurs inquiétantes, une solitude troublante et une mélancolie qui mettent mal à l’aise. Les personnages semblent pris au piège dans les limites du tableau.

     

    « Les tableaux de Hopper sont les écrans de projection des fantasmes de ceux qui les regardent. » (Didier Ottinger, commissaire de l’exposition Hopper au Grand Palais en 2016)

     

    Les lectures des tableaux de Hopper peuvent être multiples. Parmi ceux-ci, le plus célèbre, « Nighthawks », où quelques personnages s’attardent dans un bar de nuit, dans une ambiance verdâtre. Une source possible d’inspiration de la scène est une nouvelle d’Ernest Hemingway, « Les Tueurs », écrite en 1927. Hopper est en effet un grand admirateur de l’écrivain qui, pour lui, représente la vraie littérature américaine, débarrassée de la narration à l’eau de rose.

    Autre piste, le « Café de Nuit » à Arles de Van Gogh, peint en 1888. Ou encore « La Ronde de Nuit » de RembrandtNighwatch » en anglais). En tout cas, « Nighthawks » peut être en lien avec la réalité directe de l’époque : il a été peint juste après Pearl Harbour, à un moment où les Américains sont en pleine psychose.

     

     

     

     

    A l’instar des photographies de Walker Evans, Edward Hopper ne peint pas des personnages, mais nous dépeint une époque, nous campe un décor et nous fait ressentir une ambiance, une atmosphère. Les plans sont larges, et contrastent étonnamment avec l’immobilisme et l’attente qui règnent dans ses tableaux. Comme si ces êtres qui les habitent, qui n’en sont qu’une composante parmi d’autres, espéraient en vain que quelque chose se passe.

     

    [arve url= »//embedftv-a.akamaihd.net/a2293533ba1d9cd3c8510a8de36fbc72″ align= »center » title= »Culte ! L’étrange Mr Hopper » description= »Edward Hopper, le peintre culte et mélancolique qui a tant inspiré les cinéastes » maxwidth= »900″ /]

     

     

    Hopper est le peintre des illusions perdues, et ses tableaux résonnent étrangement aujourd’hui, sur fond de crise économique latente, de repli sur soi, d’individualisme, de peur de l’avenir et de pandémie mondiale. « Nous vivons tous dans un tableau de Hopper… », tweetait ironiquement le biographe Michael Tisserand, confiné comme plus de trois milliards de ses congénères dans le monde en mars et avril 2020.

     

    [youtube id= »sWFewI_bfDA » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Témoin direct de l’évolution consumériste de l’Amérique, le peintre Edward Hopper s’opposera toute sa vie à cette fatalité. Les personnages de ses tableaux, passifs, seraient-ils des figures d’une protestation silencieuse ? Dans ses oeuvres, le temps est suspendu, mais beaucoup s’y dit…

     

    Célèbre pour ses personnages seuls et ses paysages urbains déserts, Edward Hopper aura su capter la solitude post-moderne, dans ce qu’elle a de plus inquiétant. En mars et avril 2020, ce qui semblait allégorique jusque là devint, littéralement, le portrait quotidien de trois milliards d’êtres humains confinés. Par un charmant anachronisme, nous tenons là l’artiste de l’ère du coronavirus.

    Pour preuve que « Nighthawks » dépeint une situation humaine et sociale qui semble être encore d’actualité, jamais aucun tableau n’aura inspiré autant d’adaptations ou de détournements. En voici un petit florilège, en commençant forcément par l’original…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Sarah Vaughan nous quittait il y a trente ans

     

     

    Surnommée « Sassy » ou encore « The Divine One », Sarah Vaughan s’éteignait il y a trente ans, le 3 avril 1990, en Californie. Elle est considérée, avec Ella Fitzgerald, Nina Simone et Billie Holiday, comme l’une des quatre plus grandes chanteuses de jazz de tous les temps. 

     

    Âgée de 18 ans, Sarah Vaughan remporte en octobre 1942 un radio-crochet à l’Apollo Theater d’Harlem. Elle y interprétait ce titre écrit en 1930, « Body And Soul », devenu un standard de jazz, avec des centaines de versions enregistrées par des dizaines d’artistes, en particulier Ella Fitzgerald, Billie Holiday et Frank Sinatra. En avril 1943, elle rejoint l’orchestre du pianiste Earl Hines, comme second pianiste et chanteuse, et travaille ensuite avec le trompettiste et chef d’orchestre Billy Eckstine. C’est en 1945 qu’elle débute sa carrière personnelle, et quelle carrière !

     

    [youtube id= »J70YC7qurRM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    En 1949, Sarah Vaughan signe un contrat avec Columbia. Un an plus tard, elle chante à New York avec Miles Davis. En 1954, elle enregistre une version de « Lullaby of Birdland » avec le sextet de Clifford Brown. Puissante et douce, romantique et ironique, avec sa voix de baryton ou de soprano, passant avec aisance du scat aux ballades, interprétant des standards ou des chansons populaires commerciales… tout comme Ella Fitzgerald, Nina Simone ou Billie Holiday, Sarah Vaughan savait tout chanter.

    En 1989, un an avant sa mort, elle enregistre pour la dernière fois. Ce sera pour l’album « Back On The Block » de Quincy Jones, sur lequel Sarah Vaughan scat en duo avec… Ella Fitzgerald. En 1974, Sarah Vaughan se produisait à Bruxelles dans la salle Marni. Un concert à découvrir dans son intégralité ici.

     

    [youtube id= »-lqQjg2dduQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Photo à la Une : Sarah Vaughan, possibly at Cafe Society, NYC, ca. August 1946. Photography by William P. Gottlieb. Gottlieb took several photographs of Vaughan around the same time. © Domaine public.

     

     

     

  • Les Mystères de l’Ouest, délicieusement décalés

     

     

    Quatre saisons diffusées aux Etats-Unis de 1965 à 1969 sur le réseau CBS et à partir de 1967 en France, dont la première en noir et blanc, soit 104 épisodes au total, font des « Mystères de l’Ouest » probablement l’une des séries les plus originales des années 60-70.

     

    « Les Mystères de l’Ouest », étonnant mélange de western, de science-fiction et de fantastique, saupoudré d’une bonne dose d’humour et de dérision, nous racontent les aventures trépidantes de James West et Artemus Gordon, deux agents très secrets au service du président Ulysses S. Grant, dans les années 1870. Pour les besoins de leur mission, les deux compères vivent et se déplacent à travers l’Ouest américain à bord d’un train luxueux.

    West et Gordon, deux hommes prêts à tout pour faire respecter la loi et déjouer les plans nécessairement infâmes d’ennemis de l’ombre, parmi lesquels le célèbre docteur Miguelito Loveless, homme de petite taille mais grand esprit malfaisant ; un génie du crime capable de créer d’improbables machines meurtrières pour ourdir de terribles complots contre les Etats-Unis d’Amérique.

    Le personnage du Dr Loveless, qui apparaît dans dix épisodes des « Mystères de l’Ouest » entre 1965 et 1968, certains parmi les meilleurs de toute la série, est incarné par le génial Michael Dunn. Génial n’est pas un vain mot, tant l’acteur était doté d’un quotient intellectuel hors du commun (178, soit 18 points de plus qu’Albert Einstein). Il commence en effet à lire tout seul à l’âge de trois ans, gagne peu de temps après plusieurs concours d’orthographe nationaux. Très doué pour le piano et doté d’un beau brin de voix, il se lance dans une carrière de pianiste de jazz, mais il rêve de faire carrière au cinéma. Michael Dunn est hélas atteint de nanisme et souffre de malformations osseuses qui rendent ses déplacements difficiles.

    Malgré son handicap, il pratique néanmoins divers sports – comme la natation et le patinage – et exerce de nombreux métiers, dont celui de détective dans un hôtel, avant de débuter sa carrière au cinéma et à la télé à l’âge de 28 ans. Il jouera dans plusieurs films, surtout d’horreur, et sera nommé pour l’Oscar du meilleur acteur de second rôle dans « La Nef des Fous » en 1966.

    Mais le rôle qui le rend célèbre est définitivement celui du savant fou des « Mystères de l’Ouest ». Véritable génie du mal, Loveless est cependant un méchant des plus sympathiques, grâce à sa verve, sa bonne humeur et les numéros de chant et de musique dont il nous gratifie à chacune de ses apparitions. Déguisé en Robin des Bois, Shérif d’une petite ville emprisonnée dans un tableau dans lequel il a piégé les autres personnages, Michael Dunn écrase de sa petite taille ses partenaires, par sa présence et son jeu d’acteur. Il chante, joue du piano et danse, cabotinant sans cesse pour notre plus grand plaisir…

    Les épisodes des « Mystères de l’Ouest » se caractérisent par un schéma immuable. Nos deux héros sont confortablement installés dans leur train luxueux. Ils se voient confier une mission et se rendent sur les lieux soit en train soit à cheval. Un groupe de malfrats dirigé par un grand méchant – souvent fou et qui rêve de diriger le monde, à l’instar de la série des James Bond – commet des exactions.

    Jim se fait ensuite capturer, souvent après avoir cédé aux charmes d’une femme perfide. Artie, qui pratique à merveille l’art du déguisement et qui utilise des gadgets sophistiqués, vient à son secours. Nos deux amis parviennent à s’échapper, grâce à l’ingéniosité d’Artie (Ross Martin) et aux talents physiques de Jim (Robert Conrad), et finissent par mettre hors d’état de nuire les méchants.

    Les moyens de la série, malgré des costumes raffinés et des décors luxueux, se révèlent assez limités. Les malfrats sont toujours incarnés par le même groupe de cascadeurs, que l’on reconnaît très vite au fil des épisodes. Nos héros arrivent toujours dans la même demeure, dont le hall et l’escalier nous sont rapidement familiers. La balustrade de la galerie à l’étage est invariablement brisée, suite à la chute du bandit avec lequel Jim se bat…

    Tout le monde se souvient ainsi du jour où la série débarqua en France en 1967, pour ensuite compter à partir de 1973 parmi les programmes phares de l’émission « La Une Est à Vous », produite par Guy Lux et présentée par le regretté Bernard Golay. Les téléspectateurs tombèrent vite sous le charme des aventures rocambolesques, anachroniques et uniques en leur genre, dans la production télévisuelle de l’époque.

     

    [youtube id= »EqyO_9Co_NQ » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Impossible d’oublier ce générique animé, où l’on voyait un cow-boy entrer dans un bar, terrasser un ennemi invisible d’un coup de revolver avant d’assommer d’un uppercut une jeune femme qui s’apprêtait à poignarder notre beau héros. Oui, le politiquement correct n’était pas encore passé par là. Les histoires faisaient trembler et rien que les titres nous promettaient quelques délicieux frissons ; « La nuit du lit qui tue », « La nuit du détonateur humain », « La nuit des barreaux de l’enfer », « La nuit de la machine infernale » ou encore « La nuit de l’engin mystérieux »… Autant de nuits restées depuis gravées dans nos mémoires.

    Tout cela faisait trépigner les enfants que nous étions, et d’autant plus que tout se finissait bien… Nos deux comparses remontaient ensemble dans le train qui leur servait de quartier général et repartaient sillonner l’Amérique, vers de nouvelles missions tout aussi périlleuses. C’était il y a bien longtemps, mais la série mérite toujours autant d’être redécouverte, même s’il n’est plus question de la regarder avec la naïveté d’autrefois.

    Car l’originalité de la série réside également dans son double niveau de lecture. Première série délibérément gay de l’histoire de la télévision, sous l’influence de son producteur Michael Garrison qui, contrairement aux moeurs de l’époque, affichait ouvertement son homosexualité, « Les Mystères de l’Ouest » assume ainsi un côté parodique et échevelé, avec une volonté évidente de liberté et d’autodérision, à commencer par son titre original, « Wild Wild West ».

    Il est fort probable que cette caractéristique ait pu échapper à l’époque aux jeunes téléspectateurs  que nous étions, mais c’est définitivement ce qui a désigné « Les Mystères de l’Ouest » comme « la grande série classique la plus mal comprise de l’histoire de la télévision », ainsi que le mentionnent Martin Wincker et Christophe Petit dans leur « Guide Totem des Séries Télé ».

    Et effectivement, en y regardant de plus près, on remarquera d’abord les costumes très ajustés de nos deux héros, notamment celui de Robert Conrad, alors qu’aucune autre série western classique ne moulera autant le corps de ses acteurs. Et puis quelques plans rapides, quasi subliminaux, nous offrent un gros plan sur les fesses de Jim, là aussi impensable dans une série diffusée à l’époque, de surcroît destinée au grand public…

    Dans la plupart des épisodes, Jim est capturé et exposé, parfois même écartelé, pantalon ultra-moulant et torse nu, dans des positions à la limite d’une revue SM… Tandis qu’Artemus Gordon se travestit régulièrement en femme, haussant le timbre de sa voix et semblant prendre un plaisir immodéré à cet exercice de travestissement en talons hauts. Et ça ne semble pas être que pour les besoins de sa mission… Artemus Gordon, premier drag queen de la télé ? Ça pourrait faire sens…

    James ne tombe jamais amoureux, même s’il semble se laisser parfois séduire. Des femmes sont souvent invitées à bord du train, à la fin des épisodes, mais elles ont plutôt « un rôle décoratif » et sont probablement débarquées à la station suivante, laissant nos deux héros savourer leur intimité retrouvée… Deux hommes vivant dans un train, symbole ô combien équivoque, qui ne laisse guère de doute quant à leur orientation sexuelle.

    L’esthétique sado-masochiste, qui nous aura probablement échappé à l’époque, semble encore davantage s’affirmer dans les épisodes où apparaît le Dr Loveless, jaloux du corps d’athlète de James West. Pour s’en convaincre, un court extrait du dialogue final de l’épisode « La nuit du printemps meurtrier » (Saison 01, Episode 27). Nos deux amis regardent d’un air triste le lac dans lequel Miguelito vient de se noyer – du moins le croient-ils – et ça donne :

    Artemus : « Tu ne veux pas le croire mais c’est ainsi, il est mort. »
    James     : « Tu as peut-être raison. La haine est un lien aussi fort que l’amour. »
    Artemus : « Que veux-tu dire ? »
    James     : « Il va me manquer. »

     

    Alors, avec « Les Mystères de l’Ouest », aurions-nous affaire à la toute première série crypto-gay de l’histoire ? Pourquoi pas, sachant que son créateur Michael Garrison était un homosexuel affirmé et assumé ; une transgression audacieuse et plutôt légère pour l’époque, qui nous invite à la regarder désormais d’un œil moins naïf et plus coquin. Honni soit qui mal y pense…

    En tout cas, « Les Mystères de l’Ouest » reste encore aujourd’hui la série western la plus originale de l’histoire de la télévision. Mécomprise, elle mérite d’être redécouverte pour en saisir toute l’ironie, l’inventivité et ce décalage délicieusement absurde qui lui permet finalement de ne pas trop prendre de rides et de fêter cette année son 55ème anniversaire. Allez, pour finir, découvrons (ou redécouvrons) l’épisode 01 / Saison 01 datant de 1965.

     

    [youtube id= »6IxU_7K9RZc » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

     

  • « Pull My Daisy », le film culte de la Beat Generation

     

     

    « Pull My Daisy » est le premier film réalisé en 1959 par le photographe et cinéaste Robert Frank, en collaboration avec le peintre Alfred Leslie. Le scénario, inspiré d’une soirée chez les Cassady, est un fragment d’une pièce inachevée de Jack Kerouac.

     

    Tourné en 1959, « Pull My Daisy », le film culte de la Beat Generation, réunit la fine fleur littéraire, photographique, picturale et musicale de la contre-culture américaine : les poètes Allen Ginsberg, Gregory Corso et Peter Orlovsky ; les peintres Alfred Leslie, Larry Rivers, Alice Neal ; la comédienne française, alors débutante, Delphine Seyrig ; le marchand d’art David Bellamy, jouant le rôle d’un évêque ; la danseuse Sally Gross ; le musicien David Amram et le photographe Robert Frank… Puis Jack Kerouac, auteur de la trame du film et du commentaire qu’il improvise sur des images déjà montées ; voix-off intense et poétique, que le « Jazz Poet », comme il se définit lui-même, scande de sa voix si profonde et mélodieuse.

    En dépit de sa réputation de totale improvisation, on sait que dans les faits, « Pull My Daisy » fut conçu et orchestré assez précisément par ses deux réalisateurs, Alfred Leslie et Robert Frank. On peut néanmoins se demander comment ils sont parvenus à diriger cette bande de joyeux drilles… David Amram se souviendra d’ailleurs que Robert Frank et Alfred Leslie tentaient tant bien que mal d’aborder le projet avec sérieux, tandis que les autres protagonistes n’avaient de cesse que de les perturber ou de couvrir les indications de jeu par leurs rires… Mais c’est peut-être en cela que réside la spontanéité évidente du film.

    Evocation d’une soirée passée chez l’icône de la Beat Generation Neal Cassady, qui inspira à Kerouac le personnage de Dean Moriarty dans son livre « Sur la Route », et sa femme, la peintre Carolyn Robinson, le film raconte l’histoire d’un « serre-frein » dont l’épouse invite un évêque respecté à dîner. Cependant, les amis bohémiens du cheminot, également présents à la soirée, font joyeusement capoter la fête. Il en résulte quelques effets comiques aussi improvisés qu’inattendus. A noter aussi la présence au générique du propre fils de Robert Frank, Pablo Frank.

    Le photographe John Cohen fut le témoin privilégié de ces journées entières passées à « cueillir la marguerite », et ses clichés pris sur le vif rayonnent d’une incontestable joie communicative.

    Pour retrouver la traduction inédite du génial commentaire improvisé par Kerouac pour les besoins du film, vous pourrez vous référer à l’ouvrage éponyme « Pull My Daisy » publié aux Editions Macula, complétée par une introduction de Patrice Rollet, professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, ainsi que par un texte de présentation de « Pull My Daisy », suivi de deux entretiens avec les réalisateurs Alfred Leslie et Robert Frank, menés par Jack Sargeant, auteur d’études de référence sur l’histoire des contre-cultures américaines.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/92403607″ align= »center » title= »Robert Frank : « Pull My Daisy » (1959) » description= »Robert Frank » maxwidth= »900″ /]

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Pull My Daisy » (Editions Macula) 

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] « Pull My Daisy » (Article publié sur monoquini.net)

     

     

     

  • Hubert Touzot : « La Pudeur » (Episode 2)

     

     

    PARTIE I

     « Niort, Niort… Niort, deux minutes d’arrêt, Niort ! »

     

     

    CHAPITRE III

     

    Père Noël, le monstre et l’enfant dodu.

    Je fus un petit garçon a priori normal jusqu’à environ neuf ans, avant qu’une sombre histoire de glande, d’hormone de croissance ou de métabolisme grippé, ne me transforme peu à peu en gloumoute… Ces mêmes gloumoutes qui ont d’ailleurs longtemps hanté mes nuits d’enfant. Cet effroyable état, entre onirisme et réalité, lorsque vous ne savez plus très bien ce qui relève de la vraie vie ou du cauchemar.

    Je me souviens de l’un de ces mauvais rêves récurrents, dans lequel je regarde la télé avec mes parents. Tout est plongé dans l’obscurité et seule la lueur du poste de télévision permet de discerner ce qui nous entoure. Je suis assis à même le sol, en chien de fusil, un peu en retrait, tandis que mon père et ma mère sont sur le canapé. Une partie de mon corps se trouve dans ce salon, lorsque l’autre, en l’occurence ma tête, avance dans un long couloir baignant dans un noir absolu. Et je peux ainsi contempler toute cette partie vouée aux ténèbres.

    Petit à petit, mes yeux s’habituent à cette quasi-nuit, lorsque je commence à deviner une forme au fond du couloir. Sans en être vraiment certain, je crois distinguer le mouvement lent de deux bras qui partent chacun de leur côté. Deux bras immenses qui semblent avancer vers moi, avec en leur milieu un corps à la forme étrange. A présent, j’en suis sûr, il s’agit bel et bien d’une créature couverte de fourrure, mesurant au moins deux mètres, flanquée de deux grands yeux jaunes en amande.

    Le monstre ne montre pas pour autant d’hostilité à mon égard… Je tente d’alerter mes parents sur ce que je suis en train de voir, sans qu’aucun son ne parvienne à sortir de ma bouche. J’articule pourtant des mots mais il n’en résulte qu’un mince filet d’air. Je finis par me lever et comme hypnotisé, je m’enfonce plus encore dans ce couloir. J’avance vers cet être qui m’appelle et je disparais finalement, sans que mes parents ne remarquent mon absence. Plus je me rapproche et plus je suis terrorisé par ce que je vois, même si, dans le même temps, un sentiment de douceur et de bien-être m’envahit.

    Arrivé au terme du parcours, le monstre m’enserre délicatement dans ses bras démesurés, qui semblent se déplier plus encore et qui grimpent le long de mon corps, comme du lierre. Je les sens autour de mes bras, de mon ventre et de mes jambes. Ce qui pourrait être une main me caresse le visage. Je distingue désormais, hormis ses immenses yeux flamboyants dépourvus de pupille, une large bouche ouverte, munie de dents toutes plus longues les unes que les autres. C’est un sourire… Nous restons ainsi enlacés et de cette étreinte chaude et réconfortante, j’en perçois un bien être familier.

     

    Un autre évènement qui marqua mes premières années d’enfant fut la prise de conscience que le Père Noël n’existait pas. Chaque année, il y avait ce rituel, une ou deux semaines avant la date fatidique, lorsqu’avec ma mère, nous décorions le beau sapin, roi des forêts. Je me souviens de ces boules recouvertes de fibres de tissus, dont certaines plus élimées que d’autres me ravissaient néanmoins. Je n’aurais jamais voulu en changer, tellement je m’étais habitué à elles depuis ma naissance. Tout ce cérémonial avec ma mère devait ainsi rester immuable et durer jusqu’à la nuit des temps. Ces associations de couleurs, entre violet, rouge et bleu turquoise, que j’aimais manipuler entre mes petits doigts, me prodiguaient un plaisir extatique.

    Même usées, cabossées ou fêlées, j’accrochais ces précieux joyaux à l’extrémité des branches, avec recueillement et un soin extrême. Il y avait aussi ces petits lutins faits de fil de fer et recouverts de tissu, que l’on pouvait tordre dans tous les sens. Des bonhommes de neige avec leur chapeau claque et leur petite carotte à la place du nez. La grande étoile argentée, agrémentée d’une fée et d’une clochette, était la dernière à être installée au sommet du conifère. C’était pour moi le meilleur moment de l’année et les meilleurs souvenirs de mon existence de petit enfant. J’aurais tant souhaité que toute ma vie soit à l’image de cette journée et qu’elle fût sans fin…

    Un jour, mon frère de cinq ans mon ainé, fonça droit sur moi. Je croyais qu’il allait me frapper. Il me frappait souvent… Il m’annonça froidement, non sans arborer un grand sourire, que le Père Noël n’existait pas. Que ça n’était qu’une fable entretenue par les parents et les adultes en général. Ils achetaient eux-mêmes les jouets dans les magasins, qu’ils disposaient en cachette sous le sapin, le moment venu, pendant que leurs rejetons dormaient.

    Mon frère n’en était pas à sa première vilénie. Il m’avait également asséné que mes géniteurs n’étaient pas mes vrais parents et que j’aurais été trouvé par hasard dans une poubelle. Ces derniers m’avaient adopté parce qu’ils avaient eu pitié. En réaction à cette nouvelle, j’avais beaucoup pleuré et ma mère avait dû me jurer que j’étais bien son fils biologique.

     

    Lorsque j’appris donc que le Père Noël n’existait pas, ma première réaction ne fut pas de pleurer, mais plutôt de réfléchir posément à cette nouvelle tout en attendant le retour de ma mère à la maison. Je souhaitais obtenir des explications rationnelles. Mon frère, outre le fait qu’il aimait souvent me molester, prenait beaucoup de plaisir à essayer de me faire sortir de mes gonds, en employant tout un arsenal de tortures psychologiques. Mais je ne marchais plus à ses petits jeux cruels. Surtout lorsqu’il me sortait ce genre de bobards gros comme une maison.

    Le Père Noël qui n’existe pas… Mais n’importe quoi ! Et puis quoi encore ! Et pourquoi pas prétendre que Goldorak ne serait qu’un personnage fictif de dessin animé ?! Oui, cette fois-ci, mon frère alla beaucoup trop loin… Ma mère, prise de court et n’ayant pas eu le temps de réfléchir à une quelconque parade afin de me rassurer, m’avoua finalement la vérité. Je me souviens aussi qu’elle disputa mon frère et le punit pour avoir vendu la mèche. Bien fait ! Ça allait au moins lui ôter ce sourire insupportable pendant quelques temps.

    A cette époque, les enfants n’avaient pas encore ce lien quasi-organique avec les écrans en tous genres et les innombrables informations qui peuvent aujourd’hui y circuler librement et impunément. Car de nos jours, dès l’âge de quatre ans, le garçonnet ou la fillette peuvent déjà potentiellement être confrontés à des images à caractère pornographique. Alors, pour ce qui est du type à barbe blanche qui se balade dans le ciel en traîneau, pensez donc !

    Mais en 1973, les enfants étaient encore crédules et affichaient une foi aveugle en tout ce qui pouvait paraître merveilleux ou sucré. J’essayais ainsi de me remettre tant bien que mal de cette bien consternante nouvelle. Sans être pour autant trop ébranlé et devoir remettre en cause toute mon existence de petit enfant, je m’empressais de demander à mes parents si l’on pouvait continuer de faire semblant de croire encore, pour recevoir tout de même les jouets que l’on avait commandés.

     

    C’est donc sous l’effet conjugué de ces divers chocs psychologiques que je devins très vite ce garçonnet joufflu qui portait de grosses lunettes immondes, comme cela se faisait communément à l’époque. Malgré mon physique de mini Père Dodu (ma mère m’appelait d’ailleurs « le Petit Bonhomme en Caoutchouc »), je me comportais un peu comme un ectoplasme. Je n’étais presque jamais concentré, présent mentalement et encore moins connecté au monde qui m’entourait. Il était difficile d’attirer mon attention, car le plus souvent, je me téléportais dans une dimension parallèle.

    Depuis ma naissance, je vivais encore, tout du moins en partie, dans une poche remplie de liquide amniotique, me préservant de la dureté du monde et privilégiant ainsi des rapports fusionnels, exclusifs et sans aucun doute morbides avec ma génitrice. Chaque réveil était perçu comme un nouvel accouchement. Chaque séparation avec ma mère, comme lorsqu’elle m’amenait à l’école, était vécue comme un déchirement, une détresse insondable, l’angoisse absolue de ne plus jamais la revoir ; la terreur pure d’être abandonné.

    Je suis né inquiet, anxieux, flippé. Sans doute un truc que ma mère m’a refilé lorsqu’elle était encore enceinte. Vous naissez et vous ne savez toujours rien du monde où vous mettez les pieds. Et pourtant, vous collectionnez déjà pas mal de névroses…

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Hubert Touzot : « La Pudeur » (Episode 01)

     

     

     

  • L8zon, le crayon comme porte-voix

     

     

    Chez L8zon, la passion du dessin s’enracine dans l’enfance. Le crayon comme porte-voix, tel un étendard qui, couplé à son addiction à la musique punk rock, lui servira à exprimer pleinement sa révolte intérieure contre une société qui ne lui convient pas.

     

    Autodidacte, Stéphane Leroy aka « L8zon » utilise le crayon et le pastel pour mieux explorer d’autres continents, ceux de paysages hyperréalistes puis surréalistes. Autant d’univers qui restent à inventer… Mais cette technique, trop limitée à son goût, ne permet pas à l’artiste touche-à-tout de s’exprimer comme il l’entend : pleinement. Quant au format, trop réducteur, il ne lui suffit plus.

    L8zon a besoin d’air, d’espace, d’amplitude. Il se tourne alors vers la bombe aérosol et les pochoirs font leurs premières incursions dans ses oeuvres. La contrainte s’évapore tandis que l’art urbain devient sa marque de fabrique.

    Travailleur acharné, L8zon n’a de cesse que d’affiner sa technique, le grain de ses créations, afin d’obtenir cet hyperréalisme dont il rêve tant depuis des années. Les supports divers qu’il utilise, entre palette, carton, ardoise ou encore disque vinyle, lui offrent toute une gamme de moyens, dans le seul but de s’affranchir des règles établies.

    La liberté est désormais la muse qui guide ses mains, l’amenant jusque dans les collèges, afin de transmettre et faire naître, qui sait… Cette étincelle d’indépendance chez des élèves en quête de sens, gardant en mémoire cet élève qu’il fut aussi.

    Au cours de ces mois éprouvants que nous venons de traverser, comme d’autres street artists, L8zon s’est senti obligé d’évoquer l’actualité dans ses dernières oeuvres, d’abord pour y transmettre un message, mais aussi afin de participer à l’effort de soutien aux personnels soignants des Ardennes, dans cette région qu’il aime tant.

    A découvrir…

     

     

     

     

     

     

     

    © Toutes les photos utilisées dans l’article sont publiées avec l’aimable autorisation de L8zon

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L8zon Twitter

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L8zon Instagram

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] L8zon Facebook

     

     

     

  • Nina Simone : « Vous êtes seuls mais je désire être avec vous »

     

     

    Nina Simone avait le talent pour être pianiste concertiste, elle est devenue la grande prêtresse de la soul. Elle ne chantait pas, elle accouchait, d’un chant, d’une parole. 

     

    Eunice Kathleen Waymon naît le 21 février 1933 à Tryon en Caroline du Nord. Les lois ségrégationnistes et racistes Jim Crow y sévissent encore. Petite-fille d’esclaves, Eunice a un don. Dès l’âge de trois ans, elle fait ses premières gammes au piano. A cinq ans, elle devient la pianiste attitrée de l’église de sa communauté où officie sa mère comme pasteur méthodiste. Si elle a bien du talent, il lui faut tout de même des cours professionnels. Ceux-ci seront finalement payés par la patronne de sa mère, qui l’emploie comme femme de ménage.

    Le rêve d’Eunice se dessine alors : devenir la première concertiste noire des Etats-Unis. A 10 ans, tandis qu’elle donne son premier concert de piano, elle est rattrapée par la terrible réalité du racisme. Ses parents, installés au premier rang pour écouter leur fille, sont déplacés au fond de la salle pour laisser leurs places à des blancs. Mais la fillette refuse de jouer tant que ses parents ne pourront pas regagner leurs places.

     

    « Le racisme est devenu pour moi réalité, comme si on avait allumé la lumière. » (Nina Simone, « I Put a Spell On You : The Autobiography of Nina Simone »)

     

    A 17 ans, bien décidée à accomplir son rêve, la virtuose postule au Curtis Institute of Music, le prestigieux conservatoire de Philadelphie. Persuadée d’avoir réussi son audition, elle échoue finalement au concours d’entrée.

     

    « Ils ne m’ont pas donné l’opportunité de commencer mes études de piano classique. Je fus refoulée simplement parce que j’étais noire. » (Nina Simone, archive Ina, octobre 1991)

     

    La jeune femme quitte Philadelphie pour Atlantic City, où elle devient chanteuse dans un club de jazz. Pour ne pas qu’on la reconnaisse, Eunice se choisit un nom de scène : « Nina » pour « petite fille » en Espagnol et « Simone », en référence à l’actrice française Simone Signoret. Dans son répertoire, elle reprend « I Loves You Porgy » de George Gershwin. Eunice, devenue désormais Nina Simone, refuse d’ailleurs de prononcer le « s » de « loves » et de respecter scrupuleusement la faute de grammaire que le compositeur faisait commettre à son personnage de Bess, une femme noire des quartiers pauvres. Premier signe constitutif de son engagement futur et premier succès…

     

    [youtube id= »lnpbI23sG3U » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Le titre paraîtra en face A du single « I Loves You Porgy », extrait de son premier album studio « Little Girl Blue » sorti sur Bethlehem Records en 1959. Cette reprise sera d’ailleurs le plus gros succès du label. Sur l’album figure également la chanson « My Baby Just Cares For Me » qui deviendra un énorme hit dans les années 80, illustrée par un clip vidéo animé matraqué durant des mois par la chaîne musicale américaine MTV, tandis que Nina Simone ne touchera en tout et pour tout que 3000 dollars pour l’enregistrement de cet album…

     

    [youtube id= »eYSbUOoq4Vg » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    En 1963, elle devient la première femme noire à se produire au mythique Carnegie Hall, à New York. La même année, Martin Luther King prononce son non moins mythique discours, « I have a dream ». Devenue riche et célèbre, Nina Simone décide de s’engager dans la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains. Sa musique devient ainsi son arme et l’artiste enregistre des hymnes politiques passés à la postérité, tels que « Mississippi Goddam ». Le titre fait référence à l’attentat à la bombe de Birmingham perpétré par des membres du Klux Klux Klan, qui provoquera la mort de quatre fillettes noires.

     

    [youtube id= »LJ25-U3jNWM » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    Mais ses prises de position dérangent… Et Nina Simone subit alors un redoutable boycott médiatique. Les cartons de 45T sont renvoyés à l’expéditeur par les radios, et les vinyles sont systématiquement cassés… Les années 70 marquent le déclin de la carrière de la chanteuse et son mariage toxique avec son manager Andy Stroud. Un mari violent qu’elle finira par quitter, tout comme les Etats-Unis, en partant avec sa fille Lisa, d’abord en Afrique, puis en Europe. Après une escale en Suisse, c’est finalement à Paris que la diva, seule et ruinée, pose ses valises.

     

    [youtube id= »9rJ_sgv645o » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    La chanteuse signe un contrat avec une petite salle de concert parisienne, où elle se produit devant un public clairsemé. La voix de la diva de la soul s’éteindra pour toujours le 21 avril 2003, à Carry-le-Rouet, dans le Sud de la France. Comme Nina Simone en avait exprimé le souhait, ses cendres seront dispersées dans plusieurs pays africains. Sa voix, quant à elle, bouleverse toujours autant et continue de résonner dans le monde entier.

     

    [youtube id= »_YYEeOf9mDs » align= »center » mode= »normal » maxwidth= »900px »]

     

     

    « Vous êtes seuls, mais je désire être avec vous » off Nina Simone’s rediscovered album « Fodder On My Wings » : c’est ici

    © 2020 The Nina Simone Charitable Trust, under exclusive license to UMG Recordings, Inc.

     

     

     

  • Florent Touchot et sa petite musique

     

     

    Artiste plasticien et photographe, Florent Touchot travaille le papier, la matière brute et urbaine, mais aussi le plexiglass qu’il utilise comme support photographique. Ses pièces sont exposées en France, en Chine, aux Etats-Unis, en Angleterre ou encore en Allemagne.

     

    Florent Touchot trouve son inspiration dans la diversité et le mouvement incessant de la vie urbaine. Ses sujets de prédilection : les perspectives du métro aérien parisien, les gares, l’architecture française, les rues de Paris, Marseille et New York, mais aussi les icônes pop. Ses créations sont influencées par la culture urbaine et populaire, entre tradition et modernité.

    Sa technique de création est mixte, entre collage, marouflage, photographie et acrylique sur toile. Florent Touchot utilise comme base des morceaux d’affiches récupérés dans le métro parisien, les brocantes ou directement sur les murs de Marseille et Paris, au gré de ses déambulations.

    Son travail consiste ensuite à superposer ces compositions de collage avec des tirages photographiques sur plexiglass. Son approche novatrice allie le « désordre » des morceaux de lacérations urbaines extraits de leur « milieu naturel » à la rigueur de la composition de l’image photographique.

    L’univers de Florent Touchot est dynamique et coloré. En arrachant les couches de papier au fil de ses pérégrinations urbaines, il dévoile des histoires, ses histoires… On entre dans le coeur même de l’œuvre, par un jeu de reflet et de transparence. La profondeur des superpositions, entre publicités froissées, grattées, déchirées, sculptées afin de leur donner un relief, une dynamique visuellement cohérente et les impressions photographiques, se trouve accentuée par le noir sur des plaques de plexiglass.

    C’est alors qu’apparaissent des jeux d’optique, d’ombre et de lumière sur les murs de la ville, qui mettent à l’épreuve notre propre ressenti comme nos souvenirs les plus enfouis. On y retrouve des sensations, des images, des couleurs, des typographies, des mots et des souvenirs familiers, mis en scène et partagés par l’artiste. Les toiles de Florent Touchot parlent à chacun de nous et nous offrent une vision chaotique dans laquelle l’ordre se fait finalement au gré de notre mémoire personnelle et intime.

    Nous ne pouvions pas évoquer le travail de Florent Touchot sans préciser qu’aujourd’hui, les expositions sont annulées, les salons repoussés et les ateliers fermés. Il ne reste donc que le web pour offrir de la visibilité aux artistes. La situation que nous connaissons depuis deux mois est inédite. Alors saisissons cette occasion unique de nous arrêter un moment, de prendre un peu de recul et de repenser à ce qui constitue les fondamentaux de notre vie, entre famille, nourriture du corps comme de l’âme…

    Certes, une oeuvre d’art, quelle qu’elle soit, n’a jamais changé le monde, mais elle participe à notre équilibre intérieur. Eh oui, évidemment, lorsque les temps sont durs et que nous ne sommes pas le patron de LVMH, nous pouvons être réticents à nous offrir une oeuvre qui nous murmure à l’oreille, à chaque fois que nous la voyons, mais ça ne nous empêche pas de donner tout l’écho possible à l’artiste qui l’a créée.

    Jusqu’au moment où, dans des jours meilleurs, nous ne sommes (évidemment…) toujours pas le patron de LVMH, mais nous décidons néanmoins de nous lancer, car nous avons besoin des artistes, ceux qui nous susurrent leur petite musique à l’oreille, comme ils ont besoin de nous, dans des périodes troubles comme celle que nous connaissons aujourd’hui… Après tout, une oeuvre nous est probablement plus essentielle que vingt jeans estampillés « Made in Bangladesh » à 135 euros pièce chez G Star, vous ne pensez pas ?

     

    « Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité artistique. » (Romain Gary)

     

     

    « Orchestration » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (100 x 100 cm)

     

    « Lacérations Parisiennes » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (100 x 100 cm)

     

    « Ciel de Traîne » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (100 x 100 cm)

     

    « Brut » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 89 cm)

     

    « Matts Grill » (Pièce unique, 2020) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 97 cm)

     

    « Smith’s Bar » (Pièce unique, 2017) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (65 x 92 cm)

     

    « Piccadilly Circus » (Pièce unique, 2020) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 89 cm)

     

    « Fifth Avenue » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (89 x 130 cm)

     

    « Au Revoir Paris » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (92 x 60 cm)

     

    « Départ en Vacances » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (130 x 81 cm)

     

    « London Eye » (Pièce unique, 2020) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (89 x 130 cm)

     

    « La Tamise » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (81 x 130 cm)

     

    « Un Pez » (Pièce unique, 2019) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (60 x 92 cm)

     

    « Coca » (Pièce unique, 2017) – Technique mixte sur toile, impression sur plexiglass (46 x 33 cm)

     

     

    [kleo_divider type= »full » double= »no » position= »center » text= »Pour aller plus loin » class= » » id= » »]

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Florent Touchot Facebook

    [kleo_icon icon= »link » icon_size= »large »] Florent Touchot Officiel

     

     

     

  • Romain Gary : La Promesse de l’Aube (1960)

     

     

    Le 29 avril 1960, il y a soixante ans, paraissait le chef d’oeuvre de Romain Gary : « La Promesse de l’Aube ». L’auteur aux deux prix Goncourt et aux multiples identités se donnait la mort vingt ans plus tard, en 1980.

     

    Ce récit coïncide sur bien des points avec ce que l’on sait de l’auteur des « Racines du Ciel », et Romain Gary s’est expliqué là-dessus : « Ce livre est d’inspiration autobiographique, mais ce n’est pas une autobiographie. Mon métier d’orfèvre, mon souci de l’art s’est à chaque instant glissé entre l’événement et son expression littéraire, entre la réalité et l’œuvre qui s’en réclamait. Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité artistique ».

    Le narrateur raconte son enfance en Russie, en Pologne puis à Nice, le luxe et la pauvreté qu’il a connus tour à tour, son dur apprentissage d’aviateur, ses aventures de guerre en France, en Angleterre, en Éthiopie, en Syrie, en Afrique Équatoriale… Mais il nous raconte surtout le grand amour que fut sa vie. Cette « promesse de l’aube » que l’auteur a choisie pour titre est une promesse dans les deux sens du mot : promesse que fait la vie au narrateur à travers une mère passionnée ; promesse qu’il fait tacitement à cette mère d’accomplir tout ce qu’elle attend de lui dans l’ordre de l’héroïsme et de la réalisation de lui-même.

    Le caractère de cette Russe chimérique, idéaliste, éprise de la France, mélange pittoresque de courage et d’étourderie, d’énergie indomptable et de légèreté, de sens des affaires et de crédulité, prend un relief extraordinaire. La suprême preuve d’amour qu’elle donne à son fils est à la hauteur de son cœur démesuré. Mais les enfants élevés par ces mères trop ferventes restent toujours, dit l’auteur, « frileux » de cœur et d’âme, et chargés d’une dette écrasante qu’ils se sentent incapables d’acquitter.

    Rarement la piété filiale s’est exprimée avec plus de tendresse, de sensibilité, et cependant avec plus de clairvoyance et d’humour. Et rarement un homme a lutté avec plus d’acharnement pour démontrer « l’honorabilité du monde », pour « tendre la main vers le voile qui obscurcissait l’univers et découvrir soudain un visage de sagesse et de pitié ».

    A redécouvrir d’urgence…

     

    Source : Gallimard

     

    Romain Gary : La Promesse de l'Aube