Auteur/autrice : Instant-Chris

  • Le D-Day par Robert Capa

     

     

    Le 6 juin 1944, à Omaha Beach, Robert Capa prend plus de 100 clichés au péril de sa vie. Une maladresse dans un laboratoire les détruira presque tous. Récit…

     

    A 6h30 du matin, quand les barges américaines acheminent les premiers soldats vers Omaha Beach au rythme des remous et des vomissements, un photojournaliste est présent. Un seul… Robert Capa. En effet, en dehors du futur cofondateur de l’agence Magnum, aucun autre photographe civil n’est assez fou pour débarquer avec les Boys, non seulement au Jour J, mais aussi à l’Heure H, dans la salve d’assaut inaugurale. De fait, le témoignage livré par Capa dans la grisaille du 6 juin 1944, entre les balles et les obus, est historique, unique, précieux.

    Ce témoignage photographique, personne ne l’a jamais vu dans son intégralité. Et personne ne le verra jamais… Sur les 106 clichés pris par Robert Capa ce jour-là à Omaha Beach, 95 n’ont jamais vu le jour, purement et simplement détruits. 11 seulement nous sont parvenus, dont celui, mythique, du « visage dans les vagues ». Récit d’un épisode parmi les plus rocambolesques de l’histoire de la photographie.

     

    « Si tes photos ne sont pas bonnes, c’est que tu n’es pas assez près. »

     

    Robert Capa va bien devoir s’appliquer son célèbre conseil à lui-même lorsqu’il choisit, à la veille du D-Day, de se joindre à la Compagnie E du 116ème régiment d’infanterie américaine. Destination : Easy Red, l’un des secteurs d’Omaha, plage surplombée par les blockhaus allemands. « Le correspondant de guerre a son sort – et sa vie – entre ses mains, il peut parier sur ce cheval-ci ou ce cheval-là, ou remettre sa mise dans sa poche à la dernière minute », déclare Capa dans ses mémoires. « Je suis un joueur. Je décidais de partir avec la Compagnie E dans la première vague ».

    La flotte alliée mouille à Weymouth, dans le sud de l’Angleterre. Dans la nuit du 5 au 6 juin, Capa et 300.000 Alliés traversent la Manche dans une opération logistique d’ampleur inédite. Atteint par la tension ambiante, le reporter écrit une dernière lettre à ses proches (il ne la postera jamais), joue au poker avec des soldats, néglige enfin son petit déj’ « pré-débarquement », composé de petits pains, d’œufs et de saucisses. Au ventre, rien d’autre que la peur…

    « Le soleil, ignorant que ce jour serait différent de tous les autres, s’est levé à l’heure habituelle », décrit Capa. Les vedettes sont alors mises à l’eau, avec à bord les premières centaines de soldats voués à participer à la boucherie. 15 kilomètres plus loin, à l’approche du mur de l’Atlantique érigé par les Allemands, une pluie de plomb les accueille en Normandie. Lorsque les barges de débarquement touchent le fond, les hommes sautent pour parcourir les 100 derniers mètres à pied. Robert Capa commence à mitrailler – non avec une arme, mais avec l’un de ses Contax.

     

     

     

     

    « Ma belle France était repoussante et horrible. […] Les hommes de mon bateau pataugeaient dans l’eau jusqu’à la taille, leurs fusils prêts à tirer, les poteaux jaillissaient de la mer et la plage fumait en arrière-plan – tout cela était parfait pour la photographie. » (Robert Capa)

     

    Cerné par les projectiles, et bientôt par les cadavres, Robert Capa trouve refuge derrière l’un des pieux d’acier de la défense nazie. Ainsi adossé, il photographie les combattants américains alourdis par leur équipement, qui tentent péniblement, parfois vainement, de maintenir la tête au-dessus de la surface de l’eau. Le soldat de première classe Huston « Hu » Riley est l’un d’eux. Ironie du sort : l’homme occupe dans sa compagnie le poste d’instructeur pour la natation. Seulement voilà, il vient de recevoir quatre balles à l’épaule.

     

     

     

    « Deux gars m’ont aidé à sortir de l’eau, un sergent et un photographe avec un appareil autour du cou. Ce devait être Robert Capa. Il n’y en avait pas d’autre. Je me souviens très bien m’être dit : mais que diable ce dingue de photographe fait-il ici ? » (Huston Riley, via « Slate »)

     

    Le Private First Class, ensuite pris en charge par un infirmier, est alors à mille lieues nautiques de soupçonner que son visage deviendra « The Face in the Surf » (« le visage dans les vagues »), l’icône du Débarquement, à l’aura d’autant plus légendaire qu’il faudra un demi-siècle pour déterminer son identité avec exactitude. En effet, un autre soldat, Edward Regan, a affirmé être le héros immortalisé par Capa, avant de se faire contredire par des vérifications approfondies.

    Pour l’heure, à Omaha Beach, Robert Capa continue d’employer toute son énergie à se maintenir en vie… Abandonnant finalement son pieu d’acier, le photoreporter s’abrite derrière un tank amphibie. L’opération Neptune lui rappelle un autre enfer, la guerre d’Espagne. « Es una cosa muy seria. Es una cosa muy seria » (« la situation est grave »), répète-t-il comme un mantra.

     

     

     

    D’après son récit, Capa abandonne ensuite son imperméable Burberry, qui pèse une tonne. Il rejoint la plage en se plaçant dans le sillage de deux militaires. Tente brièvement de creuser un trou avec une pelle. Tremble tellement qu’il n’arrive plus à changer de pellicule. Fait marche arrière, s’engouffre dans un bateau dans lequel un obus fait exploser les gilets de sauvetage. C’est à bord de cette barge, en fin de compte, que le photographe épuisé est ramené vers l’USS Chase. Il fait partie des 10 % qui ressortent indemnes de la première vague d’assaut sur Omaha la sanglante. Les 90 % restants sont blessés ou tués.

     

    « Les légendes expliquaient que les photos étaient floues parce que les mains de Capa tremblaient trop. »

     

    De retour dans le sud de l’Angleterre, le photojournaliste expédie sa production au bureau londonien du magazine « Life » : 4 rouleaux de 36 poses qui contiennent le plus grand moment de sa carrière. Faisant confiance à sa baraka, Robert Capa reprend le premier bateau militaire en partance pour la France, rejoint la tête de pont, où on le croyait mort, puis commence à couvrir la campagne de Normandie.

    Parallèlement, à Londres, ses négatifs atterrissent entre les mains d’un laborantin nommé Dennis Banks. Dans la précipitation, ou l’excitation, le jeune homme commet une erreur. Il ferme la porte du séchoir à films. Témoignage historique ou pas, la chaleur fait implacablement son effet sur les pellicules : elles fondent.

    Le directeur photo de « Life », John G. Morris, parvient à sauver en catastrophe 11 négatifs d’un des quatre rouleaux (il n’en reste aujourd’hui plus que 8). Les pertes s’élèvent à environ 90 %. Le même chiffre que les pertes de la première vague américaine à Omaha Beach ! Lorsqu’il est informé de la catastrophe, Capa se lamente : « Le peu qui reste imprimable n’est rien par rapport au matériel gâché ».

     

    FRANCE. Normandy. Omaha Beach. The first wave of American troops lands at dawn. June 6th, 1944.

     

     

    L’accident de laboratoire n’empêche pas « Life Magazine » de publier le 19 juin les images épargnées. Épargnées… mais défigurées. « Les légendes expliquaient que les photos étaient floues parce que les mains de Capa tremblaient trop », note placidement le photographe d’origine hongroise.

    Le rescapé du Débarquement n’a pas tout perdu. Outre les négatifs sauvés de la destruction, qui deviendront avec la postérité les « Magnificent Eleven » (« Les Onze Magnifiques »), Robert Capa se fait embaucher définitivement par « Life ». En compagnie du rédacteur Christian Wertenbaker, il suit la progression des Alliés en France, voit la Libération de Paris, « le plus beau jour du monde ».

    En 1947, Robert Capa prend la plume – il s’est toujours rêvé écrivain – et raconte sur un ton détaché ses aventures de reporter de guerre. Il choisit un titre symbolique : « Slightly Out of Focus », « Juste un peu flou »…

     

     

     

    Source : Cyril Bonnet pour le Nouvel Obs (06 juin 2014)

    Crédit Photos : Robert Capa / Magnum

     

     

     

  • Mémoires de Respect par Jérome Viger-Kohler

     

     

    J’ai parfois l’impression que ma vie de noctambule est derrière moi : j’ai trente-cinq ans, je suis papa.… Mais pour être honnête, il arrive encore que la nuit m’ouvre ses bras – et même “plus que jamais”. Il y a quinze jours, par exemple, nous étions à Ibiza avec un de mes frères d’armes de Respect. Et nous étions toujours les derniers couchés. Rassurant ? Inquiétant ? C’est selon…

     

    Reprenons. J’écris ici pour témoigner de mes dix ans de night clubbing avec « Respect », soirée que nous avons fondée, David Blot, Fred Agostini et moi-même, à l’âge de 25 ans. Soit en quelques clichés : la French Touch, la fin des années 90, les breakdancers sur la piste, la vie de DJs stars, les hôtels de luxe à Miami, la Playboy Mansion…… Tous ces Polaroïds qui sentent bon l’avant onze septembre, l’avant crise de l’industrie musicale, l’avant réchauffement climatique, l’avant néo-conservatisme, bref le revival d’insouciance discoïde qu’ont connu les dernières années du vingtième siècle. « Party like it’s 1999 » dit Prince ? Nous l’avons suivi au pied de la lettre…

    Sauf que cette période-là est finie depuis belle lurette. Et pour la séquence nostalgie, faudra vous adresser ailleurs. Pas envie de tout reprendre à zéro – ou si, tiens, juste histoire de poser une pierre blanche : première « Respect » le mercredi 2 octobre 1996 au Queen. Entrée gratuite sur les Champs Elysées. 1700 personnes sur la piste. La première nuit d’une saga qui nous emmènera jusqu’à Hollywood.

    Imaginez maintenant qu’il y a un mur devant vous, celui qui me fait face, dans notre bureau de Belleville. Et scotchés dessus : des flyers, des photos, des cartes postales et quelques babioles……

     

     

     

    Souvenir Un. Une carte postale du fanzine eDEN, avec ce slogan : « La tension monte” ». eDEN était le fanzine du début des années 90 consacré à la House Nation, l’un des seuls médias français à soutenir ce courant musical. Avec eDEN, deux radios faisaient du bon boulot : Nova et FG et un seul magazine : Coda. Mais pour le reste, c’était affligeant. Il faut croire que tous les autres médias musicaux et généralistes s’étaient ralliés contre la House et la Techno. Résultat : “La tension monte” ! Un milieu underground de musiciens, DJs, labels, clubbers, ravers, fait de la résistance contre l’adversité mainstream, et disons-le, rock. Difficile à imaginer aujourd’hui. Et pourtant, c’est dans ce contexte que « Respect » voit le jour.

     

     

     

     

    Souvenir Deux. Un flyer du Twilo, énorme club new-yorkais fermé en 2001 suite aux pressions policières. C’est une soirée Respect. Vous lisez bien, nous avons tenu une résidence parisienne à Manhattan pendant plus de trois ans, soit une trentaine de soirées en tout, rien qu’à New York, dont la moitié au musée d’art contemporain PS1. Plateau de cette soirée : Dimitri from Paris et Junior Vasquez. Anecdote : chaque DJ avait une cabine séparée – les deux se faisant face. A 6h00 du matin, quand Junior a posé son premier disque, notre cabine s’est mise à trembler. Un frisson : cinq ans après notre première au Queen, nous vivons l’apogée de la croisade Respect à l’étranger.

     

     

     

    Souvenir Trois. Le flyer “Daft Club” doré, format carte de visite. Les Daft Punk jouaient toujours gratuitement pour la Respect, le patron devait juste arroser les potes de tickets consos. Entrée gratuite, file d’attente qui remonte les Champs sur quelques centaines de mètres. Et le feu à l’intérieur. Des dizaines de breakers. Un mélange de looks et de générations comme on ne l’avait plus vu depuis… les années 80. Des racailles à la cool, des vogueurs en action, Monsieur Calvin Klein qui retarde son retour à New York pour être là, et tout ce que Paris comptait de DJs et de producteurs à buzz.… La date ? Mercredi 15 avril 1998. C’est une autre date culminante, celle des Respect au Queen. La résidence sur les Champs s’arrêtera en juillet 1999… Ennui, lassitude, formatage musical. D’autres résidences nous attendaient à New York, Bruxelles, Copenhague. Et d’autres fêtes partout ailleurs : de Caracas à Sydney en passant par Kuala Lumpur.

     

     

     

    Souvenir Quatre. Un flyer « Kill the DJ »  photocopié avec cette mention : « Ton avis nous intéresse : comment ferais-tu pour tuer un DJ ?” ». On peut le dire, Kill the DJ, c’était la dark side de Respect. La force obscure. D’ailleurs, un secret : le nom “Respect”, c’est Ivan Smagghe (résident de KTD) qui nous l’a soufflé. Respect pour « Respect the DJ ». À un moment, il faut bien tuer ses héros, surtout quand ils se prennent pour des idoles. À force de voyager, notre retour à Paris en 2002 ne sera pas facile. Perte de repères : le Paris branché veut la peau du DJ. On s’y fera, et on passera de très bonnes nuits au Pulp.

     

     

     

    Souvenir Cinq. Un bracelet rose, “été d’Amour”. En 2002, Respect ouvre sa résidence saisonnière sur un bateau au coeur de Paris. Un “été d’Amour” qui vient de clôturer sa cinquième édition le 21 septembre dernier. Mots d’ordre : éclectisme musical, mélange des bandes, et une fête grand écart de la fin d’après-midi au lever du jour. Des DJs historiques, des selectors qui n’en font qu’à leur tête, des lives à gogo, mais pas (encore) de révolution musicale à l’horizon. En revanche, des dizaines de nouveaux couples et des millions de baisers. Sans exagérer.

     

     

     

    On arrêtera là pour aujourd’hui. Des madeleines comme ça, il y en aurait autant que de soirées. Des questions pour finir ? Non, non, on n’a pas fait fortune, loin de là. Non, nous n’avons pas révolutionné les nuits mondiales. Ni même les nuits parisiennes. Mais oui, on s’est bien amusé. Le futur ? On verra bien. Nous avons tenu dix ans – ça vaut bien une fête d’anniversaire, non ?

     

     

     

     

     

    5 Titres en Bande Sonore :

    ✓ Aretha Franklin : « Respect »
    ✓ Norma Jean Bell : « Baddest Bitch (Motorbass Mix) », extrait de la compilation « Respect Is Burning vol.2 ».
    ✓ Stetasonic : « Talking All That Jazz (Dimitri from Paris Remix) », extrait de la compilation « A Night At The Playboy Mansion ».
    ✓ Kimara Lovelace : « Misery (Lil Louis Extended Club & Harmony Mix) », extrait de la compilation « Respect to DJ Deep ».
    ✓ Grace Jones : « Feel Up (Danny Tenaglia Remix) », extrait de la compilation « After the Playboy Mansion ».

     

    Souvenirs de Jérome Viger-Kohler sur des Photos d’Agnès Dahan, pour Brain Magazine (05 juin 2007)

     

     

     

     

     

  • Léonard de Vinci : Les 1119 pages du Codex Atlanticus désormais consultables en ligne

     

     

    C’est à la bibliothèque Ambrosienne de Milan que vous pourriez, si l’occasion se présentait, découvrir cet intrigant recueil de dessins, créés par Léonard de Vinci en personne. Le « Codex Atlanticus » et ses fameuses notes écrites en miroir contient plus de 1100 feuillets, noircis entre 1478 et 1519. Après avoir numérisé en totalité les 12 volumes qui le composent, le site codex-atlanticus.it le rend accessible gratuitement.

     

    L’ouvrage qui inspira le célèbre « Da Vinci Code » de Dan Brown regroupe en tout 1 119 planches en grand format (64 x 43 cm). Son nom, « Codex Atlanticus », évoque la similarité de format entre cette œuvre et les grands atlas de l’époque. Il parcourt tous les champs de réflexion que le génie italien explora : anatomie, architecture, plans de machines complexes… Débuté en Toscane, il fut achevé en France, interrompu par la mort de Léonard de Vinci.

    Pour la première fois numérisé, fruit d’un partenariat entre la société The Visual Agency et la Bibliothèque Ambrosienne, le « Codex Atlanticus » est à découvrir par le biais d’une application web, offrant au visiteur une classification globale, par date, sujet ou thématique.

    On constate ainsi que géométrie et algèbre constituent la majeure partie du livre, suivis de la physique et des sciences naturelles — 1141 occurrences contre 1004. Viennent ensuite les instruments et machines, avec 906 occurrences, puis l’architecture et les arts appliqués, avec 496 documents, et enfin les sciences humaines avec 429 références.

     

     

     

    Il est cependant regrettable que l’application n’offre pas un moteur de recherche pour explorer différemment les entrées – et une meilleure fluidité de répartition (entre notes et dessins, par exemple, quand cela est possible). Le classement permet également de déterminer des périodes de création, mettant en lumière que c’est probablement entre 1507 et 1508 que Léonard fut le plus productif, avec plus d’une centaine de pages réalisées.

    Mais le Codex ne se contente pas de proposer des dessins d’une impressionnante précision ; on y retrouve également des fables, maximes, aphorismes, et divers commentaires, inspirés par la littérature florentine. Et par-dessus tout, le fameux « curriculum vitae » de Léonard de Vinci, envoyé au Duc de Milan, détaillant en neuf points ses qualifications pour le poste d’ingénieur militaire.

     

     

     

    Ce 2 mai 2019, on célébrait le 500ème anniversaire de la mort du peintre, ingénieur, penseur et immense génie de la Renaissance. De nombreuses célébrations partout dans le monde sont organisées à cette occasion, et la diffusion de ce manuscrit dématérialisé s’inscrit donc dans cet ensemble.

    Pour découvrir l’ensemble des pages, c’est ici, et vous pourrez y observer un véritable travail d’analyse de données…

     

     

     

     

  • La jeunesse d’Yves Saint Laurent

     

     

    Yves Saint Laurent nous quittait le 1er juin 2008. On ne saura jamais vraiment qui était Saint Laurent, derrière ses robes, ses tissus, ses soirées, ses amants. Il était le héros d’un roman, de sa propre histoire… Un être de papier qui grâce à Pierre Bergé put devenir l’un des plus grands couturiers de l’histoire de la mode. En 2017, neuf ans après le disparition du créateur, deux musées éponymes ouvraient à Paris et Marrakech.

     

    Le 3 octobre 2017, plus de quinze années après la fermeture de la maison de haute couture, s’ouvrait le Musée Yves Saint Laurent Paris. Il occupe l’hôtel particulier historique du 5 avenue Marceau, là-même où naquirent durant près de trente ans, de 1974 à 2002, les créations de Saint Laurent. Sur plus de 450 m2, une présentation sans cesse renouvelée, alternant parcours rétrospectif et expositions temporaires thématiques, nous offre à voir la richesse du patrimoine unique conservé par la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.

    Le musée rend compte aussi bien du génie du couturier que du processus de création des collections de haute couture. Mais plus qu’un simple lieu monographique, il se veut également le témoin de l’Histoire du XXème Siècle et d’une haute couture qui accompagnait un certain art de vivre aujourd’hui disparu.

    La scénographe Nathalie Crinière et le décorateur Jacques Grange, qui ont tous deux collaboré à de nombreux projets de la Fondation, ont repensé ses espaces d’exposition dans l’ambiance originelle de la maison de haute couture. Le Musée Yves Saint Laurent Paris est le premier musée de cette ampleur consacré à l’œuvre d’un des plus grands couturiers du XXème siècle à ouvrir ses portes dans la capitale de la mode.

     

    Le Musée Yves Saint Laurent Paris expose l’œuvre du couturier dans le lieu historique de son ancienne maison de couture, à travers un parcours rétrospectif et des expositions temporaires thématiques présentées successivement.

     

    En septembre 2018, le Musée Yves Saint Laurent à Paris mettait ainsi en lumière plus d’une soixantaine de dessins réalisés par le créateur lorsqu’il était encore adolescent, mais aussi des clichés exceptionnels. Ces oeuvres, pour la plupart inédites, reflètent la jeunesse d’Yves Saint Laurent, de son adolescence bercée par le soleil d’Oran à son arrivée à Paris en septembre 1954. On y découvrait également une série de clichés du créateur jeune, mais aussi des archives issues de ses voyages à Marrakech.

    Cette exposition fut une occasion en or de découvrir les débuts prometteurs d’Yves Saint Laurent, et notamment son intérêt pour les Arts, comme la littérature, le théâtre, le ballet et bien-sûr, la mode. Ces oeuvres, sondant toutes les passions du designer, préfiguraient l’émergence de l’un des couturiers français parmi les plus emblématiques.

     

     

    Yves Saint Laurent avec ses parents, Lucienne et Charles (1938) © Droits réservés

     

    Yves Saint Laurent, dans les années 1940 © Droits réservés

     

    Dessin d’Yves Saint Laurent, programme de collection de Paper Doll, entre 1953 et 1955. Musée Yves Saint Laurent Paris. © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Madame Bovary », d’après le roman éponyme de Gustave Flaubert, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Livre d’enfance, « Merlin ou Les Contes Perdus », d’après le roman éponyme d’Andrée Pragane, 1952. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Paper Doll Bettina et trois vêtements de sa garde-robe, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour Madame de Vermont, dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour La chambre de la Reine de Navarre dans la pièce « La Reine Margot », d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas, 1953. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour la pièce « Sodome et Gomorrhe » de Jean Giraudoux, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de costume (non réalisé) pour La Reine dans la pièce « L’Aigle à Deux Têtes » de Jean Cocteau, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Croquis de décor (non réalisé) pour le ballet « Les Forains » d’Henri Sauguet, 1951. Musée Yves Saint Laurent Paris © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Tous droits réservés

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent à Marrakech, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent à Marrakech © Pierre Bergé

     

    Pierre Bergé et Yves Saint Laurent au Château Gabriel © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

    Yves Saint Laurent, Anne-Marie Muñoz et Pierre Bergé, 1977 © Fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent / Guy Marineau

     

     

     

  • Bienvenue au Club : 25 ans de musiques électroniques [Arte]

     

     

    Comment la Techno, une musique alternative à la réputation sulfureuse – musique du ghetto, synonyme de violence et d’usage de stupéfiants – et trop souvent caricaturale, s’est-elle imposée pour devenir « le » courant musical fédérateur et universel, venu à la rescousse d’une industrie du disque moribonde ?

     

    Inspirée par l’écoute de l’album « Autobahn » du groupe précurseur allemand Kraftwerk, sorti en 1974, la Techno émerge à Detroit vers 1986, avec les trois pères fondateurs, Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson.

    Elle envahit d’abord l’Europe via Manchester et Berlin, avant de donner naissance aux raves et autres afters organisés dans des endroits sauvages, voire « interdits ». Bientôt, partout dans le monde, les DJs libèrent émotions et inhibitions et l’ecstasy dope les dancefloors, avant l’interdiction en Angleterre des raves. Laquelle suscite aussitôt une radicalisation du mouvement avec le phénomène des free parties. Spiral Tribe érige la Techno en mode de vie et les Daft Punk remettent la France sur la carte mondiale du genre, avec leur premier album « Homework » en 1997.

    Boostée par les soirées « Respect » organisées au Queen à Paris, la « French Touch » s’exporte, et le clubbing redevient branché. Omniprésentes aujourd’hui, des plages de Croatie à l’Ultra Music Festival de Miami, les musiques électroniques, hier diabolisées, sont devenues très bankable. Réunissant images d’archives et témoignages vibrants de figures emblématiques de la planète Techno, ce film impeccablement mixé revisite un quart de siècle de bandes son techno pour un retour vers le futur de la dernière grande révolution musicale.

     

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  • 33 tours autour d’un microsillon | Ten Years After : « Ssssh »

     

     

    Aujourd’hui, qui se souvient encore de Ten Years After ? En août 1969, il y a cinquante ans, le plus injustement oublié des groupes de British Blues fut pourtant un de ceux qui enflammèrent le public relativement léthargique du Festival de Woodstock… Ça vous revient ? La même année sortait l’album « Ssssh » qui marquait d’une pierre blanche la grande histoire du Rock.

     

    Le guitar hero qui jouait plus vite que son ombre, comment s’appelait-il déjà ? Ah oui… Alvin Lee… Avec son compère Leo Lyons, bassiste, ils avaient formé The Jaybirds en 1960, et avaient suivi dès 1962 les traces des Beatles, pour aller jouer les stakhanovistes du rock au Star Club de Hambourg, tout juste après les scarabées. Puisant comme beaucoup d’autres groupes dans le répertoire du Blues originel, ils ne deviennent Ten Years After qu’après un concert mythique au Marquee Club de Londres en 1967.

    Leurs deux premiers albums paraissent la même année, et passent plutôt bien sur les radios américaines friandes de la « British Explosion ». Engagés par Bill Graham, ils font une tournée aux Etats-Unis en 1968, avant de se retrouver à Woodstock l’année suivante. L’énergie, l’enthousiasme et l’authenticité qui sont aussi flagrants dans leurs prestations scéniques que dans leurs enregistrements studio, compensent sans doute une créativité qui se limite à l’époque à inclure quelques paroles originales sur des grilles maintes fois revisitées, mais ils le font avec un punch unique.

     

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    Il faudra attendre l’album « Ssssh » sorti en août 1969, puis l’opus « Space in Time » en 1972, pour entendre enfin quelque chose de vraiment original. Sans oublier non plus qu’ils furent parmi les premiers, avec Stevie Wonder, à utiliser les synthétiseurs. La première tentative d’évolution créative, avec « Stonedhenge », leur troisième album paru quelques mois avant le mythique « Ssssh », s’était avérée assez infructueuse, même si ce fut leur premier vrai succès commercial. Il en avait résulté un album vain et raté, auquel seul un fan jusqu’au-boutiste pouvait trouver quelques qualités.

    Ce qui ne sera pas le cas du disque du jour… Paru en 1969, le quatrième album de Ten Years After ne présente en fait que deux défauts majeurs : son titre et une pochette hideuse. Et un défaut moindre : ce sample de volatile indéterminé qui ouvre le premier titre, totalement incongru… Mais le reste du contenu relève du sans-faute ; ici, ni solo de basse ou de batterie inutiles ni concepts foireux… Que du bon vieux blues bien poisseux et du rock psychédélique. Des reprises bien choisies, comme « Good morning little schoolgirl » , avec un riff à couper le souffle, une dérive jazzy bienvenue et des effets électroniques étranges sur la voix, qui font de cet album un Must absolu, même pour ceux qui ne seraient pas des inconditionnels du blues rock.

     

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    Alors, redonnons aujourd’hui ses lettres de noblesse à Ten Years After, car le groupe le mérite… Si, au final, Alvin Lee n’était pas un chanteur capable de rivaliser à l’époque avec un Rod Stewart, par exemple, et s’il n’était pas non plus le meilleur guitariste du monde, Jimi Hendrix ayant tout juste laissé la place à Clapton, et même si aucun des membres du groupe n’était un virtuose de son instrument, ensemble, leur jeu « Fast and Furious » faisait mouche.

    Reconnaissons-leur également le mérite d’avoir duré jusqu’en 1975, sans nous abreuver jusqu’à plus soif de disques merdiques, à l’instar de Jethro Tull, pour ne citer qu’eux. Et saluons aussi la constance de l’amitié qui liait les uns aux autres, Ric Lee, le batteur (sans aucun lien de parenté avec Alvin Lee), Chick Churchill, l’ancien roadie qui tenait les claviers et Leo Lyons, le bassiste, même si Alvin avait décliné en 2001 leur offre de participer à la reformation du groupe. Après quelques concerts exceptionnels en Europe et un album assez réussi, « Saguitar », paru en 2008, Alvin est décédé en 2014 en Espagne où il vivait depuis une dizaine d’années.

     

    Article : bigbonobo

     

     

     

     

  • Lunettes Noires pour Nuits Blanches

     

     

    En 1988, Thierry Ardisson réinvente l’interview télé. Il y aura un avant et un après « Lunettes Noires pour Nuits Blanches », même si l’émission du samedi soir n’a duré que deux ans.

     

    « Salut bande de nazes ! », « C’est en exclu, Lulu ! » ; ces formules en voix off de Thierry Ardisson, ponctuant son émission pour couche-tard du samedi soir, « Lunettes Noires pour Nuits Blanches », résonne encore dans bien des têtes. Elle n’a pourtant duré que deux ans, de septembre 1988 à juin 1990. À l’époque, Ardisson s’est fait connaître avec « Scoop à la Une », sur TF1 et « Bains de Minuit », sur la Cinq.

     

    « Si on vous donnait la tranche horaire des Enfants du Rock, qu’est-ce que vous feriez ? » Claude Contamine, alors directeur des programmes d’Antenne 2, n’attend pas longtemps la réponse à la question qu’il pose à Thierry Ardisson, convoqué dans son bureau. « Je ferais non pas une émission de rock, mais une émission rock, rétorque l’intéressé. Je parlerais non seulement de chanteurs, mais aussi d’écrivains, de peintres, de comédiens. Le rock est plus un état d’esprit et une culture qu’une musique. »

     

    Ardisson propose donc un magazine d’une heure 30, coproduit avec Catherine Barma, avec « 50 % de musique, 25 % d’interviews et 25 % de reportages », n’en déplaise aux amoureux du rock’n’roll, orphelins de leur émission. « Et comment vous l’appelleriez ? », interroge Contamine. En face, le jeune loup se souvient d’un slogan imaginé pour l’annonceur d’un journal « underground » où il travailla neuf ans plus tôt, dans le quartier des Halles. « J’avais trouvé un titre pour les Lunettes Glamor : lunettes noires pour nuits blanches » ; une des nombreuses griffes de l’ex-publicitaire, à qui l’on doit aussi les célèbres « Ovomaltine, c’est de la dynamite ! », « Vas-y Wasa ! » et « Lapeyre, y’en a pas deux ! ».

    « À partir de ce moment-là, ce qui était génial, c’est qu’on avait une liberté quasi totale », raconte Ardisson. Séquence nostalgie. En cette fin des années 80 souffle un vent de liberté qui touche tous les secteurs et presque tous les pays. En 1988, en URSS, Gorbatchev accélère les réformes qui vont aboutir, un an plus tard, à l’effondrement du rideau de fer soviétique, le mur de Berlin tombe, le dictateur roumain Nicolae Ceausescu est renversé, la France célèbre le bicentenaire de sa révolution.

    Dans l’air du temps, l’animateur invente un ton, sarcastique et provocateur. Antenne 2 veut une émission « branchée ». Lui déglingue les codes de l’interview, inquisiteur émoustilleur des intimités du show-biz. Une bouffée d’air frais salutaire, quand tous les autres animateurs font simplement de la promo. Son arme choc : l’interview-concept. Il y a en aura jusqu’à cinquante…

     

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    « À l’époque, on connaissait le questionnaire de Proust. C’était la seule interview formatée. Pourquoi toujours commencer par Bonjour, comment allez-vous ? ». Voici le « chouchou », « le jeu le plus naze de la télé », « l’antiportrait chinois » (« Si vous étiez une cicatrice », « Si vous étiez une catastrophe »), les « questions cons » (qui vont faire un tabac), le « blind test » (retrouver les titres de tubes), « l’auto-interview » (celle de Gainsbourg/Gainsbarre fait toujours le buzz sur la Toile aujourd’hui), sur fond de « Night Clubbing », musique du générique de l’émission signée Iggy Pop, au rythme de laquelle défilent les photos des invités « warholisés » ; portraits pop jaune, vert, rose et flanqués de lunettes noires.

    Le combat avec les invités-victimes semble pourtant douteux. L’émission ne se déroule pas en direct, et Ardisson a tout loisir de faire sauter au montage les dérapages incontrôlés. Celui-ci s’en défend. « Je n’ai jamais voulu faire l’émission en direct. Non pas par peur, mais parce que vous ne tenez pas les gens jusque tard dans la nuit si vous ne coupez pas les moments où on s’ennuie ». Aucune séquence n’a été censurée ? « Jamais, jure-t-il. Quand on dit montage, on pense souvent censure. C’est faux ! ». La censure vient d’ailleurs. « À un moment, il ne fallait pas inviter Jean-Edern Hallier parce qu’il avait écrit un pamphlet qui s’appelait « L’honneur perdu de François Mitterrand » », se souvient-il. Or, le président socialiste venait d’être réélu. « Il ne fallait pas non plus inviter maître Vergès parce qu’il avait défendu Klaus Barbie. C’était hallucinant ! Dieu sait si je hais Barbie, mais quand même ! »

     

    Les invités ne savaient pas à quelle sauce ils allaient être cuisinés. « Sauf Juppé, qui était alors secrétaire général du RPR », se souvient Ardisson qui s’exclame : « Il faisait l’auto-interview. C’est là que j’ai compris qu’il ne ferait jamais carrière. Il y avait une partie où moi je lui posais des questions. Et une autre où il chaussait les lunettes noires et où lui se posait les questions. C’était surréaliste ! Il n’y arrivait pas, jouait faux, jouait mal. Je me suis dit qu’il avait du souci à se faire, lui qui se lançait dans une carrière politique ! »

     

    L’enregistrement a lieu au Palace. La célèbre discothèque parisienne n’en est plus à ses heures de gloire, mais elle n’en reste pas moins l’endroit où il y a des mignonnes. Les langues s’y délient et les tabous explosent. Ardisson adopte un ton libertaire et libertin, parle sexe, drogue, « comme on en parle dans la vie ». Dès la première, le 17 septembre, il lance à Guesh Patti, qu’il tutoie : « Es-tu pour la légalisation de certaines herbes magiques ? » La chanteuse du hit « Etienne, Etienne », réplique : « Je trouve plus sympathique de l’avoir en douce ».

    La Marie-Jeanne, que l’animateur « ne considère pas comme une drogue », est omniprésente, du moins verbalement, chaque semaine. Mais quand Ardisson affirme que « la drogue, ce n’est pas de la merde », la ligne rouge est franchie. On n’est plus dans une transgression du langage. C’est du dérapage. Les Inconnus l’étrillent dans une parodie qui tourne toujours sur YouTube. L’époque est à une prise de conscience. 1988, c’est aussi l’année de la première conférence mondiale sur le sida.

     

    « L’époque autorisait certains débordements », jus­tifie le producteur qui assure avoir été « juste naturel ». Il plaide encore : « Je n’ai jamais fait la propagande de la cocaïne, moi qui ai eu tant de mal à m’en sortir. Je trouve toujours ridicule de dire que la drogue, c’est de la merde, car jamais personne ne va payer 120 sacs un gramme de merde. Partant de là, il faut aller au fond des choses pour expliquer pourquoi mieux vaut ne pas en prendre. »

     

    Deux mois après le lancement de l’émission, en 1988, deux millions de téléspectateurs sont au rendez-vous le samedi soir, souvent des night-clubbers qui attendent le générique de fin pour aller s’encanailler. Le succès vient aussi de la mise en scène. Ardisson arrive devant la discothèque en 404 coupée. En réalité, « elle était tirée par un camion spécial parce que je ne savais pas conduire ».

    Puis il y a l’ambiance, les volutes de fumée des clopes tirées comme si chacune était la cigarette du condamné, les rythmiques des clips (marque de fabrique des années 1980) qui montent à la tête, les verres d’alcool avalés comme autant de ponctuations, les figurants rasés, cloutés, badgés. « Il fallait donner tous les signes de la nuit, se souvient le producteur. Je procédais comme pour un film, en usant au maximum de l’illusion ».

    Ardisson a sabordé « Lunettes »… « Ma connerie est d’avoir annoncé dès le début la fin, pour juin 1990. Il fallait être fou ! Je ne voulais plus faire d’antenne ». Mais n’affiche aucun regret. Vingt ans après, les Dechavanne, Ruquier, de Caunes, Fogiel étaient-ils ses héritiers ? L’orgueilleux réfute ces ambitieux qui « ont tellement envie de faire de la télé », alors que lui, n’en voulant pas, pétrifié par le trac, aura gravi les marches du succès, simplement mû par le plaisir, interviewant en deux ans 800 stars, dans un esprit de pionnier.

     

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    Trente ans après la rencontre avec Gainsbourg, l’émission reste une référence dans la carrière d’Ardisson. Sur la Toile, les internautes commentent encore cette séquence durant laquelle l’animateur « parvient à faire sauter la carapace du fumeur de gitanes, dévoile un personnage attachant, tantôt pudique, tantôt outrancier, toujours libre ». L’auto-interview reste un moment d’anthologie. L’animateur, lui, se souvient ému de la genèse de cette « histoire » diffusée le 8 avril 1989.

     

    « Un jour, j’ai reçu un coup de fil de Philippe Lerichomme, qui était l’homme de confiance artistique de Gainsbourg. Serge veut faire une émission spéciale avec toi. Il veut que ce soit tourné l’après-midi. Moi, l’après-midi, je trouvais ça nul mais bon, je n’avais pas le choix. Avec Catherine Barma, on monte l’émission, on lui fait rencontrer Antoine Blondin, Béatrice Dalle et d’autres artistes qu’il voulait voir. Je n’en revenais pas. »

     

    Ardisson admire Gainsbourg… Il évoque avec gourmandise comment il a passé ses invités à la moulinette de l’interrogatoire. L’actrice au parfum de scandale, révélée quatre ans plus tôt dans « 37°2 le Matin », brille par son ennui. Gainsbarre ironise sur ses frasques en trinquant avec l’auteur des « Enfants du Bon Dieu », son complice « d’alcool et de commissariats ».

    Sur la scène du Palace, Étienne Daho chante « Heures Hindoues ». Gainsbourg taquine Bambou et parle, comme s’il n’avait pas le temps, de leur garçonnet, Lulu. On dirait une émission testamentaire. Ardisson se souvient : « À la fin de l’enregistrement, j’ai demandé à Lerichomme : Pourquoi est-ce que Gainsbourg m’a fait ce cadeau ? Et là, il m’a répondu : Gainsbourg rentre à l’hosto demain, il a une chance sur deux d’y rester et il a voulu faire sa dernière télé avec toi. J’étais pratiquement en larmes ».

     

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    Interview de Thierry Ardisson publié dans Le Figaro Culture le 17.08.2009

     

     

     

  • Fabrice Mathieu : « Moon Shining »

     

     

    A l’occasion du 50ème anniversaire du premier pas sur la Lune, replongeons avec « Moon Shining » du réalisateur Fabrice Mathieu dans le making of du tournage de la Mission Apollo 11 réalisé par Stanley Kubrick en 1969. Attention : document classé Top secret depuis plus de 50 ans… jusqu’à aujourd’hui.

     

    Bon, admettons que Fabrice Mathieu prenne parfois quelques libertés avec le cours de l’histoire, mais ça n’est jamais péché car c’est toujours pour notre plaisir. Et il n’en reste pas moins que ses petits arrangements avec les événements sont toujours très cohérents et ont le mérite de nous ramener à des époques bénies entre toutes.

    Car le « Mashup » requiert tout de même non seulement une culture certaine, mais aussi un sens de l’imagination assez prononcé. Si les nouveaux moyens technologiques sont de plus en plus accessibles au premier quidam venu, il faut néanmoins être capable, en visionnant une scène précise, de pressentir quelle autre séquence ou quel autre son pourrait venir s’y marier à la perfection, tout en donnant sens à l’histoire que l’on souhaite raconter.

    Ce qui nous semblait hier être pratiqué sur le mode de « petits bidouillages entre amis » par quelques illuminés prend aujourd’hui une ampleur certaine, avec même un festival qui leur est consacré, le « Mashup Film Festival ».

     

    « Pop et Punk, drôle et subversif, le cinéma Mashup est un art contemporain populaire, né du croisement d’internet et du cinéma. Soutenu notamment par le CNC, la DRAC, l’Institut Français, parrainé en mars 2019 par Jean-Pierre Mocky, le « Mashup Film Festival » est l’occasion pour les aficionados et les cinéphiles de tout poil de se retrouver lors de plusieurs événements intimistes et ouverts, autour de projections, spectacles, ateliers et conférences, dans une vingtaine de lieux, en France comme à l’étranger. »

     

    Et attendant l’édition 2020 et l’émergence de nouveaux adeptes, régalons-nous des productions de Fabrice Mathieu, empreintes de poésie et de nostalgie pour une époque révolue, et vous avez d’ores-et-déjà de quoi faire sur sa page Vimeo.

    A découvrir d’urgence… A Instant City, on adore !

     

     

    Cast : Wernher von Braun, Stanley Kubrick, John Fitzgerald Kennedy, James Webb, Fred Ordway, Neil Armstrong, Buzz Aldrin, Matthew Johnson, Owen Williams, Arthur C. Clarke, Richard Nixon, Michael Collins…

     

    Extraits de films utilisés :

    ✓ « Operation Avalanche »
    ✓ « Moonwalkers »
    ✓ « Capricorn One »
    ✓ « 2001 : A Space Odyssey »
    ✓ « First Man »
    ✓ « Diamonds Are Forever »
    ✓ « Frenzy »

     

    Documents Visuels utilisés :

    ✓ Behind the scenes of « 2001: A Space Odyssey »
    ✓ Behind the scenes of « First Man »
    ✓ Wernher Von Braun tells the story of Apollo 11
    ✓ Wernher Von Braun, his story told
    ✓ Wernher Von Braun explains the possibility to reach the Moon
    ✓ Apollo 4 Wernher Von Braun explains how the preparations are going for the first launch
    ✓ Apollo 11 the first landing on the moon
    ✓ Revisiting The Moon Landing
    ✓ First Man on the Moon, The Real Neil
    ✓ Was the Moon Landing faked, Mythbusters
    ✓ A Funny Thing Happened on the Way to the Moon
    ✓ The Journeys of Apollo 11, The Conquest of the Moon, NASA documentary (2009)
    ✓ Stanley Kubrick Moon Landing Conspiracy
    ✓ President Nixon speaking with astronauts Armstrong and Aldrin on the Moon
    ✓ Astronauts welcomed by Nixon 1969

     

    Edited and directed by Fabrice Mathieu.

     

    [arve url= »https://vimeo.com/337720951″ align= »center » title= »« Moon Shining » by Fabrice Mathieu » duration= »5M42″ maxwidth= »900″ /]

     

     

     

  • Le Wax se raconte dans « Wax. 500 Tissus »

     

     

    Le Wax se raconte à travers ses dessins imprimés sur coton. Et le nom attribué à chaque dessin renvoie à des expressions populaires, à un animal ou encore à un objet du quotidien. C’est la belle histoire que nous narre Anne Grosfilley dans son superbe ouvrage « Wax. 500 tissus ».

     

    A tous ceux qui sont originaires ou qui ont grandi en Afrique de l’Ouest, le terme « Wax » évoquera forcément des souvenirs encore vivaces, chargés de couleurs chaudes et d’histoire… Avec son livre « Wax. 500 Tissus » à paraître aux Editions de La Martinière le 23 mai 2019, Anne Grosfilley nous invite donc à partir à la découverte de cette étoffe emblématique du continent africain, par l’intermédiaire de 500 clichés originaux réunis dans cet ouvrage.

    Car le Wax est bien plus qu’un simple tissu aux dessins étonnants et aux couleurs audacieuses. Ces étoffes ont une histoire, une signification, depuis que les « Mama Benz » (riches commerçantes togolaises) leur ont donné des noms pour mieux les commercialiser. Ce nom, adapté au contexte économique et social local, peut changer suivant que l’on soit en Côte d’Ivoire, au Ghana ou au Bénin.

    Au cœur de polémiques sur l’appropriation culturelle, le Wax est une étoffe hybride dont l’identité est multiple. De l’Indonésie au Ghana en passant par les Pays-Bas, découvrez les différentes vies de ce tissu chatoyant, porté dans la quasi totalité de l’Afrique subsaharienne et depuis peu sur les podiums des défilés parisiens.

    Paris 2017. Stella McCartney crée la polémique en utilisant des tissus Wax pour son défilé lors de la Fashion Week parisienne. Elle est accusée d’appropriation culturelle mais pour l’historienne de l’art Anne-Marie Bouttiaux :

     

    « Ce qui rend ce tissu absolument fascinant est son hybridité, le fait qu’il défie toute possibilité de se voir assigner une identité fixe, pure. Bien plus que le concept d’identité, celui d’identification est à mon sens plus utile pour évoquer ce qui permet à un individu de se positionner, de se définir. Avec le wax, on se trouve face au même entrelacs d’identification multiple selon l’endroit où il est porté et selon le contexte qui le met en scène. »

     

    Originaire d’Indonésie

    Le Wax doit son inspiration au Batik indonésien, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2009. Selon un procédé ancestral, les Javanais utilisent de la cire pour dessiner des motifs avant de teindre le tissu. La cire est ensuite enlevée à l’eau chaude, laissant apparaître le motif, d’où le nom de Wax (cire en Anglais).

     

    Fabriqué en Europe

    Au milieu du XIXème siècle, les Anglais, mais surtout les Hollandais, ont commencé à copier les tissus Batik produits à Java. Ils les ont manufacturés pour produire plus vite et moins cher et les vendre sur le marché indonésien. Mais les ventes ne suivent pas. Dans les années 1890, les Hollandais de la firme Vlisco s’inspirent alors de motifs africains pour vendre leur tissu en Afrique, via l’actuel Ghana, avec un succès immédiat.

     

    Diffusé en Afrique

    Au début du XXème, le Wax est un produit de luxe, mais dans les années 1950, il est popularisé par les « Mamas Benz ». Ces revendeuses togolaises vont diffuser ces étoffes largement en Afrique de l’Ouest. Comme ce tissu n’est pas lié à une population africaine particulière, tout le monde se l’approprie. Il devient ainsi un tissu panafricain.

    Comme c’était déjà le cas en Indonésie, le Wax est aussi un outil de communication. Les motifs et les teintes ont des significations particulières selon les pays et les circonstances. « Là où un dessin commence à devenir très fort, c’est quand il est toujours utilisé pour la même période ou la même cérémonie. Il y a des dessins au Ghana qui sont utilisés spécifiquement pour les enterrements », explique un responsable de l’entreprise Vlisco au Ghana.

    Dans les années 1960, à l’aube des indépendances, plusieurs pays africains se mettent à produire eux-mêmes du Wax. C’est le cas au Ghana, au Sénégal, au Nigéria et en Côte d’Ivoire. Beaucoup d’usines ont depuis été rachetées.

     

    Produit en Chine

    Dans les années  1990-2000, les « Mamas Benz » et les productions locales sont concurrencées par l’arrivée de Wax « Made in China ». La Chine se met à produire du Wax bon marché. Aujourd’hui la production chinoise représente 90 % du marché du Wax.

     

    Consultante pour des entreprises et des créateurs, Anne Grofilley est lauréate du prix Millenium Award en Angleterre, pour avoir fait découvrir l’Afrique à travers son patrimoine textile. En racontant l’histoire de chaque dessin, cette docteur en anthropologie spécialisée dans le textile et la mode en Afrique explique comment des classiques des années 1920 à 1950 ont pu traverser frontières et décennies afin de séduire aujourd’hui une clientèle parisienne, londonienne, milanaise ou new-yorkaise mais, aussi les créateurs.

    Ainsi, fin avril 2019, Maria Grazia Chiuri faisait appel à elle pour sa collection « Dior Croisière 2020 ». La directrice artistique de Dior a collaboré avec l’entreprise Uniwax, en Côte d’Ivoire, dont le studio a réinterprété deux motifs chers à la maison, donnant lieu à une édition spéciale autour d’un wax 100 % africain (les cotons étant cultivés, filés et imprimés en Afrique).

     

    « Chéri, ne me tourne pas le dos » (1984)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    « Z’yeux voient, bouche dit rien » (2011)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Dans la culture populaire, la tortue terrestre renvoie à la nuit des temps. Les comtes lui prêtent des qualités positives. (1982)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif ABC Grafton, Alphabet (1964)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif de 1949 dit « Hirondelle », « Fokker ». Au Ghana, il illustre la maxime « même l’argent s’envole »  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif « Elégance » (2008)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif « Animaux » (1935)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

    Motif dit « Queue de Cheval » (1950)  © Anne Grosfilley « Wax, 500 Tissus »

     

     

    Entre histoires coloniales et appropriations culturelles, découvrez l’histoire du wax, un tissu plus universel qu’on ne le pense…

     

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  • KissKissBankBank a 10 ans !

     

     

    Le 06 mai 2019, KissKissBankBank fêtait ses dix ans ! Dix ans de créativité, de solidarité et d’innovation. Vincent Ricordeau, cofondateur et président de KissKissBankBank, revient sur la création du site, sa construction et son développement. Bienvenue dans les coulisses !

     

    2007. « Tu connais Myspace ? » Cette question a changé le cours de ma vie. Deux ans plus tard nous lancions KissKissBankBank : désormais les créateurs en tout genre pourront financer leurs projets directement avec le public. Vive le crowdfunding !

     

    2009-2019. Dix ans… Une tranche de vie. KissKissBankBank est une fabrique à optimisme. Un atelier permanent de créativité collective. Une usine à confiance en soi. KissKissBankBank a eu plus d’impact sur moi que l’inverse. Je sortais d’un univers professionnel individualiste, cupide et violent. Vendre comme profession de foi. Je m’y sentais bien. Pourtant j’en suis sorti épuisé humainement. Je sonnais vide, creux, métallique. Je crois que KissKissBankBank a sauvé mon âme. Et pourtant, quelle aventure !

    Une utopie comme ligne directrice. Un marché vierge. Un entourage circonspect. De la malveillance, parfois. Du soutien aussi. Entreprendre, c’est sauter d’une falaise en construisant son parachute pendant la descente. Si tu as le bon réseau, tu trouves des fonds pour financer ton projet. Six mois de négo. Pour nous, ce sera XAnge Private Equity.

     

    Septembre 2009. Ça y est, on démarre. Débuts très difficiles. Bigre, le cash file à toute vitesse. Huit mois. On n’a encore rien montré. Les caisses sont vides. On arrête ? Jamais ! XAnge remet au pot, sinon ils perdent tout. Comme nous. Ca passe. Juste juste.

     

    Septembre 2010. Un an. Personne ne comprend où nous allons. Nous non plus. On n’est sûrs de rien. On pédale, c’est tout. Après la musique, KissKissBankBank s’ouvre à tous les secteurs culturels et associatifs. Des dizaines de conférences. Partout en France. Cours, Forest, cours. Des myriades de rendez-vous chez les producteurs, les labels, les éditeurs, les tourneurs…

     

    « Quoi ? nos artistes devraient faire la manche sur Internet ? Sûrement pas. »

     

    2011. Heureusement, ça commence à marcher chez les artistes indépendants. Respire. L’économie collaborative envahit les médias et les soirées bobos. Notre page Facebook frémit. Enfin. Les chiffres augmentent. Merci « Télématin ». Miracle. Croissance à 2 chiffres, puis à 3 chiffres. Grisant. Fascinant.

     

    2012. Trois ans. On entre dans le Top 10 des marques les plus sexys du Web français. Pur bonheur ! Mais notre marché est trop petit. Il faut se diversifier. Allez, invente ! Alors on monte une plate-forme de prêts solidaires pour les entrepreneurs, Hellomerci. Pas assez rentable. Bon, d’accord. Invente encore. Et si on investissait notre épargne dans l’économie réelle en prêtant directement aux entreprises françaises ?

    Attention, ici c’est le pays du monopole bancaire. Touche pas au grisbi. Dix-huit mois de lobbying. Bercy, puis l’Elysée, puis Bercy. Puis Bercy, encore et encore. Et paf, le monopole bancaire. Alors, on lance une nouvelle plate-forme, Lendopolis. La troisième en cinq ans. Ventile, ventile.

     

    2015. Des statuts réglementaires, tout beaux tout neufs. Fini le temps des utopies. Dans le nouveau monde régulé du crowdfunding, on parle de fonds institutionnels, de classe d’actifs, de société de gestion. Fichtre. Bienvenue dans le monde des fintech. Aie. Il faut relever des fonds. Déjà ? Oui. Beaucoup ? Oui. Grosse concurrence. On est armé d’Opinel alors que les autres attaquent au bazooka. On a besoin d’air frais. Allez, souffle. Souffle encore.

     

    2017. Réfléchissons : Nous avons huit ans maintenant et deux très belles marques. Nous sommes devenus bankables. La Banque Postale nous fait des appels du pied. Nous serions encore plus forts avec eux. Alors, on vend ou pas ? Soyons honnête, ça a toujours été un des scénarios envisageables. Il nous faut un nouvel élan. Allez, on y va, c’est le moment. On vend.

     

    2018. Alors heureux ? Oui, bien sûr, mais comment dire ? T’as déjà laissé tes fenêtres ouvertes en plein mistral ? Et ben, ça ressemble à ça. Ca secoue pas mal à tous les étages. Ta boîte ne sera plus jamais la même. C’est le jeu. T’as vendu, t’as vendu. Mais bon, globalement, ça se passe bien. Allez, inspire. Expire.

     

    Vincent Ricordeau, cofondateur et président de KissKissBankBank & Co.